AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 octobre 2001), que les sociétés Ami gérance et Rocher gérance et finance ont assuré la gérance statutaire de dix sociétés civiles de placements immobiliers (les SCPI) ; que les fonds de ces SCPI ont été placés auprès de la Banque commerciale privée, laquelle a été mise en redressement judiciaire en 1994 ; que, par assignation des 26 et 27 février 1998, l'association de porteurs de parts des SCPI (la SOSCPI), régie par la loi du 1er juillet 1901, créée pour la défense des intérêts communs des membres des SCPI et M. X..., associé de la SCPI Rocher finance 2, ont engagé l'action "ut singuli" pour demander réparation du préjudice subi par les SCPI du fait des mandataires
sociaux des sociétés Ami gérance, Ami participation, MACIF, MACIF participations, expert et finance, l'UAP et des dix SCPI ainsi que la désignation d'un expert aux fins d'établir les conditions dans lesquelles les placements des fonds des SCPI avaient été effectués ; que plusieurs porteurs de parts de la SCPI sont intervenus volontairement à la procédure et ont entendu également exercer l'action "ut singuli" pour la défense des intérêts collectifs des SCPI dont ils étaient associés ; que la cour d'appel a déclaré irrecevable l'action "ut singuli" de la SOSCPI, recevable celle des associés des SCPI et a, avant dire droit, ordonné une expertise ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés MACIF participations et MACIF font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action "ut singuli" des associés des SCPI, alors, selon le moyen, qu'en ne précisant pas, comme l'y invitaient les tiers visés comme dirigeants de fait sur quels documents elle se fondait pour retenir que chacune des personnes physiques demanderesses justifiait de sa qualité d'associé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1843-5 du Code civil et des articles 31 et 32 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que les sociétés MACIF participations et MACIF ont laissé sans réponse les conclusions des associés des SCPI dans lesquelles ceux-ci ont justifié de leur qualité d'associés ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une contestation sur ce point, n'avait pas à énumérer les documents sur lesquels elle se fondait pour statuer comme elle a fait ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les sociétés MACIF participations et MACIF font encore grief à l'arrêt d'avoir ordonné une mesure d'expertise et confié à l'expert la mission "de fournir à la cour d'appel tous éléments d'appréciation lui permettant de déterminer les modalités de l'opération de placement de fonds critiquée, sa régularité au regard de la loi 70-1300 du 31 décembre 1970, de tout autre texte législatif ou réglementaire applicable ainsi qu'au regard des usages de la profession, le degré de participation de chacun des responsables à ladite opération et la nature et l'importance du préjudice subi par les SCPI concernées du fait du placement des fonds incriminé", alors, selon le moyen :
1 / qu'en ne recherchant pas, comme l'y invitaient les tiers visés comme dirigeants de fait, si les demandeurs aux actions "ut singuli" ne s'étaient pas abstenus de produire le moindre élément de preuve à leur encontre, les placements critiqués ayant été entièrement décidés par les dirigeants de droit et si la mesure d'instruction sollicitée n'avait pas pour objet de suppléer la carence des demandeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 du Code civil et 146 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en confiant notamment à l'expert la charge d'apprécier la légalité des opérations de placement et la participation des personnes mises en cause à ces opérations, c'est-à-dire leur éventuelle responsabilité, et donc en déléguant des appréciations d'ordre juridique, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard des articles 232 et 238 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'en l'état des constatations révélées dans le rapport de la Commission des opérations de bourse versé aux débats dont il résultait que la MACIF, à travers sa filiale MACIF participations, avait consenti d'importants concours financiers pour combler les pertes de la société Rocher gérance, devenue la société AMI gérance, qui avait pour objet la gestion administrative des SCPI, la faculté d'ordonner une mesure d'expertise relevait du pouvoir souverain des juges du fond ;
Attendu, d'autre part, que par la mission ainsi libellée de fournir à la cour d'appel tous éléments d'appréciation lui permettant de déterminer les modalités du placement de fonds critiqué, les juges d'appel ne se sont pas dessaisis du soin de trancher la question de droit litigieuse ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés MACIF participations et MACIF aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.