La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2004 | FRANCE | N°02-30917

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 27 janvier 2004, 02-30917


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Jacques X..., salarié de la société Pont-à-Mousson, devenue Saint-Gobain PAM, de 1969 à 1997, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau 30 ,avec un taux d'invalidité fixé en dernier lieu à 80 %, qu'il a formé le 27 septembre 1999 une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, que l'arrêt confirmatif attaqué (Grenoble, 10 juin 2002) a dit que la maladie était due à la faute inexcusable de l'employeur,

fixé au maximum la majoration de la rente et a ordonné une expertise médica...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Jacques X..., salarié de la société Pont-à-Mousson, devenue Saint-Gobain PAM, de 1969 à 1997, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau 30 ,avec un taux d'invalidité fixé en dernier lieu à 80 %, qu'il a formé le 27 septembre 1999 une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, que l'arrêt confirmatif attaqué (Grenoble, 10 juin 2002) a dit que la maladie était due à la faute inexcusable de l'employeur, fixé au maximum la majoration de la rente et a ordonné une expertise médicale afin de déterminer l'importance des préjudices personnels ;

Sur les premier et deuxième moyens, réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le premier moyen :

1 ) que méconnaît les éléments du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui énonce que M. X... avait travaillé à l'usine d'Andancette du 1er septembre 1969 au 30 septembre 1988, l'enquête administrative, le jugement et les conclusions de la société exposante faisant en réalité apparaître qu'il n'avait été affecté à cet établissement de production que du 1er novembre 1987 au 30 juin 1988 ;

2 ) que prive sa décision de toute base légale au regard des articles 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, la cour d'appel qui impute à la société Saint-Gobain PAM une faute inexcusable pour avoir exposé M. X... à l'inhalation de la poussière d'amiante sans le prémunir contre ce risque et sans rechercher comme elle y était invitée si les fonctions de ce cadre technico commercial ne relevaient pas d'une activité qui avait été seulement inscrite au tableau n° 30 par le décret du 22 mai 1996, c'est à dire à une époque largement postérieure à la cessation de l'exposition au risque de l'intéressé, de sorte que la société Saint-Gobain PAM n'avait pas pu avoir conscience du danger ;

3 ) qu'il en est d'autant plus ainsi que la nature de la maladie (adénocarcinome) impliquait que la cour vérifie si "la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie" qui figure au tableau 30, mentionnait ou non, à l'époque de l'exposition au risque, une activité comparable à celle du cadre concerné ;

et alors, selon le second moyen :

1 ) qu'après avoir affirmé que le seul manquement à une obligation de sécurité de résultat a "le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale "prive sa décision de base légale au regard du texte susvisé ainsi que de l'article 1147 du Code civil, l'arrêt qui énonce aussi que "la faute inexcusable s'entend comme une faute d'une gravité exceptionnelle dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, en l'absence de toute cause justificative" laissant ainsi totalement incertain le point de savoir quel est le fondement de la responsabilité prétendument encourue au cas d'espèce ;

2 ) que si la réparation forfaitaire de base prévue par les articles L.411-1 et suivants et L.461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale est acquise de plein droit en cas de reconnaissance d'une maladie professionnelle et apparaît bien comme la contrepartie d'une obligation de résultat, en revanche les réparations complémentaires prévues par les articles L.452-2 et L.452-3 du Code de la sécurité sociale sont subordonnées à l'existence d'une faute inexcusable, notion légale précise à laquelle ne saurait être substituée celle d'obligation de résultat, de sorte qu'en affirmant que la société Saint-Gobain PAM aurait commis une faute d'une exceptionnelle gravité du seul fait qu'elle n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié du danger, ce qui abolit toute distinction entre les textes susvisés, la cour d'appel a violé ces derniers ;

3 ) qu'en vertu de l'article L.252-4 du Code de la sécurité sociale, la reconnaissance d'une faute inexcusable expose l'employeur non seulement au paiement de cotisations supplémentaires qui sont destinées à financer la rente versée par la CPAM à la victime mais aussi celles infligées par la CRAM à titre préventif ; que l'auteur direct de la faute peut même voir sa responsabilité recherchée sur son patrimoine personnel ; qu'il résulte d'un tel dispositif que les sanctions infligées, tant à l'employeur qu'à l'auteur direct des fautes, relèvent de la matière pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ; que dès lors méconnaît ensemble le principe de la sécurité juridique et celui de la non rétroactivité de la norme répressive applicable figurant dans l'article 7 de ladite convention, la cour d'appel qui ayant à statuer sur la conscience du danger que devait avoir l'employeur au cours d'une période au cours de laquelle les normes du droit positif applicable résultaient des arrêts contemporains des Chambres réunies des 15 juillet 1941 et du 23 juin 1966 et de l'assemblée plénière du 18 juillet 1980, applique des normes de même niveau, apparues seulement le 28 février 2002 selon lesquelles l'employeur serait tenu à "une obligation de sécurité de résultat" et aurait nécessairement conscience du danger du seul fait que les dispositifs protecteurs utilisés à l'époque n'auraient pas permis de satisfaire totalement à "une obligation de sécurité sanitaire" ;

4 ) que la conscience du danger que doit avoir un employeur à une époque donnée est fonction des données contemporaines et que ne saurait caractériser la faute commise par l'entreprise au cours de la période considérée l'arrêt qui fait reproche à celle ci de ne pas avoir usé de moyens nécessaires pour satisfaire une obligation de sécurité dans la prévention des maladies de l'amiante, sans rechercher ni si de tels moyens existaient ou ont même jamais existé pour des activité industrielles qui étaient cependant légalement autorisées, ni si du fait de l'édiction de normes réglementaires manifestement inappropriées tant avant qu'après 1977 les pouvoirs publics n'avaient pas induit en erreur l'exposante sur la nature du danger et sur les précautions à prendre jusqu'à leur interdiction ; qu'en statuant de la sorte la cour d'appel a privé sa décision de base légale tant au regard des articles L.452 et suivants que des articles L.461-2 et R.461-3 du Code de la sécurité sociale et de l'article 1386-11-4 du Code civil ;

Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que les énonciations de l'arrêt attaqué caractérisent le fait d'une part, que la société avait conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel a pu ainsi, sans méconnaître les éléments du litige et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du deuxième moyen, en déduire que la société Saint-Gobain PAM avait commis une faute inexcusable ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Saint-Gobain PAM fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au maximum le montant de la rente alors, selon le moyen :

1 ) que l'article L.452-2 du Code de la sécurité sociale dispose que "lorsqu'une rente a été attribuée à la victime le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder le plafond, fixé par l'article R.452-2 du Code de la sécurité sociale ; qu'il en résulte qu'il appartient au juge de déterminer par lui même le taux de cette majoration dans les limites réglementaires et que méconnaît son office, en violation du texte susvisé la cour d'appel de Grenoble qui estime que seule une faute de la victime pourrait justifier une majoration inférieure à celle du taux maximum ;

2 ) que viole l'article 5 du Code civil le juge qui, abdiquant ses pouvoirs propres quant à la détermination du taux de majoration applicable, pose en règle générale qu'il y aurait lieu d'appliquer le taux maximal, exception faite d'une éventuelle faute de la victime ;

3 ) que la majoration de rente,qui aboutit à un nécessaire dépassement du préjudice économique de la victime ou de ses ayants droits a nécessairement au regard de l'employeur le caractère d'une pénalité et qu'en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, il incombe nécessairement au juge de moduler celle ci en fonction des circonstances de l'espèce, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que la majoration de rente prévue lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur, au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, ne peut être réduite en fonction de la gravité de cette faute, mais seulement lorsque le salarié victime a lui-même commis une faute inexcusable, au sens de l'article L. 453-1 du même Code ; que présente un tel caractère la faute volontaire du salarié, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ;

Et attendu que la cour d'appel, devant laquelle aucune faute n'était alléguée à l'encontre du salarié, a, sans encourir les griefs du moyen, exactement fixé au maximum le montant de la rente ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Saint-Gobain PAM aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-30917
Date de la décision : 27/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), 10 juin 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 27 jan. 2004, pourvoi n°02-30917


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.30917
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award