AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2000), que par jugement du 6 août 1992, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Transports Pignat au profit de la société MGF, avec faculté pour celle-ci de se substituer sa filiale la société CDE devenue la société Pignat ; que le jugement prévoyait notamment le transfert de divers matériels de transport et de manutention et des contrats de financement conclus avec la société Locafrance équipement (société LE) devenue la société GE capital équipement finance pour l'acquisition de ces matériels par ailleurs nantis au titre de ces contrats ; que par arrêt du 16 mars 1993, la cour d'appel a décidé que les contrats de financement n'avaient pas été cédés ; que la société LE, soutenant que les nantissements avaient été transférés, a réclamé le paiement des échéances des contrats de financements postérieurs à la cession aux sociétés MGF et Pignat ; que par jugement du 16 janvier 1995, le tribunal a accueilli la demande de la société LE ; que par arrêt du 28 novembre 2000, la cour d'appel a, d'une part, disjoint l'instance à l'égard de la société Pignat qui avait été placée en liquidation judiciaire et, d'autre part, rejeté la demande de la société LE à l'encontre de la société MGF ;
Attendu que la société GE capital équipement finance fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande à l'encontre de la société MGF alors, selon le moyen,
1 / qu'il résulte des termes de l'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 (article L. 621-96 du Code de commerce), que la charge des sûretés mobilières affectées au remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise de plein droit au cessionnaire, celui-ci étant alors tenu d'acquitter, entre les mains du créancier, les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ; que les dispositions de ce texte prévoient, in fine, qu'il ne peut être dérogé à cette règle emportant la transmission automatique de la charge des sûretés et de la dette dont elles sont l'accessoire que par un accord entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés ; qu'en reconnaissant, par les motifs susvisés, la possibilité pour le repreneur d'assortir son offre de reprise de conditions relatives aux biens grevés, et en imposant, contre la volonté de la société Locafrance, créancier gagiste, la cession des biens dont elle avait financé l'acquisition, sans l'assortir du transfert de la charge de la sûreté et des prêts consentis, la cour d'appel a violé l'article L. 621-96 du Code de commerce ;
2 / que la transmission au cessionnaire de la charge des sûretés et de la dette non apurée prévue par l'article L. 621-96 du Code de commerce ne constitue pas une simple faculté pour le tribunal qui arrête le plan de cession, mais une conséquence légale attachée à l'inclusion d'un bien nanti dans le plan de cession; que cette transmission opère de plein droit, par le seul effet de la loi, indépendamment même de toute précision du jugement arrêtant le plan ; qu'en se déterminant par des motifs qui laissaient entendre qu'en l'espèce, le jugement arrêtant le plan avait pu imposer à la société Locafrance, créancier gagiste, contre sa volonté, la cession des biens dont elle avait financé l'acquisition, sans l'assortir du transfert au cessionnaire de la charge de la sûreté et des prêts consentis, tout en relevant que ledit jugement prévoyait le transfert de matériels de manutention et de transport nantis au titre des contrats de financement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et derechef violé l'article L. 621-96 du Code de commerce ;
3 / que la reprise, par le cessionnaire, de la dette non apurée et de la charge de la sûreté qui opère sur le fondement de l'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, constitue une charge extérieure au prix de la cession et à la quote-part de ce prix reçue en paiement par le créancier nanti, même si elle influe directement sur son montant ; qu'en énonçant, pour débouter l'exposante de ses demandes, que "le jugement du 6 août 1992 arrêtant le plan de cession pour le prix de 6 MF se bornait à préciser que pour les actifs repris grevés dun privilège spécial, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix affecté à chacun de ces biens pour la répartition du prix est de 20 %, et que ce jugement avait force de chose jugée, sous réserve des chefs infirmés par l'arrêt de la cour du 16 mars 1993", la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-96 du Code de commerce ;
4 / que le paiement complet du prix de cession, indépendamment du règlement des échéances restant dues à compter de l'entrée en jouissance des biens nantis, est sans influence sur le droit, pour le créancier bénéficiaire du nantissement, de poursuivre le recouvrement de sa créance contre le cessionnaire ; qu'en énonçant, pour débouter l'exposante de ses demandes, qu'il n'était pas contesté que le plan, d'une durée de deux ans, avait été exécuté et, notamment, que le prix avait été payé, la cour d'appel a une nouvelle fois violé l'article L. 621-96 du Code de commerce ;
5 / que la stipulation, dans le plan de cession, d'une clause organisant expressément une faculté du substitution au profit d'un tiers déterminé, n'est licite que si elle est autorisée par le tribunal et qu'elle ne décharge pas le repreneur initial de ses obligations, ce dernier restant dès lors personnellement engagé par le plan de cession même en cas de substitution ; que cette obligation inclut, outre le paiement du prix de la cession, la charge des sûretés et des dettes transmises de plein droit au cessionnaire sur le fondement de l'article L. 621-96 du Code de commerce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé et. ensemble, l'article L. 621-23 du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la société MGF, cessionnaire, ne peut être tenue, de garantir le paiement des échéances des contrats de financement en raison du transfert de la charge des nantissements qu'elle avait exclu de son offre de reprise et que le tribunal arrêtant le plan de cession n'avait pas décidé ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GE capital équipement finance aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société GE capital équipement finance à payer à la société Magasins généraux de France la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatre.