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21/01/2004 | FRANCE | N°02-14525

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 janvier 2004, 02-14525


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Chambre nationale des huissiers de justice et à la SCP Marie-Louise Polidori, huissier de justice de leur intervention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Jean-Paul X..., cessionnaire des droits de M. X... sur un modèle de lunettes, a été autorisée par ordonnance à faire pratiquer saisie contrefaçon dans un magasin exploité par la société Pier Import Europe (la société Pier Import), ou dans tous autres locau

x, notamment au siège de cette société ; que l'huissier mandaté pour l'exécution de...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Chambre nationale des huissiers de justice et à la SCP Marie-Louise Polidori, huissier de justice de leur intervention ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Jean-Paul X..., cessionnaire des droits de M. X... sur un modèle de lunettes, a été autorisée par ordonnance à faire pratiquer saisie contrefaçon dans un magasin exploité par la société Pier Import Europe (la société Pier Import), ou dans tous autres locaux, notamment au siège de cette société ; que l'huissier mandaté pour l'exécution de cette ordonnance s'étant rendu, le 15 septembre 1998, dans le magasin ainsi désigné, y a saisi une paire de lunettes ainsi qu'une facture, et a clôturé son procès-verbal le jour même ; qu'il a effectué d'autres opérations, le 22 septembre 1998, au siège de la société Pier Import ; que M. X..., revendiquant sa qualité de créateur de ce modèle de lunettes, la société Jean-Paul X..., et la société Gaulme, titulaire d'une licence d'exploitation, ont par la suite poursuivi la société Pier Import et son fournisseur, la société Berthet-Bondet, en contrefaçon et concurrence déloyale, pour avoir proposé à la vente des lunettes reproduisant ce modèle ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que M. X... et la société Jean-Paul X... font grief à l'arrêt d'avoir annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé les 15 et 22 septembre 1998 par la SCP d'huissier Polidori, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que M. X... et les sociétés Jean-Paul X... et Gaulme avaient été autorisés à faire procéder à la saisie contrefaçon au magasin Pier Import de la rue de Rivoli ou dans tous autres lieux sis dans le ressort de ce tribunal, et notamment au siège social de la société Pier Import Europe, situé 25 avenue Marceau, 75116 Paris, ce qui signifiait que l'ordonnance, qui permettait à l'huissier de justice d'intervenir en deux endroits différents, ne comportait pas de limitation de durée ; qu'il s'ensuit que l'huissier de justice, qui pouvait exécuter des opérations successives dans un laps de temps raisonnable, avait la possibilité, après être intervenu le 15 septembre 1998 rue de Rivoli au magasin Pier Import, de se rendre le 22 septembre 1998, sans nouvelle autorisation, au siège social avenue Marceau ; qu'en estimant le contraire pour annuler le procès-verbal de saisie contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle et l'autorité de chose jugée attachée à l'autorisation de saisie ;

2 / que l'huissier de justice étant intervenu en deux endroits différents, c'est-à-dire en deux temps, il lui appartenait, après les premières opérations effectuées rue de Rivoli, de procéder à la clôture

-au demeurant purement formelle- du premier procès-verbal du 15 septembre 1998, puis, poursuivant ses opérations au siège de la société avenue Marceau, d'établir à la date du second transport, soit le 22 septembre 1998, la suite du procès-verbal établi le 15 septembre 1998 ; qu'en annulant le procès-verbal de saisie contrefaçon des 15 et 22 septembre 1998, au motif que le premier procès-verbal avait été clôturé et que, dès lors, le second transport nécessitait une nouvelle autorisation, la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

3 / qu'il résulte du procès-verbal litigieux que la "clôture" du procès-verbal du 15 septembre 1998 constitue la clôture des constatations effectuées au magasin Pier Import, et non la clôture des opérations ; que la "suite du procès-verbal établi le 15 septembre 1998" indique que l'huissier de justice "poursuit ses opérations conformément à l'ordonnance du 10 septembre 1998", et que ce n'est qu'à l'issue des opérations du 22 septembre 1998 que l'huissier écrit "mes investigations étant terminées, et n'ayant plus rien à constater, j'ai clôturé le présent procès-verbal à 17 heures pour servir et valoir ce que de droit" ; qu'il en résulte clairement que la clôture des opérations a eu lieu le 22 septembre 1998 ; que la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas fondé l'annulation contestée sur le délai séparant les deux procès-verbaux, dont elle se borne à constater par motif non décisoire qu'il a été de sept jours, mais sur l'absence d'autorisation de seconde saisie ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt constatant que l'ordonnance d'autorisation ne portait que sur une seule saisie, et que l'huissier avait clôturé, et non pas suspendu, ses opérations le 15 septembre 1998, a exactement tiré les conséquences des termes clairs et précis du procès-verbal dressé à cette date pour en déduire que les opérations du 22 septembre 1998 constituaient une seconde saisie, pratiquée sans autorisation ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé en ses deuxième et troisième branches ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. X... et la société Jean-Paul X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Pier Import et Berthet Bondet, alors, selon le moyen, que l'exploitation d'un modèle dont on détient les droits d'auteur peut se faire, pour l'auteur, sous la forme d'une cession de ses droits patrimoniaux à un tiers, et pour ce tiers, sous la forme d'une licence confiée à une autre société ; que la société Jean-Paul X..., qui démontrait, par la production du contrat de cession du 1er juillet 1992, qu'elle était cessionnaire des droits patrimoniaux sur les modèles de lunettes créés par Jean-Paul X..., produisait les contrats de licence conclus avec la société Muraï, démontrant ainsi qu'elle exploitait ces modèles par l'intermédiaire de cette société à laquelle elle avait concédé une licence de fabrication et de distribution des modèles de lunettes, sous sa direction et son contrôle ; qu'en déboutant M. X... et la société Jean-Paul X... de leur action en concurrence déloyale au motif qu'ils n'établissaient pas exploiter le modèle de lunettes litigieux, sans rechercher si les demandeurs en concurrence déloyale ne devaient pas être considérés comme exploitant les modèles par l'intermédiaire de la société Muraï, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil, L. 111-1 et L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que M. X... et la société X... n'ayant pas soutenu que le contrat de licence d'exploitation conclu avec la société Muraï les habilitait à agir en réparation du trouble subi par leur co-contractant dans l'exploitation des droits concédés, le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler "le procès-verbal de saisie contrefaçon dressé les 15 et 22 septembre 1998", l'arrêt retient que l'ordonnance d'autorisation ne valant que pour une seule saisie, et l'huissier de justice ayant clôturé son procès-verbal le 15 septembre 1998, il ne pouvait reprendre ses opérations, le 22 septembre 1998, sans nouvelle autorisation ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir décidé que les opérations successivement retracées par les procès-verbaux correspondaient à des saisies distinctes, la cour d'appel, en annulant la première de ces saisies en raison d'un vice n'atteignant que la seconde, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter l'action de M. X... et de la société Jean-Paul X... en contrefaçon de modèle, au motif que la preuve n'est pas rapportée que M. X... en est l'auteur, l'arrêt retient que ces lunettes n'ont pas été divulguées sous le nom de la société Jean-Paul X..., mais sous celui de la société Muraï, que le fait qu'elles portent les marques "X..." ou "JPG" est sans incidence sur le litige, étranger aux dites marques, qui ne sont pas reproduites sur les lunettes arguées de contrefaçon, et que le catalogue "JPG Paris by X..." est diffusé, non pas par la société Jean-Paul X..., mais par la société Muraï, dont le nom et les adresses figurent au dos de ce catalogue ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Muraï n'avait diffusé le modèle que sous le nom de la personne physique et du cessionnaire de ses droits, qui agissaient ensemble en contrefaçon à l'encontre d'un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles L. 122-1 et L. 122-7 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter encore l'action de M. X... et de la société Jean-Paul X... en contrefaçon de modèle, au motif que la preuve n'est pas rapportée que M. X... en est l'auteur, l'arrêt relève que ceux-ci ne peuvent prétendre justifier des droits de la société Jean-Paul X... par la production des contrats de cession d'exploitation des créations et marques de cette société à la société Muraï, alors qu'ainsi que le relève justement la société Pier Import, ces contrats sont tronqués et qu'en particulier leurs articles 5 relatifs au nom du créateur ne sont pas produits, étant relevé que s'il est donné une explication sur les raisons de confidentialité qui ont amené M. X... à ne pas révéler son salaire, tel n'est pas le cas s'agissant des clauses relatives au nom du créateur, et que devant la cour d'appel, M. X... et les société Jean-Paul X... et Gaulme ne se prévalent plus du fax qui leur avait été adressé par la société Muraï et qui était versé aux débats en première instance, lequel en toute hypothèse ne donne aucun renseignement sur l'auteur de l'esquisse reçue par la société Muraï, observation faite que ce document est produit sans les trois annexes auxquelles il se réfère expressément ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans examiner, comme l'y invitaient les conclusions de M. X... et de la société Jean-Paul X..., la portée des clauses du contrat par lequel la société Muraï s'engageait à ne fabriquer et vendre sous la marque couverte par licence que des articles conçus par la société Jean-Paul X... et exécutés conformément à ses directives et sous son contrôle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le procès-verbal de saisie du 15 septembre 1998, et rejeté l'action en contrefaçon de modèle intentée par M. X... et la société Jean-Paul X..., l'arrêt rendu, 15 mars 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Berthet-Bondet et la société Pier Import Europe aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-14525
Date de la décision : 21/01/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (4e chambre civile, section B), 15 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jan. 2004, pourvoi n°02-14525


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.14525
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