AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que le receveur principal des Impôts de Calais Marck (le receveur) a fait assigner M. X..., gérant de la société STCL (la société), placée en liquidation judiciaire, devant le tribunal de grande instance pour le voir déclarer solidairement responsable des impositions dues par la société, en application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ; que le tribunal l'ayant condamné au paiement de ces impositions, M. X... a fait appel de la décision ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que la personne poursuivie en qualité de débiteur solidaire d'une dette fiscale peut opposer à l'administration des impôts, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation, ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs ;
Attendu que pour accueillir la demande du receveur, en refusant de se prononcer sur l'exception soulevée par M. X... relative à la régularité de la procédure d'imposition et au montant de la créance, l'arrêt retient que, saisie d'une action fondée sur l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel n'a compétence ni pour apprécier les montants résultant des avis de redressement notifiés à la société, qui n'ont donné lieu à aucune contestation de sa part et ont au contraire fait l'objet d'un acquiescement exprès, ni pour connaître des contestations sur la procédure de contrôle et de redressement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... était recevable à faire juger, fût-ce par renvoi préjudiciel devant la juridiction compétente, si l'exception invoquée, qui était de nature à influer sur la responsabilité solidaire qui lui était imputée, était fondée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que les dispositions de ce texte ne sont applicables qu'aux personnes exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement ;
Attendu que pour condamner M. X..., gérant de la société, mais qui invoquait une délégation de pouvoir au directeur administratif et financier, à payer en qualité de débiteur solidaire les impositions dues par la société, l'arrêt retient que M. X... ne saurait invoquer les manquements de son directeur financier et que les "infractions" dont il s'agit sont directement imputables, du seul fait de ses fonctions, au gérant de droit, à qu'il appartenait de faire en sorte que soient déposées des déclarations de taxes sur le chiffre d'affaires exactes ;
Attendant qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la responsabilité personnelle de M. X... pendant l'exercice effectif de son mandat social en ce qui concernait l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales incombant à la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que M. X... avait soutenu, dans ses écritures, que le montant des rappels au titre desquels sa responsabilité solidaire était recherchée comprenait des impositions qui avaient été réglées par la société pour l'exercice 1994 et qu'il serait donc inéquitable de mettre à sa charge ;
Attendu qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne le receveur principal des Impôts de Calais Marck aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.