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09/03/2004 | FRANCE | N°01-17277

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 mars 2004, 01-17277


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X... a donné naissance, le 26 octobre 1985, à une fille, Aurélie, présentant des troubles psychomoteurs et neurologiques liés à une microcéphalie qui est décédée le 24 avril 1999 ; qu'imputant ces troubles à une infection rubéolique survenue alors qu'elle était enceinte qui aurait dû être décelée dès lors qu'elle avait subi un test prénuptial rubéolique, le 9 juin 1984, dont le résultat était négatif et un second test, le 6 mars 1985, dont le

résultat était positif et qui lui aurait alors permis de recourir à une interruptio...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X... a donné naissance, le 26 octobre 1985, à une fille, Aurélie, présentant des troubles psychomoteurs et neurologiques liés à une microcéphalie qui est décédée le 24 avril 1999 ; qu'imputant ces troubles à une infection rubéolique survenue alors qu'elle était enceinte qui aurait dû être décelée dès lors qu'elle avait subi un test prénuptial rubéolique, le 9 juin 1984, dont le résultat était négatif et un second test, le 6 mars 1985, dont le résultat était positif et qui lui aurait alors permis de recourir à une interruption thérapeutique de grossesse, Mme X... agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal puis d'héritière de sa fille, a assigné en déclaration de responsabilité et indemnisation, Mlle Y..., gynécologue ayant suivi sa grossesse jusqu'au 6 mai 1985, assurée auprès des compagnies Assurances générales de France et M. Z..., gynécologue obstétricien auquel elle a été ensuite adressée, assuré auprès de la compagnie Winterthur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en réparation du préjudice personnel de l'enfant, alors, selon le moyen, que dès lors que la faute commise par un médecin dans l'exécution du contrat formé avec une femme enceinte a empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'une enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap et causé par la faute retenue ; qu'en constatant que Mlle Y... avait commis une faute professionnelle dans le cadre du contrat conclu avec Mme X..., qui avait empêché celle-ci de faire le choix d'une interruption thérapeutique de grossesse, puis en estimant que cette faute était sans lien avec le préjudice subi par l'enfant né handicapé, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient et a violé les articles 1165 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, se fondant sur les rapports d'expertise, a retenu, d'une part, que Mlle Y... avait commis une faute en ne procédant pas, à la suite du test du 6 mars 1985, à des investigations complémentaires pour dater l'infection rubéolique de Mme X..., et, d'autre part, que les troubles de l'enfant ne pouvaient être attribués à une infection rubéolique in utéro ; qu'en l'absence de relation directe entre le handicap de l'enfant et la faute commise, elle n'a pu que rejeter la demande d'indemnisation ; que le moyen est dépourvu de fondement ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour condamner Mlle Y... au titre de la perte de chance subie par Mme X... d'une décision éclairée de recours à une interruption thérapeutique de grossesse, l'arrêt attaqué relève que l'infection rubéolique était survenue à une date inconnue entre le 9 juin 1984 et le 6 mars 1985, qu'il n'existait pas de lien de causalité entre l'éventuelle infection rubéolique de Mme X... à une période critique et la pathologie présentée par l'enfant depuis sa naissance et qu'au vu des résultats de toutes les investigations faites par M. Z... au cours de la grossesse, aucune indication d'interruption thérapeutique de grossesse ne pouvait être posée ; qu'il retient ensuite que Mme X... n'avait pu bénéficier d'une information sur les conséquences d'une possible infection rubéolique en début de grossesse et qu'un éventuel diagnostic d'une telle infection dans les six premières semaines de la grossesse était une indication d'interruption thérapeutique de grossesse dont elle a été privée ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait des constatations opérées qu'il était impossible d'affirmer que si Mlle Y... avait mené des investigations complémentaires, Mme X... aurait été dans les conditions médicales exigées par la loi pour que soit pratiquée une interruption thérapeutique de grossesse de sorte que la perte de chance retenue n'était qu'hypothétique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mlle Y... in solidum avec la compagnie AGF à payer à Mme X... la somme de 50 000 francs en réparation de son préjudice constitué par la perte d'une chance d'une décision éclairée de recours à l'interruption volontaire de grossesse, l'arrêt rendu le 11 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute Mme X... de cette demande ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-17277
Date de la décision : 09/03/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin gynécologue obstétricien - Responsabilité contractuelle - Faute - Lien de causalité - Relation directe avec le handicap de l'enfant - Défaut - Portée.

1° Une cour d'appel qui retient, d'une part, qu'un médecin a commis une faute en ne procédant pas à des investigations complémentaires pour dater l'infection rubéolique d'une femme enceinte et, d'autre part, que les troubles de l'enfant ne peuvent être attribués à une infection rubéolique in utero, ne peut, en l'absence de relation directe entre le handicap de ce dernier et la faute, que rejeter la demande d'indemnisation formée par les parents.

2° PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin gynécologue obstétricien - Responsabilité contractuelle - Dommage - Réparation - Perte d'une chance - Caractère hypothétique - Portée.

2° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Caractères du préjudice - Perte d'une chance - Caractère hypothétique - Portée.

2° Viole l'article 1147 du Code civil, la cour d'appel qui condamne le médecin à réparer la perte de chance subie par la patiente d'une décision éclairée de recours à une interruption thérapeutique de grossesse, alors qu'il résulte de ses constatations qu'il était impossible d'affirmer que si le médecin avait mené des investigations complémentaires, la patiente aurait été dans les conditions médicales exigées par la loi pour que soit pratiquée une interruption thérapeutique de grossesse de sorte que la perte de chance retenue n'était qu'hypothétique.


Références :

Code civil 1147

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 mai 2000

Sur le n° 1 : A rapprocher : Chambre civile 1, 1988-10-11, Bulletin, I, n° 281, p. 192 (cassation)

arrêt cité. Sur le n° 2 : A rapprocher : Chambre civile 1, 1990-01-10, Bulletin, I, n° 10 (1), p. 8 (cassation partielle) ; Chambre civile 1, 1991-02-05, Bulletin, I, n° 55, p. 35 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 mar. 2004, pourvoi n°01-17277, Bull. civ. 2004 I N° 79 p. 63
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 79 p. 63

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey.
Rapporteur ?: Mme Duval-Arnould.
Avocat(s) : Me Balat, Me Foussard, la SCP Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.17277
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