AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X..., ès qualités, de ce qu'il se désiste du pourvoi incident qu'il a relevé ;
Statuant sur le pourvoi principal formé par M. et Mme Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société financière industrielle commerciale immobilière (Soficim), aux droits de laquelle est venue la Société Marseillaise de crédit, (la banque) a consenti à Mme Y..., en sa qualité de marchand de biens, quatre ouvertures de crédits notariées entre 1989 et 1991, à concurrence d'une somme globale de 14 200 000 francs pour financer, dans le cadre d'une opération immobilière à Ramatuelle, l'acquisition d'un terrain et la construction de deux villas en deux lots ; que ces concours, assortis notamment de la caution solidaire de M. Y..., prévoyaient l'accord de la banque en cas de vente d'un lot et étaient remboursables, pour les deux premiers crédits, le 14 décembre 1991, et, pour les troisième et quatrième crédits, les 4 octobre 1991 et 8 août 1992 ; que, le 23 août 1991, la banque a annoncé par courrier, la déchéance du terme de divers concours pour le 30 août suivant et a délivré, le 18 octobre 1991, à Mme Y... une sommation de payer la somme de 9 281 795,43 francs ; que la banque a refusé le 27 novembre suivant l'offre de vente de la première villa achevée pour 9 000 000 de francs ; qu'un commandement de saisie a été délivré en juillet 1992 ; qu'en novembre 1992, Mme Y... été mise en redressement judiciaire ; qu'un plan de cession a été arrêté en janvier 1994 ordonnant la cession des actifs immobiliers, M. X... étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que, le 20 septembre suivant, M. X..., ès qualités, a engagé une action en responsabilité contre la banque en rupture abusive de crédit ; que M. et Mme Y... sont intervenus volontairement, notamment à titre principal, pour réclamer des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui des créanciers de la procédure collective, en raison de la vente de leur patrimoine commun ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la banque à payer à M. et Mme Y... des dommages-intérêts, l'arrêt retient que celle-ci, en refusant en novembre 1991 une offre d'achat d'un montant de 9 000 000 francs concernant la première villa qui aurait permis de faire face aux sommes qu'elle réclamait, a commis une faute ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser les circonstances fautives de l'exercice par la banque de son droit de refuser une telle proposition de vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel retient que la rupture brutale des crédits et le refus de la banque de consentir à la vente de la première villa pour 9 000 000 francs ont entraîné la mise en redressement judiciaire de Mme Y... et par conséquent la "vente" des garanties données à la banque dès lors que l'opération immobilière ne pouvait plus être poursuivie, et notamment le patrimoine des époux Y... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que Mme Y... n'avait été judiciairement contrainte de rembourser les crédits accordés qu'après les échéances contractuelles auxquelles la banque était en droit d'exiger le paiement et que le redressement judiciaire était intervenu plus de quinze mois après la mise en demeure de la banque, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser le lien de causalité entre la rupture des concours et l'absence de poursuite de l'opération immobilière, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la Société marseillaise de crédit venant aux droits de la société Soficim à payer à M. et Mme Y... la somme de 4 000 000 francs au titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 18 décembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne les époux Y... et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.