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03/03/2004 | FRANCE | N°00-18328

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mars 2004, 00-18328


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° X 00-18.328 et n° A 00-18.669 ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que le 4 avril 1991, la société Transports X..., aux droits de laquelle se trouve la société Roulinter, a acheté à la société Pegaso France, aux droits de laquelle se trouve la société Iveco, un camion neuf ; qu'elle a rapidement constaté une surchauffe du moteur qui a entraîné des réparations multiples d'abord par la société Adour garage Commarieu

, aux droits de laquelle se trouve la société Vinches, puis par la société Dax poids lou...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° X 00-18.328 et n° A 00-18.669 ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que le 4 avril 1991, la société Transports X..., aux droits de laquelle se trouve la société Roulinter, a acheté à la société Pegaso France, aux droits de laquelle se trouve la société Iveco, un camion neuf ; qu'elle a rapidement constaté une surchauffe du moteur qui a entraîné des réparations multiples d'abord par la société Adour garage Commarieu, aux droits de laquelle se trouve la société Vinches, puis par la société Dax poids lourd ; que le camion est tombé définitivement en panne le 25 septembre 1995 ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Roulinter :

Attendu que la société Roulinter reproche à l'arrêt d'avoir condamné in solidum la société Pegaso France, la société Adour garage Commarieu et la société Dax poids lourds à lui payer la somme de 150 000 francs en réparation de son préjudice financier et matériel toutes causes confondues, alors, selon le moyen, que si la cour d'appel a le pouvoir d'évoquer, pour mettre définitivement fin au litige, lorsqu'elle est saisie d'un jugement ordonnant une mesure d'instruction, c'est à la condition de respecter le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, la société Roulinter sollicitait tout d'abord la confirmation du jugement en tant qu'il avait retenu la responsabilité des trois sociétés défenderesses et admis le principe d'une provision, puis demandait la confirmation du jugement en tant qu'il avait fixé la provision à 200 000 francs ; qu'en statuant sur le fond, pour fixer définitivement la créance de réparation de la société Roulinter, sans l'inviter à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 16 et 568 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la société Adour garage Commarieu ayant formé un appel incident non limité qui saisissait la cour d'appel de l'entier litige et les sociétés défenderesses ayant conclu sur le principe et l'évaluation du préjudice, la cour d'appel n'était pas tenue d'inviter la société Roulinter à s'expliquer sur ces points auxquels il appartenait à cette société de répondre ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches, du même pourvoi, le second moyen du pourvoi incident de la société Iveco et le second moyen du pourvoi de la société Dax poids lourds, réunis :

Attendu que la société Roulinter, la société Iveco et la société Dax poids lourds font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 ) que lorsque la victime se prévaut de préjudices distincts, l'obligation de motiver, qui s'impose aux juges du fond, leur interdit de procéder à une évaluation globale, toutes causes de préjudices confondues ; qu'en l'espèce, l'arrêt a entendu réparer des préjudices distincts ; qu'en allouant une réparation globale, toutes causes de préjudices confondues, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'en tout cas, faute d'avoir évalué chaque chef de préjudice, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du Code civil ;

3 ) que les juges du fond ne peuvent, pour évaluer le montant du préjudice, se borner à se référer aux documents de la cause sans procéder à l'analyse des dits document ; qu'ainsi, en se bornant, pour fixer à la somme de 150 000 francs le montant des dommages-intérêts dus à la société Roulinter à poser que cette somme correspond au préjudice global de cette dernière au vu des éléments du litige figurant aux débats, la cour d'appel a violé les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue du préjudice ; que la cour d'appel, qui a fixé le préjudice global de la société Roulinter au vu des éléments du litige figurant aux débats, sans être tenue de s'expliquer sur chacun des préjudices ni sur chacun des éléments, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi incident de la société Iveco :

Attendu que la société Iveco reproche à l'arrêt d'avoir condamné la société Pegaso France in solidum avec les sociétés Adour garage Commarieu et Dax poids lourds à payer à la société Roulinter une somme de 150 000 francs en réparation de son préjudice matériel et financier toutes causes confondues, alors, selon le moyen :

1 ) que dans ses conclusions d'appel, la société Iveco a expressément fait valoir qu'elle ne pouvait se voir reprocher la fourniture d'une culasse d'occasion, au demeurant non prouvée par la société Dax poids lourds, dès lors que la société Pegaso ne commercialise que des pièces neuves ou rénovées, ainsi qu'en atteste M. Y..., collaborateur de la société Pegaso, de sorte que la pièce litigieuse avait nécessairement été livrée par un tiers ; qu'ainsi, en retenant par motifs adoptés, que la société Pegaso aurait fourni une pièce d'occasion, réputée défectueuse, pour en déduire que la société Pegaso France aurait manqué à son obligation de résultat, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de la société Pegaso, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que dans ses conclusions d'appel la société Iveco soulignait que l'expert n'était pas parvenu à identifier la culasse se trouvant à l'origine de la panne du moteur, et n'avait notamment pu affirmer que la culasse défectueuse fut celle qui aurait prétendument été livrée par la société Pegaso, de sorte qu'en l'état de cette incertitude, la responsabilité de la société Iveco ne pouvait être engagée ; que, dès lors, en retenant, par motifs adoptés que la société Pegaso aurait fourni une pièce défectueuse, pour en déduire qu'elle aurait manqué à son obligation de résultat, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de la société Pegaso, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que les défauts qui rendent la chose impropre à sa destination normale constituent des vices définis par l'article 1641 du Code civil, lequel constitue l'unique fondement de l'action tendant, de ce chef, à engager la responsabilité du fabricant ; qu'ainsi, conformément à l'article 1648 du même Code, cette action doit être intentée à bref délai ;

qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité de la société Pegaso France, la cour d'appel a retenu que le moteur litigieux a toujours présenté des signes de surchauffe, avant comme après son remplacement, en sorte que la responsabilité du fabricant est engagée ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le moteur avait été acquis en 1991, que les surchauffes du moteur sont survenues dès le mois d'août de la même année et qu'après avoir fait procéder à diverses réparations, la société Transports X... a attendu le mois d'octobre 1995 pour solliciter la désignation d'un expert, avant d'assigner la société Pegaso, ce dont il résultait que l'action diligentée à l'encontre de cette dernière n'avait pas été intentée à bref délai et, partant, était irrecevable. la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que depuis son acquisition, le moteur litigieux a toujours présenté des signes de surchauffe et des défaillances, avant comme après son remplacement, et retient que la responsabilité du fabricant est en conséquence engagée ;

qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la société Iveco que celle-ci ait invoqué l'irrecevabilité de la demande ; que le moyen soutenu par la troisième branche, mélangé de fait et de droit, est nouveau ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa troisième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi de la société Dax poids lourds :

Attendu que la société Dax poids lourds fait aussi le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 ) que si le garagiste est tenu d'une obligation de résultat, il n'est pas responsable s'il établit son absence de faute ; qu'en énonçant que la société Dax poids lourds avait manqué à son obligation de résultat en ne décelant pas la défectuosité de la culasse en février 1995, tout en constatant qu'à cette date, elle avait remplacé une culasse par une pièce d'occasion fournie par la société Pegaso France, ce dont il résultait qu'elle n'avait personnellement commis aucune faute, la cour d'appel n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient et a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que la société Dax poids lourds faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'en février 1995 elle avait déposé et éprouvé les culasses, changé les culasses altérées et constaté que la culasse couvrant le cylindre correspondant à la deuxième chemise avait été fragilisée (et non fissurée) lors de l'épisode de surchauffe en Espagne ;

que dès lors, en statuant comme elle a fait, sans rechercher si la défectuosité de la culasse, constatée en septembre 1995, était décelable en février 1995, faute de quoi la société Dax poids lourds n'en était pas responsable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'obligation de résultat emporte présomption de responsabilité et présomption de causalité ; que l'arrêt relève qu'en février 1995, la société Dax poids lourds a procédé à une remise en état complète du moteur et a remplacé une culasse par une pièce d'occasion fournie par la société Pegaso France mais qu'en juin 1995 elle a mis le ventilateur en position permanente, ce qui implique la persistance de la surchauffe et qu'en septembre, le caractère défectueux d'une culasse a été constaté ; qu'il retient que la société Dax poids lourds a manqué à son obligation de résultat en ne décelant pas la défectuosité de la culasse ; qu'ainsi, peu important qui avait fourni la culasse, la cour d'appel, qui a fait ressortir que la défectuosité de la culasse était décelable lors de la remise en état du moteur, a également justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Vinches, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société Adour garage Commarieu in solidum avec les sociétés Dax poids lourds et Pegaso France à payer à la société Roulinter une certaine somme en réparation de son préjudice matériel et financier, l'arrêt retient que cette société a trompé la société Transports X... sur la nature du remplacement du moteur en portant sur sa facture moteur "échange standard" tandis qu'il s'agissait d'un moteur réparé ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Adour garage Commarieu qui faisaient valoir qu'il résulte de l'article 4 du décret n° 78- 993 du 4 octobre 1978, pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les véhicules automobiles, que la mention "échange standard" peut être utilisée pour désigner, en vue de la vente, un moteur, un organe ou un sous-ensemble monté ou destiné à être monté sur un véhicule automobile, en remplacement d'un élément usagé qui fait l'objet d'une reprise si, le moteur, l'organe ou le sous-ensemble livré, identique ou équivalent, est neuf ou a été remis en état conformément aux spécifications du fabricant, soit par celui-ci, soit dans un atelier dont les moyens de production et de contrôle permettent de garantir les caractéristiques d'origine, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du pourvoi incident :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Adour garage Commarieu in solidum avec les sociétés Pegaso France et Dax poids lourds à payer à la société Roulinter en réparation de son préjudice financier et matériel la somme de 22 867,35 euros toutes causes confondues et celle de 2 286,74 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Fait masse des dépens et dit qu'il seront supportés par tiers par les sociétés Roulinter, Iveco et Dax poids lourds ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Roulinter à payer à la société Vinches la somme de 1 800 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-18328
Date de la décision : 03/03/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau (1re chambre), 07 juin 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mar. 2004, pourvoi n°00-18328


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:00.18328
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