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21/01/2004 | FRANCE | N°02-44873

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 janvier 2004, 02-44873


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., et plusieurs salariés de l'ADAPEI, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, en paiement notamment d'heures supplémentaires et d'heures de nuit passées en chambre de veille ;

Sur le second moyen :

Attendu que les salariés font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes en paiement de rappels de salaire au titre des heures de nuit en chambre de veille, alors, selon le moyen, que l'article L. 212-4, dernier ali

néa du Code du travail dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 19 jan...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., et plusieurs salariés de l'ADAPEI, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, en paiement notamment d'heures supplémentaires et d'heures de nuit passées en chambre de veille ;

Sur le second moyen :

Attendu que les salariés font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes en paiement de rappels de salaire au titre des heures de nuit en chambre de veille, alors, selon le moyen, que l'article L. 212-4, dernier alinéa du Code du travail dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 19 janvier 2000 stipule qu'"une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction, soit par décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat ; que ces périodes sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs" ; que ces nouvelles dispositions contenues dans la loi du 19 janvier 2000 n'étaient donc pas immédiatement applicables mais supposaient l'intervention d'un décret qui, en l'espèce, n'a été pris que le 31 décembre 2001 ; qu'en décidant malgré tout que les dispositions de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 étaient d'application immédiate au jour de la publication de la loi, la cour d'appel d'Orléans a nécessairement violé les dispositions de l'article L. 212-4, dernier alinéa dans leur rédaction issue de l'article 3 de la loi du 19 janvier 2000 ;

Mais attendu que si, en principe, le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice en vue d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ;

Et attendu qu'obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées ; que, par ce motif substitué, la décision de la cour d'appel de faire application de l'article 29 de la loi n 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige se trouve légalement justifiée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 14 et 18 de l'accord-cadre du 12 mars 1999 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées relevant de la convention collective du 15 mars 1966 et l'article L. 212-1 bis du Code du travail ;

Attendu que, pour débouter les salariés de leur demande en paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel énonce qu'il résulte de l'intitulé même de l'indemnité de réduction du temps de travail, du 1er alinéa, de l'article 18, dont il résulte qu'elle a pour objet "le maintien du salaire lors de la réduction de la durée du travail", du 5ème alinéa de cet article, ainsi libellé : "Cette disposition (qui vise l'ensemble de l'article et donc l'indemnité litigieuse prend effet à compter de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans l'entreprise ou l'établissement", de l'article 17 qui vise le maintien "après passage aux 35 heures", que cette indemnité n'est applicable qu'à compter de la réduction effective de la durée du travail dans l'entreprise ou l'établissement, et non à la date à laquelle la durée du travail est, légalement et aux termes de l'accord, réduite à 35 heures ; qu'elle est en effet destinée à assurer le maintien des salaires, garanti par l'accord ; que l'ADAPEI, qui a continué de faire travailler ses salariés 39 heures par semaine après le 1er janvier 2000, dans l'attente de la conclusion d'un accord sur la réduction du temps de travail en son sein, ce qui n'est pas en soi critiqué, ne pouvait donc réduire leur salaire correspondant à ces 39 heures ; que l'indemnité litigieuse, destinée à assurer le maintien des salaires, était dès lors sans objet ; que cette indemnité n'était pas due avant la mise en vigueur de l'accord propre à l'ADAPEI, et organisant la réduction effective de la durée du travail ; que l'article 14 de l'accord, reprenant les dispositions légales, et fixant la durée du travail à 35 heures à compter du 1er janvier 2000 au sein des entreprises de plus de vingt salariés, ce qui était le

cas de l'ADAPEI, n'empêchait pas cet organisme, comme indiqué ci-dessus, de continuer à faire effectuer 39 heures à ses salariés, mais avait pour conséquence que les heures faites au-delà de 35 heures, qui ont bien été payées, puisque le salaire est resté le même, devenaient des heures supplémentaires, mais ne donnaient lieu qu'à la bonification de 10 %, donnée sous forme de repos, prévue par l'article 5 V de la loi du 19 janvier 2000, ces heures ne concernant que l'année 2000 ;

Attendu, cependant, qu'en l'état d'un accord collectif fixant la durée du travail à 35 heures et prévoyant le versement d'une indemnité de réduction du temps de travail pour maintenir le salaire à son niveau antérieur, les salariés, qui ont continué à travailler pendant 39 heures par semaine, ont droit à cette indemnité et au paiement des heures accomplies au-delà de 35 heures, majorées de la bonification alors applicable ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'application des textes susvisés à compter du 1er janvier 2000 n''est pas subordonnée à la conclusion d'un accord d'entreprise prévu en cas d'anticipation, avant cette date, de la réduction du temps de travail, ni à la mise en oeuvre effective dans l'entreprise ou l'établissement de la réduction du temps de travail, et alors qu'elle avait constaté que les salariés, employés dans des entreprise de plus de vingt salariés, avaient continué à travailler 39 heures par semaine, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 16 mai 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02-44873
Date de la décision : 21/01/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), 16 mai 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jan. 2004, pourvoi n°02-44873


Composition du Tribunal
Président : Président : M. FINANCE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.44873
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