AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant que le pourvoi principal formé par le Crédit industriel et commercial que sur le pourvoi incident relevé par la BNP Paribas ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, rédigés en termes similaires, pris en leurs trois branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2001), que la compagnie Assurance du crédit Namur (la Namur) a cautionné la société ITT, qui exerçait une activité de travail temporaire ; que la société ITT ayant connu des difficultés, un protocole de règlement amiable a été signé, le 28 juin 1994, entre elle et ses principaux créanciers, dont la Namur, la BNP Paribas, la Banque Hervet et le CIC ; que ce protocole a été modifié par un avenant n° 5 du 28 juin 1996 selon lequel la société ITT a notamment accepté que les sommes séquestrées sur les comptes ouverts dans les livres de la BNP soient affectées spécialement à la garantie des engagements de la Namur ; que la société ITT ayant été mise en liquidation judiciaire le 3 juin 1997, M. X..., liquidateur, a assigné la Namur aux fins de se voir attribuer les sommes séquestrées ;
que le CIC, la BNP Paribas et la Banque Hervet sont intervenues volontairement pour faire valoir leur qualité de créanciers gagistes de second rang ; que la cour d'appel, infirmant le jugement ayant dit que la liquidation judiciaire de la société ITT ne pouvait être déclarée adjudicataire de la somme détenue par la BNP Paribas, a rejeté les demandes d'attribution du CIC, de la BNP Paribas et de la Banque Hervet, a ordonné l'attribution à la Namur des sommes séquestrées à concurrence de 433 482 francs et dit que M. X..., ès qualités, pourra réclamer l'attribution du surplus des sommes gagées au profit de la Namur en justifiant, conformément à l'avenant n° 5 au protocole du 28 juin 1994, du règlement intégral et définitif de toutes les obligations couvertes par la caution légale ;
Attendu que le CIC et la BNP Paribas font grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
1 / que constitue un gage de second rang la sûreté conférant au créancier le de se faire payer sur la chose qui en est l'objet par privilège et préférence aux autres créanciers, lorsque le titulaire du gage de premier rang aura été désintéressé ; qu'en déniant la qualité de créancier gagiste de second rang au CIC et à la BNP Paribas tout en constatant que la société ITT, dans l'avenant du 28 juin 1996, avait affecté au paiement de leurs créances toutes les sommes restant disponibles sur les comptes séquestres après mainlevée de la caution consentie par le créancier bénéficiaire d'un gage espèces de premier rang, la cour d'appel a dénaturé les clauses C2-1, C2-2 et C2-3 de l'avenant n° 5 du 28 juin 1996, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
2 / que pour s'opposer à l'argumentation de M. X... affirmant que le CIC et les autres banques ne justifiaient d'aucune déclaration de leurs créances au passif de la procédure collective de la société ITT non plus a fortiori de leur qualité de créanciers gagistes, le CIC et la BNP Paribas ont fait valoir qu'elles avaient déclaré leurs créances à titre nanti et privilégié au regard du gage espèces dont elles bénéficiaient et que cette déclaration n'avait nullement été contestée dans le cadre de la procédure collective par M. X..., ès qualités ; qu'en ne recherchant pas si les termes de ces déclarations, non contestées lors de la vérification des créances de la société ITT, n'établissaient pas l'existence d'une sûreté conférée au CIC et à la BNP Paribas en garantie de leurs créances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
3 / que les créances du CIC et de la BNP Paribas ayant été admises au passif de la procédure collective de la société ITT à titre privilégié par ordonnance du juge-commissaire du 3 février 1999, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée à ces admissions, remettre en cause la nature de la garantie liée à ces créances ; qu'en qualifiant néanmoins la clause d'affectation des fonds convenue de simple autorisation de paiement, la cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil, L. 621-44 et L. 621-104 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une interprétation que les termes obscurs et ambigus de l'avenant du 28 juin 1996 rendaient nécessaire que la cour d'appel a relevé que le gage était expressément constitué pour la couverture des engagements de la Namur et qu'en ce qui concernait les banques, il s'agissait d'une simple autorisation de paiement après mainlevée du gage, inopposable au liquidateur ; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de se livrer à la recherche inopérante mentionnée à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que le CIC et la BNP Paribas, qui n'ont pas invoqué devant les juges du fond l'autorité de chose jugée attachée à la décision d'admission de leur créance, ne sont pas recevables à l'invoquer pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident ;
Condamne le Crédit industriel et commercial et la BNP Paribas aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la BNP Paribas ; condamne le Crédit industriel et commercial et la BNP Paribas à payer à M. X..., ès qualités, la somme globale de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatre.