AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 6 décembre 2001), que la société TLV, soutenant qu'une entreprise concurrente, la société Biolume, se prévalait mensongèrement à l'occasion d'un salon professionnel d'une certification de qualité qu'elle ne détenait pas, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; que reconventionnellement, la société Biolume a sollicité des dommages-intérêts en se prévalant de la concurrence déloyale, notamment par dénigrement, commise à son encontre par la société TLV ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société TLV fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement déféré qui condamnait la société Biolume à lui payer la somme de 20 000 francs pour la publication du jugement de condamnation dans deux journaux professionnels au choix de TLV, de l'avoir condamnée à payer la somme de 500 000 francs de dommages-intérêts à la société Biolume et d'avoir rejeté sa demande en paiement de 1 000 000 de francs de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen :
1 ) que la société TLV n'entendait pas prouver "contre" le constat d'huissier établi le dernier jour du salon relevant que figurait sur le panneau publicitaire de la société Biolume, au côté de la certification litigieuse, une feuille blanche collée avec des adhésifs comportant la mention manuscrite selon laquelle celle-ci était "en cours", mais faisait valoir que cette feuille manuscrite ne figurait pas sur le panneau litigieux les premiers jours du salon et avait été ajoutée à la hâte par la société Biolume, informée de la venue de l'huissier, le jour même du constat, c'est à dire le dernier jour du salon ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il était démontré que la mention sur laquelle la certification est "en cours" figurait dès le premier jour du salon sur le panneau publicitaire de la société Biolume vantant une certification ISO 9001 et EN 46001 CE, et s'il ne résultait pas, au contraire, des attestations produites par la société TLV et de la circonstance que cette mention était manuscrite et figurait sur une feuille volante fixée au moyen d'adhésifs sur le panneau publicitaire, qu'elle avait été apposée tardivement pour les besoins du constat d'huissier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le panneau publicitaire de la société Biolume faisait apparaître les logos des organismes certificateurs de normes de qualité avec la précision que la certification était en cours, constaté que cette affirmation était exacte et observé qu'il n'est pas interdit à une société de se prévaloir d'une certification "en cours", la cour d'appel, qui a estimé souverainement que la société TLV ne rapportait pas la preuve qui lui incombait, n'a pas dénaturé l'objet du litige et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses six branches :
Attendu que la société TLV fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme de 500 000 francs de dommages-intérêts à la société Biolume, alors, selon le moyen :
1 ) qu'une action en justice ne peut, sauf circonstance particulière qu'il appartient alors au juge de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ; qu'en statuant ainsi sans constater l'existence d'éléments ignorés par les premiers juges ou postérieurs à leur décision de nature à caractériser la faute commise par la société TLV dans l'exercice de l'action en publicité mensongère qui avait été accueillie par le tribunal, l'arrêt affirmatif attaqué a violé l'article 1382 du Code civil ;
2 ) que n'est pas fautive la demande d'expertise judiciaire qui a été jugée suffisamment sérieuse par le juge des référés et qui a permis d'éclaircir certaines questions suspectes telles que notamment l'utilisation du préfixe TLV dans les logiciels de la société Biolume, et à la suite de laquelle aucune action judiciaire n'a été introduite par la société TLV sur le fond ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1382 du Code civil ;
3 ) que seules la demande en concurrence déloyale accueillie par le tribunal, et la demande en référé expertise accueillie par le juge des référés, ont donné lieu à une action judiciaire de la part de la société TLV ; que les griefs de contrefaçon et de débauchage n'ont donné lieu qu'à l'envoi d'une simple lettre de la société TLV à la société Biolume ;
qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute tirée d'une prétendue persécution judiciaire, a violé l'article 1382 du Code civil ;
4 ) qu'en se contentant d'opposer à la société TLV les conclusions d'un certain M. X... qui aurait réalisé une étude pour le compte de la société Biolume et aurait conclu à l'inanité du grief de contrefaçon, sans vérifier la valeur et la portée de cette étude, ni examiner par elle-même la réalité de la contrefaçon invoquée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 ) qu'il ne résulte pas des conclusions d'appel de la société Biolume que celle-ci aurait eu recours à l'ANPE pour engager les salariés de la société TLV ; que le bordereau de communication des pièces annexé aux conclusions de la société Biolume ne fait état d'aucun justificatif d'un recours à l'ANPE ; qu'en fondant sa décision sur une pièce qui n'avait pas été soumise à un débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
6 ) qu'en affirmant que la société Biolume rapportait la preuve de ce que certains cadres de la société TLV continuent de la dénigrer, sans préciser la nature de ces éléments de preuve, et sans les analyser même sommairement, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate qu'après la création par l'un de ses anciens salariés de la société Biolume, la société TLV a écrit le 23 février 1995 à différentes instances économiques régionales en se prévalant d'un pillage dont elle aurait été victime de la part de cette société ; que l'arrêt relève qu'une expertise était ordonnée judiciairement sur la requête de la société TLV le 6 avril 1995 laquelle se prévalait de la copie fautive de ses fichiers informatiques par la société Biolume, et que l'expert concluait au caractère non fondé de ce grief ; que l'arrêt retient que le 16 octobre 1998, la société TLV assignait sa concurrente pour publicité illicite et que cette action n'était pas fondée ; que l'arrêt relève encore que le 16 mai 2000 la société TLV accusait la société Biolume de contrefaçon de modèle et de parasitisme mais qu'un expert consulté concluait à l'inanité de ce grief ; que l'arrêt observe que le 1er décembre 2000, la société TLV mettait en demeure la société Biolume de ne plus embaucher ses anciens salariés l'accusant de débaucher ceux-ci mais que les salariés concernés ont attesté qu'ils avaient été recrutés par des annonces dans les journaux après un temps de chômage ou après avoir été rétrogradés ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société TLV dénigrait publiquement sa concurrente, et lui reprochait des pratiques fautives sans faire suivre ces accusations de procédures judiciaires au fond ou en succombant dans celle intentée, la cour d'appel, qui n'a pas décidé que la société TLV avait abusé du droit d'agir en justice, mais a estimé que le comportement de la société TLV envers sa concurrente était constitutif d'un acharnement fautif dès lors qu'elle formulait de façon légère des accusations graves, et qui s'est fondée sur les attestations des salariés versées aux
débats, a pu statuer comme elle a fait, sans avoir à se prononcer elle-même sur la contrefaçon alléguée dont elle n'était pas saisie, abstraction faite des motifs inopérants mais surabondants critiqués par la sixième branche du moyen ;
Qu'il suit de là que manquant en fait en sa première branche, inopérant en sa sixième branche et non fondé en ses quatre autres branches, le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société TLV aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société TLV à payer à la société Biolume la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille quatre.