AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que dans le cadre d'un contrat de franchise, la société Prodim a approvisionné M. X... en marchandises, puis lui a fait signer deux reconnaissances de dettes au titre des marchandises livrées et impayées, une convention de résiliation du contrat de franchise et un acte dit de "délégation de stock", le 16 septembre 1996 ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire par jugement du 22 novembre 1996, fixant la date de cessation des paiements au 1er juillet 1996 ; que la société Prodim a déclaré sa créance le 22 janvier 1997, pour une somme correspondant au coût des marchandises impayées, déduction faite de la reprise de stock opérée en vertu de l'acte précité du 16 septembre 1996 ; que par ordonnance du 13 novembre 1997, le juge-commissaire, rejetant la contestation du liquidateur portant sur la valorisation du stock, a admis la créance pour le montant déclaré ; que le tribunal, par jugement du 24 février 1999, a accueilli la demande du liquidateur en nullité de l'opération intitulée "délégation de stock" du 16 septembre 1996, sur le fondement de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel a infirmé ce jugement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les conclusions dites tardives et d'avoir rejeté ses demandes en nullité de l'acte de "délégation de stock", alors, selon le moyen, que sont recevables les conclusions déposées par le liquidateur après l'ordonnance de clôture qui, en réponse aux conclusions de la société Prodim, ne faisaient que développer et préciser les moyens invoqués dans ses premières écritures d'appel ; qu'en considérant que les conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 13 décembre 2000 par le liquidateur, postérieures à l'ordonnance de clôture, sont d'office irrecevables en application de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel viole le texte précité ;
Mais attendu qu'après l'ordonnance de clôture, et sauf dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, de sorte que la cour d'appel a fait une exacte application du texte précité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1351 du Code civil et 107 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L.621-107 du Code de commerce ;
Attendu que l'admission d'un créancier pour la partie impayée de sa créance ne fait pas obstacle à l'action en nullité des paiements partiels reçus en période suspecte ;
Attendu que pour rejeter l'action du liquidateur tendant à voir prononcer la nullité de l'acte dit de délégation de stock du 16 septembre 1996, l'arrêt retient que dans l'instance devant le juge-commissaire qui opposait les mêmes parties, ces dernières ont débattu de "la même chose et de la même cause", ne contestant ni la régularité de l'opération ni le droit à créance de la société Prodim ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la décision d'admission de la créance n'avait pas tranché dans son dispositif, qui a seul autorité de la chose jugée, la validité du paiement au moyen de la délégation de stock, effectuée en période suspecte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 13 décembre 2000 par M. Y..., ès qualités, l'arrêt rendu le 1er mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Prodim aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Prodim et la condamne à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 1 800 euros
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille quatre.