AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme, que, par acte authentique du 27 février 1991, enregistré le 11 mars 1991, M. X... a fait apport d'actions et de parts sociales à la société anonyme Cofiver ; qu'il a reçu en contrepartie 25 001 actions de la société Cofiver, réalisant une plus-value de 12 548 138,00 francs ; que, n'ayant pas demandé le report d'imposition de la plus-value ni mentionné son montant dans leur déclaration de revenus, M. et Mme X... ont fait l'objet d'un redressement au titre de l'impôt sur le revenu pour la somme en principal de 2 049 863,00 francs, outre les pénalités et les intérêts de retard ; qu'estimant que le redressement était imputable à la société civile d'expertise comptable Pansard et Gilmant (la société d'expertise comptable), qui était chargée pour leur compte de souscrire leur déclaration de revenus et qui n'avait formé aucune demande de report d'imposition, ils l'ont fait assigner, ainsi que son assureur, la Mutuelle du Mans assurances, en réparation de leur préjudice ; que le tribunal, retenant la faute de la société d'expertise comptable, a ordonné le sursis à statuer sur le montant du préjudice jusqu'à la décision à intervenir du tribunal administratif, saisi de la régularité de la notification de redressement ; que la société d'expertise comptable et son assureur ont fait appel de cette décision ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société d'expertise
comptable et, évoquant sur le montant du préjudice, condamné cette dernière à payer à M. et Mme X... la somme de 40 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour fixer à 40 000 francs le montant du préjudice indemnisable, l'arrêt retient que la signature, le 26 juillet 1999, par la société Cofiver et la société Socom, d'un traité de fusion-absorption aux termes duquel la première société a apporté l'intégralité de ses actions à la seconde société, dément, si besoin était, la volonté attribuée à M. X... de transmettre cette holding à ses enfants pour être définitivement exonéré de l'imposition de la plus-value réalisée en 1991 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que M. X... n'avait pas été privé d'une chance d'obtenir cette exonération, dès lors que l'opération réalisée après le refus par l'Administration d'accueillir sa demande de report d'imposition, qui le privait du droit à bénéficier d'une exonération définitive, pouvait avoir été entreprise en considération de ce refus, de sorte qu'elle n'était pas de nature à révéler l'intention initiale de M. X... de ne pas effectuer une opération donnant lieu à exonération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour se prononcer comme il a fait sur le montant du préjudice indemnisable, l'arrêt retient encore que, en ce qui concerne l'exigibilité immédiate de l'impôt, seule conséquence directe de l'inobservation des formalités légales, M. et Mme X... ne justifient d'aucune perte financière réelle dès lors qu'en raison de la procédure en contestation de la procédure d'imposition par eux engagée devant le tribunal administratif, ils ont obtenu de fait un report d'imposition jusqu'en 1999 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, faute d'avoir rempli les conditions d'un premier report d'imposition, M. et Mme X... n'avaient pas perdu une chance de bénéficier d'un nouveau report d'imposition des plus-values réalisées en 1991 au moment de la fusion-absorption intervenue en 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, pour se prononcer comme il a fait sur le montant du préjudice indemnisable, l'arrêt retient que, en ce qui concerne l'exigibilité immédiate de l'impôt, seule conséquence directe de l'inobservation des formalités légales, M. et Mme X... ne justifient d'aucune perte financière réelle dès lors qu'en raison de la procédure en contestation de la procédure d'imposition par eux engagée devant le tribunal administratif, ils ont obtenu de fait un report d'imposition jusqu'en 1999 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la décharge par le tribunal administratif des pénalités de 40 % pour mauvaise foi réclamées à M. et Mme X... en application de l'article 1729 du Code général des impôts a laissé subsister les intérêts de retard de 0,75 % par mois dus en application de l'article 1727 du même Code, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les sociétés Pansard et Gilmant et Mutuelle du Mans assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Pansard et Gilmant et Mutuelle du Mans assurances ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille quatre.