AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et M. Y... ont créé un groupe de sociétés spécialisées dans les systèmes de tatouage antivol pour véhicules automobiles ; que, par lettre de mission du 10 février 1993, ils ont demandé à la société d'expertise comptable LC4 de les conseiller et de les assister "sur tous problèmes liés au juridique fiscal social comptable et financier" ; qu'ils ont chargé la société LC4 de constituer une société holding pour le contrôle du groupe ;
qu'ils ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a débouché sur un redressement d'imposition ; que le redressement portait notamment sur les plus-values réalisées à la suite de l'apport d'actions au capital de la société holding et d'une cession de parts à des tiers ; qu'estimant que le préjudice constitué par les impositions et pénalités estimées dues provenait de fautes imputables à la société LC4, M. X... et M. Y... ont assigné cette société devant le tribunal de commerce ;
Attendu que la société LC4 fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... et à M. Y... une certaine somme, alors, selon le moyen :
1 / que l'auteur d'une infraction doit personnellement subir la peine prévue par la loi ; que la majoration de 40 % pour mauvaise foi prévue à l'article 1729-1 du Code général des impôts constitue une sanction fiscale assimilée à une sanction pénale et personnelle au contribuable redressé ; qu'elle ne saurait ainsi être supportée par une autre personne que le contribuable redressé lui-même ; qu'en mettant néanmoins à la charge de la société LC4 le paiement de la majoration de 40 % qui était infligée à MM. X... et Y..., en tant que contribuables redressés, et en considération de leur intention délibérée de contrevenir à la loi fiscale, la cour d'appel a violé le principe de la personnalité des peines issu des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ensemble les articles 1729-1 du Code général des impôts et 121-1 du Code pénal ;
2 / que le juge civil n'a pas le pouvoir d'affranchir l'auteur d'une infraction de la peine, devenue définitive, qui lui a été infligée par le juge compétent, seul investi du pouvoir répressif ; qu'en déchargeant néanmoins MM. X... et Y... du montant de la majoration de 40 % pour mauvaise foi qui leur a été infligée par le tribunal administratif de Lille au terme d'un jugement devenu définitif, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a violé la loi des 16-24 août 1790 ;
Mais attendu, d'une part, que l'action en responsabilité civile contractuelle ayant pour finalité la réparation du préjudice né de l'inexécution d'un contrat, son exercice n'est pas de nature à porter atteinte au principe de la personnalité des peines ;
Attendu, d'autre part, qu'en statuant sur la demande en réparation du préjudice, la cour d'appel, qui n'a pas substitué sa décision à celle par laquelle le juge de l'impôt a prononcé la condamnation du contribuable au paiement des pénalités litigieuses, n'a pas excédé les limites de sa compétence ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société LC4 aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.