AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 février 2002), que la société Rozes, titulaire de la marque "Rozes", renouvelée le 30 décembre 1998 pour désigner en classe 33 des boissons alcooliques à l'exception des bières, a formé opposition à la demande d'enregistrement par la société Tarquin de la marque "domaine Rozes" pour désigner dans la même classe des vins de pays et des vins d'appellation contrôlée ; que le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a déclaré l'opposition justifiée et a rejeté la demande d'enregistrement ; que la cour d'appel a accueilli le recours formé par la société Tarquin ;
Attendu que la société Rozes fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision du directeur de l'INPI et rejeté l'opposition qu'elle avait formée, alors, selon le moyen :
1 / que ni devant le directeur général de l'INPI, ni devant la cour d'appel, la SCEA Tarquin ne contestait que sa demande d'enregistrement de la marque "Domaine Rozes" visait des produits identiques à certains de ceux couverts par la marque Rozes de la société Rozes ; qu'en retenant néanmoins que la désignation des produits en cause ne serait "pas strictement identique, vins de pays et vins d'appelation contrôlée étant plus spécifique que boissons alcooliques", la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en soulevant en outre d'office ce moyen tiré d'une absence de stricte identité entre les produits en cause, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer à cet égard, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire, en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en se bornant à affirmer qu'"il ne peut exister, aux yeux d'un consommateur moyen, de risque réel de confusion entre un vin ainsi désigné sous le signe "Domaine Rozes" et une boisson, fût-elle un vin de même nature, commercialisée sous la marque Rozes", sans donner aucun motif de nature à justifier qu'un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas en même temps les deux marques sous les yeux ne risquait pas d'attribuer à la même origine des vins portant la dénomination Rozes et du vin portant la dénomination "Domaine Rozes", la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et a, par là même, entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'en retenant, pour écarter tout risque de confusion entre les marques Rozes et "Domaine Rozes" désignant toutes deux du vin, que "le terme "domaine" présente un caractère distinctif par rapport à la simple marque Rozes", tout en constatant "qu'en matière viticole, (ce terme) évoque simplement une étendue de vignes avec un siège d'exploitation", ce qui signifie qu'il présente un caractère générique ou usuel et n'est donc pas distinctif, pour désigner du vin, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / qu'en se contentant, en outre, pour affirmer l'absence de risque de confusion, de se référer au consommateur moyen et non au consommateur d'attention moyenne n'ayant pas en même temps les deux marques sous les yeux, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant que les produits visés dans les deux marques en litige n'étaient pas strictement identiques, bien qu'appartenant à la même classe de produits, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des libellés des marques en présence, sans méconnaître l'objet du litige ni le principe de la contradiction, pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, en second lieu, que, répondant aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant critiqué par la quatrième branche, a, par une décision motivée, et sans méconnaître les dispositions du texte visé à la cinquième branche, constaté l'absence de confusion possible dans l'esprit du consommateur moyen ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Rozes aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Tarquin ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille quatre.