AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2001), que, saisi le 21 décembre 1993 par le ministre de l'Economie de pratiques mises en oeuvre dans les secteurs de la production et de la distribution des produits en béton préfabriqués sur différents marchés géographiques, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 00-D-39 du 24 janvier 2001, considéré que dix-sept entreprises s'étaient entendues sur plusieurs marchés géographiques afin de pratiquer des hausses de tarifs concertées sur des produits en béton préfabriqués et a prononcé des sanctions pécuniaires ; que sept des entreprises sanctionnées, parmi lesquelles la société Farel, ont formé un recours contre cette décision ;
Attendu que la société Farel fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, selon le moyen :
1 / que selon l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, cette sanction devant toujours être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ; qu'ainsi, en refusant de tenir compte, dans l'appréciation de la proportionnalité de la sanction pécuniaire, de ce que la société Farel avait pris en location-gérance la société Clavel en 1993, soit postérieurement aux faits incriminés, ce qui avait eu pour conséquence de doubler son chiffre d'affaires, la cour d'appel viole l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable ;
2 / que selon l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, cette sanction devant toujours être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ; qu'en refusant de tenir compte, dans l'appréciation de la proportionnalité de la sanction pécuniaire, de ce que la société Farel avait pris en location-gérance la société Clavel en 1993, son chiffre d'affaires ayant doublé consécutivement à cette opération, après avoir pourtant constaté qu'il convenait de prendre en considération, pour déterminer la situation financière des entreprises en cause, la durée particulièrement longue de la procédure afin de ne pas pénaliser celles-ci, la cour d'appel viole l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3 / que selon l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, le montant maximum de la sanction est pour une entreprise de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, cette sanction devant toujours être proportionnée à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise sanctionnée ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté que pour un chiffre d'affaires réalisé en 1999 à hauteur de la somme de 153 089 268 francs, la société Clavel n'avait dégagé un bénéfice que de 1 046 444 francs, de sorte que la sanction pécuniaire à hauteur de la somme de 750 000 francs représentait plus de 70 % de ce bénéfice, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée, si cette sanction pécuniaire n'était pas disproportionnée eu égard à la situation financière particulière de l'entreprise, ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce ;
4 / que la sanction pécuniaire doit être fonction du dommage causé à l'économie ; qu'en se bornant à affirmer que c'était à bon droit que le Conseil de la concurrence avait prononcé une sanction pécuniaire de 750 000 francs eu égard "à l'atteinte à l'économie et à la situation de l'entreprise", sans préciser concrètement l'incidence réelle des faits imputés à la société Farel sur l'économie, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
5 / que dans son mémoire en date du 28 mars 2001, visé par la cour d'appel, la société Farel faisait valoir que son endettement était de l'ordre de 13 426 634,84 francs au 31 décembre 2000, en sorte qu'elle se trouvait dans une situation financière fragile et très précaire ;
qu'en s'abstenant d'apprécier la situation financière de la société Farel au regard de cet endettement arrêté au 31 décembre 2000, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que la société Farel avait pris en location-gérance, avant la saisine du Conseil, le fonds de commerce de la société Clavel en 1993 et que son chiffre d'affaires avait alors doublé, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'évolution du chiffre d'affaires indépendante de la durée de la procédure, n'avait pas à être prise en compte dans la détermination du montant de la sanction ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève que pour apprécier la gravité des faits et le dommage à l'économie, il convient de retenir que les ententes en cause ont été effectivement mises en oeuvre, qu'elles ont porté sur un produit pour lequel l'élasticité de la demande aux prix est très faible, et qu'elles ont conduit à une hausse générale et parfois massive des prix effectivement pratiqués pour des agglomérés en béton d'usage courant utilisés pour la construction des logements, pour lesquels il n'existe pas de substitut, et qui représentent environ 5 % du coût de la construction d'un logement ; que l'arrêt constate que la société Farel a, en sa qualité de négociant, participé à des pratiques anti-concurrentielles ayant eu pour effet, durant quelques mois, une hausse artificielle de 35 à 43 % du prix des agglomérés en béton sur le marché géographique de la Basse-vallée du Rhône ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui a apprécié concrètement le dommage causé par les pratiques auxquelles la société Farel avait participé, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant relevé que si l'endettement de la société Farel est important, elle a néanmoins réalisé un chiffre d'affaires de 153 089 268 francs et dégagé un bénéfice de 1 046 444 francs en 1999 et précédemment un bénéfice de 813 035 francs pour 1998, la cour d'appel, qui a estimé que la sanction pécuniaire de 750 000 francs prononcée par le Conseil de la concurrence était justifiée, a apprécié la situation financière de la société Farel qui lui était soumise et a légalement justifié sa décision ;
Qu'il suit de là, que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Farel aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Farel à payer au Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.