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18/02/2004 | FRANCE | N°02-13732

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 février 2004, 02-13732


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme X... de leur désistement de pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Paris, 8 février 2002), que, courant 1988 et 1989, la société Sogeservice, filiale à 100 % de la Société générale, a proposé à divers clients de cette dernière de souscrire des parts de sociétés civiles immobilières, lesquelles devaient acheter des immeubles de bureaux et les louer ;

qu'un certain nombre de sous

cripteurs, reprochant à la société Sogeservice d'avoir eu recours à l'appel public à l'épa...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. et Mme X... de leur désistement de pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Paris, 8 février 2002), que, courant 1988 et 1989, la société Sogeservice, filiale à 100 % de la Société générale, a proposé à divers clients de cette dernière de souscrire des parts de sociétés civiles immobilières, lesquelles devaient acheter des immeubles de bureaux et les louer ;

qu'un certain nombre de souscripteurs, reprochant à la société Sogeservice d'avoir eu recours à l'appel public à l'épargne pour placer ces titres des sociétés civiles immobilières auprès des clients de la Société générale, ont assigné celle-ci en nullité des contrats de souscriptions ; que la cour d'appel a mis hors de cause les SCI motifs pris qu'aucune demande de condamnation n'était requise contre elles et a rejeté l'ensemble des demandes dirigées contre la société Sogeservice ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que les consorts Y... et divers souscripteurs font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / qu'il est interdit aux sociétés civiles de faire publiquement appel à l'épargne en ayant recours à des banques pour recueillir des fonds auprès du public par voie de démarchage ou de publicité ; que les banques procèdent par voie de démarchage, constitutif d'un appel public à l'épargne, lorsqu'elles proposent à leurs clients de façon habituelle des placements financiers, à leur domicile, à leur résidence ou sur leurs lieux de travail ; que, par l'intermédiaire de la Sogeservice, la Société générale a démarché un certain nombre de ses clients à leur domicile pour leur proposer d'investir dans des parts de SCI ; qu'ainsi le démarchage pour recueillir des fonds auprès du public, constitutif de l'appel public à l'épargne était parfaitement caractérisé ; qu'en énonçant cependant que les critères de l'appel public à l'épargne n'étaient pas réalisés au motif que le démarchage dénoncé par les consorts Y... n'était pas démontré, chacun ayant la qualité de client de la banque à l'exception de Claude Z... qui en était le proposé, quand la qualité de client d'une banque lui permet justement de le démarcher pour lui proposer des placements financiers, la cour d'appel a violé les articles 72 de la loi du 24 juillet 1966, 1er de la loi du 31 décembre 1970, 9 de la loi du 28 décembre 1966 et 2 de la loi du 3 janvier 1972 ;

2 / que l'appel public à l'épargne est caractérisé lorsque les sociétés civiles ou les organismes de crédit s'adressent au public ou à leurs clients par la voie de lettres circulaires proposant l'acquisition de parts ; que dès 1985 et de façon régulière, la Sogeservice a diffusé auprès d'investisseurs privés une "note de présentation générale" pour leur proposer d'investir dans des parts de SCI ; que la Société générale a diffusé auprès de ses clients une plaquette publicitaire intitulée "la Société Générale et l'immobilier de placement" pour proposer des placements par l'intermédiaire de SCI ; que le nombre des associés des SCI était supérieur à 654 ; qu'ainsi en énonçant qu'il n'y avait pas eu appel public à l'épargne puisque les titres étaient émis auprès d'un nombre limité d'investisseurs sans recours à la publicité ni au "démarchage", sans s'expliquer comme le lui demandaient les consorts Y..., sur les procédés de publicité utilisés et suffisamment diffusés pour obtenir plus de 654 associés, ces procédés de publicité caractérisant parfaitement l'utilisation détournée de l'appel public à l'épargne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 72 de la loi du 24 juillet 1966 et 1er de la loi du 31 décembre 1991 ;

3 / que dans son rapport de 1975, la COB avait énoncé que l'appel public à l'épargne était une réalité lorsque les sociétés civiles étaient créées, gérées et administrées par une même personne puisqu'il s'agissait alors d'un groupe homogène ; qu'elle avait précisé qu'il fallait prendre en considération les associés de l'ensemble du groupe qui, s'il réunissait un très grand nombre d'associés, caractérisaient un appel public à l'épargne ; qu'il résultait de la "Note de présentation générale" des SCI diffusée en 1985 qu'elles étaient créées, gérées et administrées par la Sogeservice ; que, par ailleurs, le nombre d'associés était supérieur à 654 ; qu'ainsi l'appel public à l'épargne était caractérisé ; que dès lors, en énonçant que les SCI étaient des entités autonomes réunissant chacune une quarantaine d'associés, aucun motif ne pouvant justifier la prise en compte des souscripteurs de toutes les sociétés dans un ensemble unique, quand ces SCI présentaient un groupe homogène constitué d'un très grand nombre d'associés, caractéristique de l'appel public à l'épargne, la cour d'appel a violé les articles 72 de la loi du 24 juillet 1966 et 1er de la loi du 31 décembre 1970 ;

4 / qu'enfin, par arrêté du 3 mars 1992 portant homologation du règlement n° 92-02 de la COB, il est énoncé à l'article 2 que "le caractère public de l'offre résulte de la diffusion de valeurs mobilières au-delà du cercle de 300 personnes" ; que pour arriver à plus de 654 associés de SCI la Sogeservice qui créaient les dites SCI a diffusé les valeurs mobilières à un nombre largement supérieur aux 300 personnes prescrites par la COB ; que dès lors, en énonçant que la diffusion des titres avait eu lieu auprès d'un nombre limité d'investisseurs, la cour d'appel a violé l'article 2 du règlement 92-02 du COB homologué par arrêté du 3 mars 1992 ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis et statuant dans les limites de sa saisine, a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'aucune demande n'était formulée à l'encontre des SCI et qu'aucun élément constitutif d'un appel public à l'épargne à l'encontre de la société Sogeservice n'était établi, les titres ayant été émis par des sociétés civiles, entités autonomes réunissant chacune une quarantaine d'associés, auprès d'un nombre limité d'investisseurs, clients de la Société générale, pour un placement durable ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dès lors que le démarchage n'était pas démontré, que les documents qualifiés de plaquettes publicitaires par lesquelles la Société générale proposait "les placements" n'était pas de nature à caractériser une sollicitation au domicile ou sur le lieu de travail des souscripteurs, et que le chiffre de 654 investisseurs avancé représentait l'ensemble des investisseurs dans une vingtaine de sociétés civiles qui se sont constituées sur une quinzaine d'années alors que la période considérée s'étale de fin 1988 à début 1989 et que seules cinq sociétés civiles ont été constituées pendant cette période, la cour d'appel, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts Y... et divers souscripteurs font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :

1 / que l'obligation d'information pesant sur l'organisme de crédit en matière de placements ou de gestion de patrimoine n'est pas remplie par la mention "lu et approuvé" portée sous une clause dactylographiée du bulletin de souscription de parts sociales de SCI selon laquelle le souscripteur déclare connaître les statuts de la SCI et sa notice de présentation ; que les consorts Y... exposaient avoir chacun signé le même jour un bulletin de souscription et un mandat de recherche ; que si le bulletin de souscription indiquant dans une clause dactylographiée qu'ils avaient "pris connaissance des principales dispositions des statuts de la SCI et de sa notice de présentation", ils n'avaient pu lire les 11 pages de ce document avant d'avoir signé les documents et n'étaient aucunement avertis des risques encourus ; que dès lors, en énonçant qu'ayant signé sous cette clause dactylographiée, les souscripteurs établissaient connaître les caractéristiques essentielles de SCI, quand l'obligation d'information du banquier

n'est pas remplie par la signature du souscripteur de parts sociales sous une telle clause dactylographiée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 / que la banque a le devoir d'informer ses clients des risques encourus dans les placements immobiliers, hors les cas où ils en ont connaissance ; qu'en énonçant dès lors que les consorts Y... "ne pouvaient ignorer" les risques encourus par les SCI, quand il appartenait à la Société générale de les en informer, ce qu'elle n'établissait pas, les souscripteurs de parts sociales n'ayant aucune connaissance en la matière, la cour d'appel a encore violé l'article 1147 du Code civil ;

3 / que le banquier a une obligation de conclure des contrats de placement ou de gestion de portefeuille avec loyauté ; que dans la lettre du Patrimoine" n° 3 éditée en 1989, la Société générale énonçant que "nous sommes actuellement à la veille d'un renversement de tendance... mais nous craignons que dans les deux ans à venir y ait surproduction et déséquilibre entre "l'offre et la demande au profit de l'offre" ; que dès lors, en énonçant que les consorts Y... étaient mal fondés à rechercher la responsabilité de la Société générale et de la Sogeservice à l'occasion de pertes financières encore virtuelles et exclusivement liées à l'évolution du marché sans rechercher si, compte tenu du "renversement de tendance" parfaitement prévu par la Société générale, celle-ci n'avait pas manqué à son devoir de loyauté en incitant des souscripteurs de parts à investir sur un marché qu'elle savait non rentable à très court terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que tous les investisseurs ont reçu, lors de leur souscription, l'une ou l'autre de ces notes de présentation des placements proposés énonçant avec clarté leurs caractéristiques essentielles à savoir la responsabilité indéfinie des associés dans la proportion de leur souscription au capital social, l'absence de garantie de reprise des parts par la société Sogeservice, la nature variable et aléatoire des revenus attendus malgré une rentabilité prévisionnelle ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que les investisseurs ne pouvaient se méprendre sur la nature de l'investissement qu'ils réalisaient en parts de sociétés civiles immobilières désignées comme telles dans les mandats de recherche et les bulletins de souscription qu'ils ont signés ; que le motif isolé par le pourvoi selon lequel les consorts Y... et d'autres investisseurs "ne pouvaient ignorer que les sociétés civiles immobilières dont ils devenaient actionnaires étaient des sociétés fermées et qu'il n'existait pas de marché secondaire des parts de sociétés civiles immobilières" est surabondant et ne vient pas au soutien du dispositif de l'arrêt ;

Attendu, enfin, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que dans l'objectif d'investissement à long terme que les notices de présentation recommandaient, les fluctuations du marché représentaient un risque inhérent à l'investissement, la cour d'appel a énoncé à bon droit que les consorts Y... étaient mal fondés à rechercher la responsabilité de la Société générale et de la Sogeservice à l'occasion de pertes financières encore virtuelles et exclusivement liées à l'évolution du marché ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. Y..., A... et B..., les époux C..., M. et Mme D... et M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Société générale et de la société Sogeservice ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-13732
Date de la décision : 18/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (25e Chambre, Section A), 08 février 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 fév. 2004, pourvoi n°02-13732


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.13732
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