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21/01/2004 | FRANCE | N°01-00961

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 janvier 2004, 01-00961


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Achard que sur le pourvoi provoqué relevé par la société AGF ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 septembre 2000), que, le 12 avril 1991, la direction des travaux du génie de Strasbourg de la sixième région militaire a conclu un marché avec la société Cegelec portant sur la réfection des réseaux d'adduction d'eau de la base aérienne de Drachenbronn ; que la société C

egelec a adressé le 30 mai 1991 une demande de prix portant sur des tubes galvanisés e...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Achard que sur le pourvoi provoqué relevé par la société AGF ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 27 septembre 2000), que, le 12 avril 1991, la direction des travaux du génie de Strasbourg de la sixième région militaire a conclu un marché avec la société Cegelec portant sur la réfection des réseaux d'adduction d'eau de la base aérienne de Drachenbronn ; que la société Cegelec a adressé le 30 mai 1991 une demande de prix portant sur des tubes galvanisés en acier de diverses dimensions et correspondant soit à la norme française NF A 49112, soit à la norme NF A 49115, à la Société phocéenne de métallurgie (la Société phocéenne) ; que, le 5 juin 1991, la Société phocéenne a adressé une offre de prix pour un montant global de 200 000,15 francs ; que, le 28 juin 1991, la société Cegelec a verbalement passé commande, sur la base de cette offre de prix, à la Société phocéenne qui, le même jour, a adressé à la société Cegelec une confirmation écrite de la commande pour 200 000 francs ; que la Société phocéenne a confié à la société Achard la galvanisation des tubes qui ont été livrés le 23 juillet 1991 ; que, le 24 juillet 1991, la société Cegelec a confirmé la commande à la Société phocéenne par un écrit comportant la mention manuscrite "Galvanisation à chaud selon norme NF A 35503" ;

que, des désordres, notamment l'écaillage de la couche de protection, étant apparus sur les tubes mis en place par la société Cegelec, l'Armée de l'air a exigé le remplacement de la totalité des tubes ; que la société Cegelec a alors judiciairement demandé que la Société phocéenne, devenue la société Genoyer, soit déclarée responsable et condamnée à réparer son préjudice ; que la société Genoyer a appelé en garantie la société Achard et ses assureurs, la compagnie Gan et la compagnie AGF ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société Achard fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir à concurrence de la moitié la société Genoyer pour toutes les condamnations prononcées contre elle en réparation du préjudice causé par le vice des tubes galvanisés par elle, alors, selon le moyen :

1 ) que la norme NF A 35503, objet du contrat entre la société Achard et la société Genoyer, n'impose pas au galvanisateur de se faire préciser les teneurs en silicium et en phosphore avant la conclusion du contrat ; que la norme NF A 91121 applicable dans les rapports précontractuels litigieux précise au contraire qu'"en cas de doute sur l'aptitude à la galvanisation d'un acier en l'absence de document certifiant la conformité de l'acier, il est conseillé au client de consulter le galvanisateur et si cela est nécessaire de lui soumettre des échantillons des produits à revêtir" ; qu'en se bornant à se fonder sur la norme NF A 49700 selon laquelle "il appartient au galvaniseur de se faire préciser ces teneurs (en silicium et en phosphore) à l'appel d'offres et à la commande et d'adapter son procédé en fonction de ces teneurs", sans rechercher si la norme NF A 35503 imposait au galvanisateur de se faire renseigner préalablement à la commande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

2 ) que la cour d'appel avait relevé en l'espèce que "la Société phocéenne a confirmé sa commande de galvanisation à chaud, dans un fax manuscrit du 28 juin 1991 qui ne faisait référence quaux normes de galvanisation NF A 91121 et 122, sans aucune mention de la norme des tubes en acier livrés ; que ce n est que dans la commande dactylographiée du 3 juillet 1991 (le délai de la livraison étant fixé à cette même date dans le fax manuscrit du 28 juin 1991) que la norme NF A 49112 est indiquée par la Société phocéenne" ; qu'ainsi logiquement, la société Achard ne pouvait prévenir la société Genoyer au moment de la conclusion du contrat, c'est-à-dire au moment de la commande du 28 juin 1991 qu'elle n'était pas équipée pour traiter ce type d'acier ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;

3 ) qu'en se bornant à énoncer qu'il appartenait à la société Achard de prévenir que les tubes correspondant à la norme NF A 49112 comportaient par définition une teneur en silicium trop élevée pour le procédé qu'elle utilisait sans rechercher si au moment de la période précontractuelle, la société Achard pouvait savoir que les tubes qui seraient livrés correspondraient à la norme NF A 49112, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

4 ) que l'obligation précontractuelle d'information est appelée à jouer chaque fois que l'une des parties se fie à la compétence de l'autre dans un domaine où elle est elle-même normalement incompétente ; que la cour d'appel ayant préalablement constaté que "la Société phocéenne qui a fait procéder à la galvanisation des tubes en acier ne pouvait ignorer le contenu des normes de galvanisation qui insistent toutes, aussi bien la norme NF A 49700 que les normes NF A 91121 et NF A 91122 et NF A 35503, sur l'importance à attacher à la composition chimique de l'acier pour la qualité de la galvanisation ; qu'il lui appartenait donc de consulter le galvanisateur et de sassurer auprès de lui que la méthode employée par ce dernier, tenait compte de la composition chimique des tubes commandés", ne pouvait imposer à la société Achard de prévenir la Société phocéenne sur les teneurs en silicium et en phosphore des aciers dont la galvanisation était demandée et d'attirer son attention sur la mention NF A 35503 et sur son sens sans violer les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;

5 ) que l'obligation contractuelle d'information à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés ; que la cour d'appel ayant préalablement constaté que "la Société phocéenne qui a fait procéder à la galvanisation des tubes en acier ne pouvait ignorer le contenu des normes de galvanisation qui insistent toutes, aussi bien la norme NF A 49700 que les normes NF A 91121 et NF A 91122 et NF A 35503, sur l'importance à attacher à la composition chimique de l'acier pour la qualité de la galvanisation ; quil lui appartenait donc de consulter le galvanisateur et de sassurer auprès de lui que la méthode employée par ce dernier, tenait compte de la composition chimique des tubes commandés", elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en reprochant à la société Achard de ne pas avoir mis en garde son cocontractant en cours d'exécution du contrat et ainsi violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'obligation de conseil à laquelle est tenu un fabricant à l'égard de son client lui impose de s'informer des modalités d'exécution du travail qui lui est demandé ; qu'ayant retenu que la société Achard était spécialiste de la galvanisation et qu'elle aurait dû, à ce titre, interroger la Société phocéenne sur les teneurs en silicium et en phosphore des aciers dont la galvanisation était demandée et la prévenir qu'elle n'était pas équipée pour traiter les aciers en cause, l'interroger sur la norme des aciers et la prévenir que les tubes correspondant à la norme NF A 49 112 comportaient une teneur en silicium trop élevée pour le procédé qu'elle utilisait, et enfin attirer son attention sur le risque de galvanisation imparfaite des tubes ne correspondant pas à la norme NF A 35 503, la cour d'appel, qui a constaté que cette société n'avait commencé à évoquer la teneur en silicium des tubes litigieux que dans son courrier du 26 décembre 1991, a pu, sans rechercher les obligations susceptibles de résulter de la norme NF A 35 503, décider que la responsabilité de la société Achard était engagée vis-à-vis de la Société phocéenne pour ne pas l'avoir mise en garde sur le risque de galvanisation imparfaite des tubes ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en ses deux branches :

Attendu que la compagnie AGF fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle devait sa garantie à la société Genoyer en vertu de sa police d'assurance responsabilité pour toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle à partir de 2 500 000 francs, alors, selon le moyen :

1 ) qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Cegelec a adressé à la Société phocéenne de métallurgie le 30 mai 1991, une demande de prix portant sur des tubes galvanisés en acier correspondant, soit à la norme NF A 49112, soit à la norme NF A 49115, en faisant également référence à la norme de galvanisation NF A 49700 ;

que la Société phocéenne de métallurgie a répondu, le 5 juin 1991, en faisant une offre de prix, à la suite de quoi, le 28 juin 1991, la société Cegelec lui a passé commande sur cette base ; que l'acier correspondant à la norme NF A 49112, qui a une teneur importante en silicium, peut être galvanisé selon la norme 49700, mais que la société Achard, à qui la Société phocéenne a confié la galvanisation des tubes d'acier, n'est pas équipée pour réaliser ce traitement ; que les tubes ont donc été galvanisés selon une méthode ne convenant pas au type d'acier commandé ; qu'ils ne sont pas conformes à la norme NF A 49700, en raison du manque d'adhérence de la galvanisation dû au taux élevé de silicium ; qu'en affirmant néanmoins que la clause d'exclusion de garantie en cas de "non-conformité (...) au regard des caractéristiques de la commande" dont se prévalait la compagnie AGF, assureur en deuxième ligne de la Société phocéenne de métallurgie, devenue société Genoyer, n'était pas applicable puisque les tubes en acier galvanisé livrés par cette société étaient conformes à la commande de la société Cegelec, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

2 ) qu'en omettant de répondre aux conclusions de la compagnie AGF, qui faisait valoir que sa garantie était limitée à un plafond de 5 000 000 FF par sinistre, en complément ou après épuisement de la garantie du GAN de 2 500 000 FF par sinistre et par an, la cour d'appel, qui n'a pas précisé la limite de la garantie à laquelle elle a condamné les AGF, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que la Société phocéenne avait reçu de la société Cegelec une commande de tubes galvanisés correspondant aux normes NF A 49 112 et 49 115, la norme NF A 49 700 correspondant à une norme de galvanisation ; qu'ayant constaté que les analyses en laboratoire avaient conclu que les tubes livrés par la Société phocéenne correspondaient bien aux normes NF A 49 112 et 49 115, la cour d'appel a pu admettre que ces tubes étaient conformes à la commande de la société Cegelec ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que la police d'assurance responsabilité civile contractée auprès des AGF répond aux mêmes conditions de garantie et d'exclusion que l'assurance première ligne du Gan ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi provoqué ;

Condamne la société Achard et la compagnie AGF aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Achard à payer à la société Cegelec la somme de 2 250 euros et à la société Genoyer la somme de 1 500 euros, la compagnie AGF à payer à la société Genoyer la somme de 1 500 euros ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie AGF ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-00961
Date de la décision : 21/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section B), 27 septembre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jan. 2004, pourvoi n°01-00961


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.00961
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