AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 avril 2002), que la société Reza X... ayant confié à la société Cartier des bijoux fabriqués par ses soins, et destinés à être exposés par cette dernière, les parties ont conclu le 11 février 1976 un contrat réglant la possibilité pour Reza X... de présenter ces bijoux revêtus de la marque "Cartier", sous respect de diverses conditions tenant notamment à la durée du contrat de confié, à l'approbation du titulaire de la marque portant sur une liste de bijoux, à la signature des photographies les reproduisant, et à l'apposition de la marque sur les bijoux eux-mêmes ; qu'à l'occasion d'une exposition ultérieure, la société Reza X... a demandé que certains des bijoux figurant sur cette liste soient présentés comme authentiques en application de la convention ; que la société Cartier ayant refusé son agrément, elle l'a assignée le 27 février 1997 en authentification de bijoux figurant sur cette liste et en réparation de son préjudice ; que la cour d'appel a retenu que l'action de la société Reza X..., en ce qu'elle tendait à l'apposition de la marque sur certains de ces bijoux, référencés 2, 4, 5, 6, 8 et 10, était éteinte par prescription ;
Attendu que la société Reza X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que l'arrêt a méconnu la loi du contrat du 11 février 1976, qui ne fait pas de l'apposition matérielle par la société Cartier de sa marque sur les bijoux Reza X... remis en confié pendant plus de six mois et portés sur le listing une condition d'appropriation de cette marque en tant qu'accessoire de la propriété des dits bijoux, mais qui confère à la société Reza X... un droit de propriété sur cette marque sous forme d'intégration à ces bijoux, dès le moment où il y a accords potentiels des parties sur le marquage par la société Cartier relativement aux confiés successivement visés ; et qu'il résulte des différents courriers ou télex de 1976 et 1977 échangés entre les parties dans le cadre de l'application de cette convention que -relativement à des confiés portant d'abord sur vingt-sept bijoux Reza X..., puis sur quatorze autres bijoux Reza X... dont font partie les bijoux référencés 2, 4, 5, 6, 7, 8 et 10- les parties étaient d'accord, non seulement sur le listing et la longue durée, mais aussi, lors de l'échange des co-signatures des parties sur les photographies des bijoux, sur le marquage des dits bijoux par la société Cartier exprimé par volonté commune ; qu'il s'ensuivait que, sans qu'il soit nécessaire d'une apposition matérielle de la marque Cariter sur les bijoux Reza X..., la société Reza X... avait dès lors acquis de plein droit, en vertu du principe du consensualisme régissant cette convention synallagmatique, le droit à la marque Cartier pour commercialiser les bijoux correspondants ; que l'arrêt procédant par déclaration allusive autant que péremptoire est donc vicié pour défaut de base légale au regard des articles 1102, 1134, 1138, 1142, 1582 et 1915 du Code civil, en relation avec les articles L. 711-1 et L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
2 / que l'arrêt a en conséquence faussement appliqué en la cause la prescription décennale édictée à l'article L. 110-4-I du Code de commerce en faisant découler d'une obligation de faire impérative un marquage purement matériel, malgré que la société Reza X... justifiât d'un droit réel acquis ab initio sur la marque Cartier en vertu de la loi de la convention -lequel était imprescriptible ; que l'arrêt a donc violé ce texte en relation avec l'ensemble des textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, selon ses stipulations expresses, la convention des parties n'impliquait en aucun cas une licence de marque, puis relevé que les courriers ultérieurs comportaient une différence entre la signature des photographies des bijoux et celle des bijoux eux-mêmes, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'absence de droit réel de la société Reza X... sur la marque, a fait application de la loi du contrat, dont elle a souverainement interprété ceux des termes qui n'étaient ni clairs ni précis, pour décider qu'en précisant que la société Reza X... aurait le droit de négocier les bijoux listés revêtus de sa marque, la société Cartier avait requis que cette marque soit matériellement apposée sur les bijoux en cause, caractérisant ainsi une obligation de faire, susceptible de prescription ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Reza X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Cartier la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.