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18/02/2004 | FRANCE | N°02-17523

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 février 2004, 02-17523


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 4 juin 2002, 25 octobre 1994 et 10 juillet 1996), que la société Port Leucate nature, venant aux droits de la société SEGESPAR Immobilier, assurée, selon police "dommages-ouvrage", auprès de la compagnie Préservatrice foncière, aux droits de laquelle se trouve la compagnie Assurances générales de France (AGF), est maître d'ouvrage d'un ensemble d'immeubles, dont la réa

lisation a été confiée, pour le gros oeuvre, à la société Someteg, puis, pour le...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 4 juin 2002, 25 octobre 1994 et 10 juillet 1996), que la société Port Leucate nature, venant aux droits de la société SEGESPAR Immobilier, assurée, selon police "dommages-ouvrage", auprès de la compagnie Préservatrice foncière, aux droits de laquelle se trouve la compagnie Assurances générales de France (AGF), est maître d'ouvrage d'un ensemble d'immeubles, dont la réalisation a été confiée, pour le gros oeuvre, à la société Someteg, puis, pour les travaux de second oeuvre, à la société Soleg, assurées toutes deux auprès de la compagnie Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que la société Soleg, aux droits de laquelle se trouve la société Eiffage construction Languedoc, a sous-traité les travaux de peinture à la société Poch et Lavieville, actuellement en liquidation judiciaire, laquelle a utilisé comme enduit de façade un produit fabriqué par la société Master peintures, devenue Peintures Maestria ; que des désordres affectant, notamment, cet enduit, sont apparus dont la société Port Leucate nature a demandé réparation ;

Attendu que la société Peintures Maestria fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes à la société Port Leucate nature, alors, selon le moyen :

1 / qu'à l'égard de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information du fabricant n'existe que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés ; qu'en l'espèce, la société Soleg et son sous-traitant, la société Poch et Lavieville, en tant que professionnelles, avaient une compétence suffisante pour apprécier les caractéristiques du produit acheté ; qu'en conséquence, en jugeant que la société Master peintures avait manqué à son devoir de conseil, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1615 du Code civil ;

2 / que le vendeur ne saurait manquer à son devoir de renseignement lorsqu'il ignore l'importance que revêt l'information pour son client et n'est tenu de l'informer que des conditions d'utilisation normales, mais non des conditions d'utilisation inhabituelles du produit vendu ; qu'en l'espèce, la société Master peintures faisait valoir que le revêtement avait été utilisé en site marin exposé à de très fortes chaleurs durant la période estivale ; que l'arrêt lui-même relève que le produit s'est révélé inadapté en raison de la spécificité et des contraintes du site sur lequel il devait être employé ; qu'en condamnant la société Master peintures pour avoir manqué à son obligation de conseil, sans rechercher si, simple vendeur d'un produit fini, elle avait été spécialement informée par l'acquéreur des contraintes particulières et inhabituelles auxquelles son produit se trouverait exposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la mauvaise tenue de l'enduit était la conséquence des sollicitations climatiques et des caractéristiques intrinsèques de l'enduit qui présentait une élasticité quasi nulle, que la composition de cet enduit, qui n'était pas celle habituelle des enduits de parement plastique, entraînait une augmentation de sa porosité ainsi qu'une diminution de la résistance du liant à la saponification, non conforme à l'usage auquel il était destiné, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision en retenant que la société Master peintures aurait dû préciser d'elle-même que la texture inhabituelle de son produit impliquait une contre performance particulière dans certains sites, une telle obligation de renseignement pesant sur le fabricant d'un produit nouveau à l'égard de l'acquéreur, ce dernier fût-il un utilisateur professionnel ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué des sociétés SMABTP, Entreprise Rosina, Eiffage construction Languedoc, réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de prononcer des condamnations au profit de la société Port Leucate nature, alors, selon le moyen :

1 / qu'ayant relevé que les désordres affectant les peintures étaient purement esthétiques, non généralisés, et qu'ils n'atteignaient ni la solidité de l'ouvrage, ni sa destination, ne s'agissant pas de bâtiments de caractère prestigieux, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les articles 1382 et 1147 du Code civil, condamner la société Master peintures à indemniser la SNC du préjudice résultant de l'impossibilité dans laquelle elle s'était trouvée de louer les immeubles en raison de la non-conformité à l'usage auquel ils étaient destinés ;

2 / qu'en tout état de cause, la cour d'appel qui indemnise la SNC au titre de la totalité des lots, y compris ceux dans lesquels aucun désordre n'affectant les façades n'est relevé, viole derechef les textes susvisés ;

3 / que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société Port Leucate nature estimait elle-même son préjudice financier à la somme de 368 067,72 euros HT ; qu'en conséquence, en allouant à la société Port Leucate nature, au titre de son préjudice, la somme de 800 000 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que l'évaluation du préjudice financier subi par la société Port Leucate nature ne pouvait pas être limitée aux seuls lots affectés de désordres, alors que ceux-ci portaient également sur des parties communes, l'état des façades, notamment, rendant l'aspect de l'ensemble peu attirant pour des vacanciers dissuadés d'y renouveler leur séjour et que le préjudice invoqué s'analysait en réalité comme une perte de chance de louer les appartements s'ils avaient été dans un état normal, la cour d'appel, qui par ailleurs a rectifié, par un arrêt du 26 juin 2002, l'erreur matérielle relative au montant de la condamnation prononcée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société Port Leucate nature :

Attendu que la société Port Leucate nature fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action contre la société Préservatrice foncière, alors, selon le moyen, que les dispositions des articles L. 242-1 et L. 243-1 et son annexe du Code des assurances, d'ordre public, interdisent à l'assuré de saisir directement une juridiction aux fins de désignation d'un expert ; qu'il en résulte que l'assureur qui participe, sans élever la moindre réserve, à l'expertise ordonnée en référé en méconnaissance des dispositions précitées renonce nécessairement à opposer, devant la juridiction du fond, la fin de non recevoir tirée de cette méconnaissance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ne résultait pas de la présence, sans réserves, de la société Préservatrice foncière aux opérations d'expertise, que celle-ci avait renoncé sans équivoque à soulever l'irrecevabilité de la demande de son assurée qui l'a assignée devant le juge du fond, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, la renonciation ne pouvant résulter que d'une manifestation claire et explicite ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, la société Port Leucate nature et les sociétés Eiffage construction Languedoc, Entreprise Rosina et la SMABTP à payer à la compagnie AGF la somme de 1 900 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toute autre demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 02-17523
Date de la décision : 18/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de renseigner - Fabricant - Produit nouveau - Usage dans des conditions spécifiques.

CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Responsabilité - Obligation d'information - Etendue - Rapports avec l'acheteur professionnel dont il est le sous-traitant - Produit nouveau présentant des particularités en cas d'utilisation dans des conditions spécifiques

VENTE - Vendeur - Obligations - Obligation de renseigner - Etendue - Acheteur professionnel

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de renseigner - Fabricant - Produit nouveau - Acheteur professionnel - Portée

Le fabricant d'un produit nouveau dont l'utilisation dans des conditions spécifiques peut présenter des particularités est tenu d'une obligation de renseignement à l'égard de son acquéreur, fût-il un utilisateur professionnel.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 1994-10-25, 1996-07-10 et 2002-06-04

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 1998-06-03, Bulletin 1998, I, n° 198, p. 136 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 fév. 2004, pourvoi n°02-17523, Bull. civ. 2004 III N° 32 p. 30
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 III N° 32 p. 30

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Weber.
Avocat général : Avocat général : M. Guérin.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Paloque.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner la SCP Parmentier et Didier, la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, Me Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.17523
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