AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par la société The Polo Lauren company LP, que sur le pourvoi incident formé par M. X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société The Polo Lauren company LP (la société Polo), titulaire de diverses marques déclinant le terme "Polo", dont celle enregistrée sous le n° 1.539.422, constituée du terme Polo assorti d'un graphisme, et celle, enregistrée sous le n° 1.440.383, "Polo Ralph Lauren", a assigné M. X..., titulaire pour sa part des marques "Polo passion", "Polo life" et "Polo line", en contrefaçon de marques ; que, tout en accueillant partiellement cette action, la cour d'appel a, sur la demande reconventionnelle de M. X..., prononcé l'annulation partielle de ces deux marques de la société Polo ;
Sur la recevabilité de la première branche du premier et du second moyen du pourvoi principal, contestée par la défense :
Attendu qu'ayant seulement fait valoir devant les juges du fond quant à l'action en contrefaçon, que la dénomination Polo concentre à elle seule l'ensemble du pouvoir attractif de ses marques, comme de celles des marques litigieuses dont les termes "passion", "line" ou "life" n'ont que simple valeur qualificative, le moyen présenté par la société Polo, laquelle a ainsi soutenu que l'un des éléments d'une marque complexe est à lui seul suffisamment distinctif pour que sa reproduction caractérise une contrefaçon, n'encourt pas le grief tiré d'une contradiction entre cette argumentation devant la cour d'appel et celle présentée devant la Cour de Cassation, dès lors qu'il n'en résulte pas qu'elle ait prétendu, au regard de la contestation de validité des marques, que cet élément devait être seul pris en compte pour l'appréciation de leur caractère distinctif ; que les griefs sont recevables ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour annuler la marque n° 1.539.422, en ce qu'elle comporte le terme Polo pour désigner des vêtements et des produits de chapellerie, et refuser en conséquence d'annuler les marques "Polo life" et "Polo line", en ce qu'elles désignent ces produits, l'arrêt retient que cette marque est constituée du mot Polo et d'un graphisme comportant trois initiales entrelacées et deux maillets entrecroisés, qu'au sein de cette marque, le terme Polo ne forme pas un tout indivisible avec le graphisme et constitue le seul élément susceptible d'être prononcé, que M. X... fait justement valoir que le mot Polo désigne, non seulement un sport, mais aussi une coiffure de femme, sans bords, et une chemise de sport en maille à col ouvert, et que ce mot, nécessaire pour désigner ce type de vêtements et cette coiffure, est donc non susceptible d'être approprié en tant que marque pour présenter des chemises de sport ou des pulls à col ouvert, ainsi que des chapeaux ;
Attendu qu'en examinant le caractère distinctif d'une telle marque complexe au regard de l'un de ses éléments, et non par appréciation globale du signe au regard des conditions de sa validité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour annuler la marque n° 1.539.422, en ce qu'elle comporte le terme Polo pour désigner des vêtements et des produits de chapellerie, et refuser en conséquence d'annuler les marques "Polo life" et "Polo line", l'arrêt retient encore que, s'agissant d'autres vêtements, la marque est déceptive, dans la mesure où elle est susceptible de faire croire au public que les produits offerts sont des chemises à col ouvert ou des chapeaux ;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs impropres à caractériser les raisons pour lesquelles le signe considéré, dont elle relevait le caractère arbitraire quant aux produits et services désignés, serait de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique de ces produits et services, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour annuler la marque n° 1.440.383, en ce qu'elle comporte le terme Polo pour désigner des vêtements et des produits de chapellerie, et refuser en conséquence d'annuler les marques "Polo life" et Polo line", en ce qu'elles désignent les produits susvisés, l'arrêt retient que cette marque est constituée du mot Polo écrit en gros caractères et des mots Ralph Lauren inscrits en-dessous en très petits caractères, que le terme Polo, très nettement séparé des deux autres, et mis en évidence, ne forme pas un tout indivisible avec Ralph Lauren qui se présente comme un prénom suivi d'un nom, que M. X... fait justement valoir que le mot Polo désigne, non seulement un sport, mais aussi une coiffure de femme, sans bords, et une chemise de sport en maille à col ouvert, et que ce mot, nécessaire pour désigner ce type de vêtements et cette coiffure, est donc non susceptible d'être approprié en tant que marque pour présenter des chemises de sport ou des pulls à col ouvert, ainsi que des chapeaux ;
Attendu qu'en examinant le caractère distinctif d'une telle marque complexe au regard de l'un de ses éléments, et non par appréciation globale du signe au regard des conditions de sa validité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour annuler la marque n° 1.440.383, en ce qu'elle comporte le terme Polo pour désigner des vêtements et des produits de chapellerie, et refuser en conséquence d'annuler les marques "Polo life" et "Polo line", l'arrêt retient encore que, s'agissant d'autres vêtements, la marque est déceptive, dans la mesure où elle est susceptible de faire croire au public que les produits offerts sont des chemises à col ouvert ou des chapeaux ;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs impropres à caractériser les raisons pour lesquelles le signe considéré, dont elle relevait le caractère arbitraire quant aux produits et services désignés, serait de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique de ces produits et services, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour décider que les marques "Polo passion", "Polo life" et "Polo line" constituent la contrefaçon de la marque "Polo Ralph Lauren" n° 1.440.383, en ce qu'elles visent des produits identiques à ceux désignés dans l'enregistrement de cette marque, et condamner M. X... au paiement d'une somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, lui faire interdiction d'utiliser le terme Polo, seul ou en association avec les termes "passion", "life" ou "line" pour désigner les produits ou services visés au dépôt de la marque n° 1.440.383, à l'exception des vêtements et de la chapellerie, et prononcer la nullité de la marque "Polo passion" en ce qu'elle vise des produits des classes 3 et 14, de la marque "Polo life" en ce qu'elle vise des produits des classes 3 et 16 et "Polo line" en ce qu'elle vise des produits des classes 3, 14 et 18, l'arrêt retient qu'au sein des trois marques incriminées, le mot Polo ne perd pas son individualité et son pouvoir distinctif, et qu'il ne forme pas un tout indissociable avec les mots "life", "passion" et "line", qui ne font que qualifier ce terme Polo ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que ces signes n'étaient pas identiques à la marque, faute de reproduire sans modification ni ajout tous les éléments la constituant, et sans rechercher si, considérés dans leur ensemble, ils recelaient des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société The Polo Lauren company sur les marques 1.501.334, 1.690.981 et 1.539.422, l'arrêt rendu le 27 octobre 200, entre les parties par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille quatre.