AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 145-28, alinéa 1er, et L. 145-60 du Code de commerce ;
Attendu qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ; que, toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d'appréciation ; que toutes les actions exercées en vertu du chapitre V du titre IV du Livre premier du Code de commerce se prescrivent par deux ans ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 mai 2002, rendu en matière de référé, qu'un arrêt devenu définitif du 30 mars 1999 a prononcé aux torts de Mme X... la résiliation du bail commercial qu'elle avait consenti aux époux Y... et a ordonné une expertise en vue de fixer l'indemnité d'éviction due à ces derniers ; qu'un arrêt du 20 février 2001 a fixé cette indemnité à une certaine somme ; que, par acte du 15 juin 2001, Mme X... a fait assigner les époux Y... pour obtenir le paiement d'indemnités d'occupation à compter du 1er avril 1999 ; que les époux Y... se sont opposés à cette action en invoquant la prescription biennale, édictée par l'article L. 145-60 du Code de commerce ;
Attendu que, pour condamner les époux Y... au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 15 juin 1999 jusqu'à leur départ définitif, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'action en paiement de l'indemnité d'occupation est soumise à la prescription biennale, que le point de départ de cette prescription est en l'espèce la date de la résiliation du bail, que les actions en fixation des indemnités d'éviction et d'occupation étant distinctes par leur objet et par leur cause, la mise en oeuvre de l'une n'a pas pour effet d'interrompre le cours de la prescription de l'autre, qu'en conséquence, sont prescrites les indemnités d'occupation ayant couru du 1er avril 1999 au 15 juin 1999, mais qu'en revanche, celles ayant couru pour les mois suivants restent dues ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation entraînait l'extinction totale du droit à réclamer cette indemnité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée n'implique pas qu'il y ait lieu à renvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les époux Y... à verser avec les intérêts légaux à Mme X... une indemnité mensuelle de 2 000 francs à compter du 15 juin 1999 et jusqu'à leur départ définitif, l'arrêt rendu le 22 mai 2002 par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à modifier la condamnation aux dépens prononcée en première instance ;
DIT que les dépens d'appel seront supportés par Mme X... ;
Condamne Mme X... aux dépens exposés devant la Cour de Cassation ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme X... à payer aux époux Y... la somme de 1 900 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quatre.