AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 5 avril 2002), que M. X... et les sociétés Disques Temporel et Espace qu'il anime (M. X...) ont fait assigner les sociétés Polygram et Polygram musique, maintenant respectivement dénommées Universal Music et Universal Disc (les sociétés) en réparation du préjudice subi du fait de la brusque rupture, du fait des sociétés, de négociations portant sur l'acquisition d'un catalogue éditorial et d'enregistrements, ainsi que sur la conclusion d'un contrat d'enregistrement exclusif ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté comme nouvelle et, en tant que telle, irrecevable, la demande de dommages-intérêts pour inexécution de l'accord passé entre les parties, alors, selon le moyen :
1 / que, dès lors que la demande formée en première instance et la demande formée en cause d'appel visent à l'octroi de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice, elles tendent nécessairement aux mêmes fins ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 565 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la circonstance que les règles de la responsabilité contractuelle ont été invoquées en cause d'appel, alors que la demande était fondée, en première instance, sur les règles de la responsabilité quasi-délictuelle concerne, non pas l'objet des demandes, mais leur fondement juridique ; que le fondement juridique de la demande est indifférent quant au point de savoir s'il est recevable en cause d'appel ;
qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 565 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que les parties étant libres de modifier le chiffre de leur demande, la circonstance que le montant de la demande ait été augmenté en cause d'appel ne peut justifier son irrecevabilité ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 565 nouveau du Code de procédure civile ;
4 / que si certains des motifs de l'arrêt peuvent être regardés comme relatifs à la demande de dommages-intérêt fondés sur la méconnaissance d'obligations contractuelles, ces motifs ne peuvent restituer une base légale à l'arrêt attaqué dès lors que, la demande étant irrecevable, il était interdit aux juges du fond, sous peine de commettre un excès de pouvoir, de se prononcer sur son bien-fondé, de telle sorte que si l'arrêt devait être regardé comme s'étant prononcé sur la demande de dommages-intérêts, fondée sur les règles de la responsabilité contractuelle, il devrait être censuré pour excès de pouvoir ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les demandes de M. X... tendaient, en première instance, à la réparation du préjudice découlant de la rupture abusive des pourparlers qu'il poursuivait avec les sociétés et, en cause d'appel, à la réparation du dommage résultant de l'inexécution fautive du contrat conclu entre les parties, la cour d'appel en a exactement déduit que ces demandes ne tendaient pas aux mêmes fins et que la demande qui lui était soumise était nouvelle et donc irrecevable ;
Et attendu que, sans se prononcer sur la demande fondée sur l'inexécution du contrat, la cour d'appel n'a fait que détailler la chronologie des négociations pour en déduire, confirmant ainsi la décision frappée d'appel, que la rupture de celles-ci ne pouvait être considérée comme fautive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait également grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la rupture abusive des négociations engagées avec les sociétés, alors, selon le moyen, que, au cours des pourparlers, les parties doivent se comporter loyalement et de bonne foi ; que notamment, elles ne doivent pas laisser accroire à leur partenaire que l'accord est acquis si elles entendent ne pas donner suite à la négociation ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont abstenus de rechercher si la société Polygram et la société Polygram musique n'avaient pas laissé accroire à leur partenaire que l'accord était acquis, en annonçant la sortie d'un double album pour Noël 1996, en exigeant de M. X... qu'il diffère toute apparition en public, en lui donnant des conseils pour le placement des sommes qu'il serait appelé à encaisser à raison des accords, étant précisé qu'il avait été demandé par ailleurs à M. X... de rompre ses relations avec la société Trema, son précédent distributeur, et de transformer la SARL Espace en une société anonyme en décembre 1996 ; d'où il suit que l'arrêt attaqué est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt relève que rien ne démontre que les sociétés auraient commis une faute en exerçant leur liberté de mettre un terme aux pourparlers infructueux qui s'étaient poursuivis pendant huit mois et au cours desquels elles avaient présenté à M. X... de multiples offres que celui-ci n'a jamais acceptées avant la rupture desdits pourparlers ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a pu juger que la rupture des négociations par les sociétés n'était pas fautive ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et les sociétés Disques Temporel et Espace aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et des sociétés Disques Temporel et Espace ;
les condamne in solidum à payer aux sociétés Universal Music et Universal Disc la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quatre.