AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le troisième moyen :
Vu l'article 170 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 11 mars 1991, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Savoie (la Caisse) a consenti un prêt à M. X... avec la caution hypothécaire de son épouse, l'hypothèque portant sur un immeuble sis à ... et appartenant indivisément aux époux X... ; que, le 22 décembre 1993, les époux X... ont fait donation de l'immeuble à leurs enfants mineurs en se réservant un droit d'usage et d'habitation leur vie durant ; que les époux X... ont déclaré leur état de cessation des paiements le 30 mai 1994 et ont été mis en liquidation judiciaire le 2 juin 1994 ; que, le 19 août 1994, la Caisse a délivré un commandement de payer aux fins de saisie immobilière à l'encontre des enfants X... ; que la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 12 mai 1995 ; que, dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, la Caisse a demandé au tribunal de grande instance de constater la fraude des époux X... afin de pouvoir reprendre l'exercice des poursuites individuelles en application de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ; que le tribunal de grande instance a sursis à statuer sur cette demande en renvoyant la Caisse devant le juge de la créance ; que la Caisse a alors saisi le tribunal de commerce d'une requête sollicitant la réouverture de la procédure de liquidation judiciaire sur le fondement de l'article 170 de la loi du 25 janvier 1985 ; que, par arrêt du 12 novembre 1998 devenu irrévocable, la cour d'appel a déclaré la requête
irrecevable ; que la Caisse a alors engagé une seconde instance sur le fondement de l'article 170 de la loi du 25 janvier 1985 ; que, par jugement du 23 mai 2000, le tribunal a rejeté la requête ; que la Caisse a interjeté appel ;
Attendu que pour déclarer recevable et bien-fondée la demande de la Caisse, l'arrêt, après avoir constaté que les premiers juges ont rejeté la demande au motif que la Caisse n'était plus créancière des époux X..., car elle n'avait pas déclaré sa créance, et qu'en conséquence celle-ci était éteinte, retient que la qualité de créancier de la Caisse fait l'objet d'une action pendante devant le tribunal de grande instance de Valence, que cette instance, fondée sur l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 qui permet, en cas de fraude du débiteur, la reprise des poursuites individuelles après la clôture de la liquidation judiciaire, est susceptible de déboucher sur une condamnation au profit de la Caisse, ne serait ce que sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et que les premiers juges ont donc à tort rejeté la demande de la Caisse ;
Attendu qu'en statuant par de tels motifs, impropres à établir que la Caisse était créancière, seule qualité permettant de considérer qu'elle était intéressée à la réouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
CONFIRME le jugement rendu le 23 mai 2000 par le tribunal de commerce de Nanterre ;
Condamne la CRCAM de Savoie aux dépens ;
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par la CRCAM de Savoie ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille quatre.