AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 juin 2000), que la société Euramco était, depuis 1993, en relation avec la société DHF, dont les dirigeants étaient MM. X... ; que la société DHF a, le 16 mars 1995, fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, convertie, le 24 octobre 1995, en liquidation judiciaire ; que la société Euramco a fait l'objet le 13 octobre 1997 d'une procédure de liquidation judiciaire, Mme Le Y... étant désignée comme liquidateur ; que le 29 mars 1995, MM. X... ont reconnu devoir à la société Euramco une certaine somme correspondant à différents prélèvements effectués par leurs soins au bénéfice de la société DHF ; que la société Euramco a judiciairement demandé leur condamnation à payer cette somme ;
Attendu que Mme Le Y..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte de la combinaison des articles 77, 95 et 480 du nouveau Code de procédure civile que le jugement qui, pour résoudre la question de la compétence, a dû préalablement trancher une question de fond, n'a autorité sur cette question de fond que si elle a fait l'objet d'une disposition spéciale dans le dispositif ; qu'aucune autorité n'est reconnue aux motifs d'un tel jugement relatifs à la question de fond, quand bien même ils seraient le soutien nécessaire de la décision sur la compétence, lorsque cette question n'a pas été tranchée dans le dispositif ; qu'en jugeant que le motif par lequel le tribunal de grande instance de Lille a estimé, dans son jugement du 10 octobre 1996, que "le libellé de la reconnaissance de dette établit qu'elle a eu pour objet le remboursement de dettes intervenues pour une activité commerciale entre deux personnes morales commerçantes" était revêtu de l'autorité de la chose jugée en application de l'article 95 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles 77 et 480 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le caractère commercial attaché à l'engagement du représentant d'une personne morale qui se porte garant des dettes de cette dernière et s'engage à les payer n'a pas pour effet d'exclure le caractère personnel de cet engagement ; qu'en jugeant qu'il résultait du caractère commercial attaché par un motif du jugement du 10 octobre 1996 aux obligations souscrites par MM. X... envers la société Euramco, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 110-1 du Code de commerce ;
3 / que la cause de l'engagement pris par les dirigeants d'une personne morale qui se portent garants des dettes de cette dernière réside dans l'intérêt patrimonial personnel qu'ils ont à cet engagement ;
qu'en jugeant qu'en l'absence d'intention libérale et de dette personnelle préexistante des dirigeants garants, ces derniers ne pouvaient être personnellement tenus à payer les dettes de la société qu'ils dirigeaient à l'égard de la société Euramco, la cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil ;
4 / qu'il résulte de l'article 1132 du Code civil que l'existence de la cause d'une promesse est présumée ; qu'en conséquence, la charge de la preuve de l'absence de cause d'une reconnaissance de dettes pèse sur son signataire ; que, par ailleurs, même en l'absence de toute intention libérale comme de dette personnelle préexistante, les dirigeants d'une personne morale en redressement judiciaire peuvent avoir un intérêt personnel au paiement des dettes de cette dernière qui suffit à causer leur engagement ; qu'en jugeant que l'engagement de MM. X... de payer des dettes de la société dont ils étaient les dirigeants, était nul pour défaut de cause au seul motif que n'était établie ni leur intention libérale ni l'existence d'une dette personnelle préexistante de leur part, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du Code civil ;
5 / que, pour débouter la société Euramco de sa demande en paiement de la somme de 1 273 299 francs correspondant à la différence entre la somme admise au passif de la société DHF et le montant total de sa créance, la cour d'appel a énoncé quau-delà de ses motifs relatifs à l'autorité de chose jugée et à la nullité de la reconnaissance de dette, "la société Euramco s'est vue reconnaître une créance fixée à 469 131,35 francs à la suite de sa déclaration de créance du 23 mars 1995 et qu'au soutien de celle-ci s'élevant à 1 727 244,65 francs, elle invoquait "des prélèvements effectués par les dirigeants de la société DHF sur le compte de la société Euramco dont ils étaient les représentants en France"" ; que la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que la reconnaissance de dettes ne pouvait valablement engager MM. X... en l'absence d'intention libérale ou de dette personnelle préexistante de leur part, l'arrêt n'a pas exclu le caractère personnel de cet engagement au seul motif que celui-ci avait un caractère commercial ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu que MM. X... avaient effectué les prélèvements au bénéfice de la société DHF en leur qualité de dirigeants de cette société, l'arrêt a pu exclure qu'ils aient agi à titre personnel à défaut d'intention libérale ou de dette personnelle préexistante ;
Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt retient que la reconnaissance de dettes n'avait pu valablement engager MM. X... en raison de l'absence d'intention libérale ou de dette personnelle préexistante de leur part et qu'aucun élément ne permettait de considérer qu'ils auraient pu effectuer des prélèvements autrement qu'en leur qualité de dirigeants de la société ; qu'au vu de ces constatations, la cour d'appel, qui a retenu que MM. X... n'avaient pris aucun engagement personnel, n'a pas inversé la charge de la preuve ;
Et attendu, en dernier lieu, que la décision se trouvant légalement justifiée par les motifs vainement critiqués par les deuxième, troisième et quatrième branches, les première et cinquième branches du moyen font état de motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en ses première et cinquième branches, est pour le surplus mal fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Le Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de MM. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.