AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 3 décembre 2001), que la société du Vignoble de château Latour (société Latour), titulaire de plusieurs marques comportant la dénomination Latour, a poursuivi judiciairement le groupement foncier viticole du château la Tour de Ségur, (le GFV) propriétaire d'une exploitation viticole acquise de la SCEA Pierre X... (la société X...) qui a déposé le 19 mars 1996, la marque "Château la Tour de Ségur" ainsi que la société X..., en nullité de cette marque, contrefaçon, imitation illicite de marques et agissements parasitaires ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Latour fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en annulation de la marque "Château la Tour de Ségur" et en interdiction du toponyme "Latour", alors, selon le moyen :
1 ) qu'est interdite l'apposition sur les produits de toute mention de nature à tromper le public sur la nature, l'origine, les qualités substantielles, la composition de ceux-ci ; que pour être valablement désignés par un toponyme, un vin doit donc provenir de vignes situées sur des parcelles majoritairement dénommées par ce toponyme ; qu'en l'espèce, en retenant que le GFV pouvait valablement utiliser la dénomination "Château la Tour de Ségur" et la déposer à titre de marque, tout en constatant que les parcelles cadastrées la Tour ne représentaient qu'1/10ème du vignoble exploité sous ce toponyme, la cour d'appel a violé l'article 13 4 modifié du décret du 19 août 1921 devenu l'article 284 du Code du vin ;
2 ) que depuis la loi du 31 décembre 1964, le droit sur une marque s'acquiert par son dépôt et non par son usage ; qu'à titre de mesure transitoire, l'article 35 de la loi du 31 décembre 1964 permettait aux titulaires de droits acquis par l'usage sous l'empire de la loi antérieure de 1857 de conserver leurs droits à condition de déposer leur marque accompagnée d'une déclaration de droits antérieurs avant le 1er novembre 1968 ; qu'en retenant en l'espèce, que "l'usage ancien fondait la légitimité de l'emploi du terme Château la Tour de Ségur", la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés, que le domaine actuellement exploité par le GFV et la société X..., faisait intégralement partie du domaine connu sous le nom de "domaine de Latour" lors de la rédaction de l'acte de vente du 4 mars 1876, et que le château et le cuvier étaient situés sur ce domaine, c'est à bon droit que la cour d'appel, a statué comme elle a fait ;
Attendu d'autre part, que le moyen soutenu à la seconde branche, est nouveau et mélangé de droit et de fait ;
D'où il suit que le moyen irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé en la première ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Latour reproche encore à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à voir interdire au GFV d'utiliser comme nom commercial et comme raison sociale la dénomination "Château Latour" ou "Château de la Tour" et à voir subidiairement ordonner la réglementation de l'usage de la dénomination Château la Tour de Ségur, alors, selon le moyen :
1 ) que les parties peuvent en cause d'appel "expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes... soumises aux premiers juges et ajouter à celles-ci toutes demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément" : qu'en l'espèce, la demande tendant à voir interdire l'usage de la dénomination "Château la Tour de Ségur" à titre de raison sociale ou de nom commercial constitue l'accessoire ou le complément de celle présentée en première instance tendant à voir interdire l'usage de la même dénomination à titre de marque ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 566 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que la demande subsidiaire de réglementation de la dénomination "Château la Tour de Ségur" constitue l'accessoire ou le complément de la demande tendant à voir annuler la marque portant sur cette dénomination ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé, sur ce point, l'article 566 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, que dès lors que la demande en réglementation de la dénomination sociale "la Tour de Ségur" ne saurait être l'accessoire ou le complément d'une demande en nullité de marque, la cour d'appel a déclaré à bon droit cette demande formée pour la première fois en cause d'appel, irrecevable ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile du Vignoble de Chateau Latour de Ségur aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société civile du Vignoble de Chateau Latour de Segur à payer la somme globale de 2 250 euros au GVF du Château la Tour de Ségur et à la société Pierre X... et cie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.