AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte de ce que M. X..., en date du 5 novembre 2003, reprend la procédure suivie par la société Trans Inter Pickup, en sa qualité de liquidateur judiciaire ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 mars 2000) que la Caisse d'Epargne de Champagne-Ardenne (la Caisse) a accepté le 21 février 1994 de consentir à la société Trans Inter Pickup (la société TIP) un prêt, sous condition notamment d'une lettre d'intention de sa société-mère Egetra, selon modèle qu'elle communiquerait, pour acquérir un matériel auprès de la société Daf ; qu'elle a reçu de la société-mère Egetra le 10 mai une lettre d'intention qu'elle a refusée en jugeant l'engagement insuffisant ; que la société Champex, devenue la filiale à 99 % de la Caisse a proposé à la société TIP le 27 juin un modèle de lettre d'intention à faire signer par sa société-mère Egetra ; que le 3 juillet, celle-ci transmettait une lettre d'intention non conforme au modèle proposé et non autorisée par son conseil d'administration ; que le 23 juillet, la société Champex informait la société TIP qu'elle constatait l'absence des conditions requises pour accorder ledit financement et que, faute d'obtenir au plus tard le 4 août une lettre d'intention strictement conforme au modèle transmis, son offre serait caduque ; que la société-mère Egetra a refusé de souscrire une telle lettre ; que la société TIP a vainement mis en demeure la Caisse de régulariser le contrat de crédit au vu de la lettre d'intention rédigée initialement par la société-mère Egetra ;
Attendu que la société TIP fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner la Caisse à lui payer la somme de 8 000 000 de francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial subi, alors selon le moyen :
1 / que la révocation tardive d'une offre de prêt motivée par le refus de la société-mère de l'emprunteur d'accepter de consentir des garanties différentes de celles qui assortissaient l'offre initiale engage la responsabilité de la banque lorsque l'emprunteur s'est engagé à l'égard des tiers comme croyant légitimement à l'existence d'un accord définitif sur le principe et les conditions du financement et que par ailleurs la banque a elle-même confirmé l'accord de crédit à ces tiers de sorte qu'en considérant que la Caisse d'épargne pouvait librement, au stade pré-contractuel, refuser de consentir un prêt à la société TIP, faute pour son actionnaire principal, la société Egetra, de s'engager à garantir l'exécution du contrat au moyen d'un cautionnement autorisé par le conseil d'administration, bien que l'établissement ait lui-même confirmé l'accord portant sur le crédit à la société Daf et que la lettre d'intention prévue initialement constituait un engagement d'une nature juridique différente n'exigeant pas l'autorisation du conseil d'administration, les juge du fond ont violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2 / qu'en décidant qu'il ne saurait être fait grief à la Caisse d'Epargne Champagne Ardenne de ne pas avoir rapidement transmis son modèle de lettre d'intention ou celui de la société Champex, dès lors que la société Egetra avait persisté à souscrire une lettre d'intention non conforme au modèle "lorsque celui-ci lui a été communiqué", bien que le retard de quatre mois dans la communication du modèle de lettre d'intention après la confirmation de l'octroi du crédit à la société Daf Truck caractérisait la légèreté blâmable de la Caisse d'Epargne Champagne Ardenne, source de responsabilité à l'égard de l'emprunteur, les juges du fond ont violé les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu, que l'arrêt relève que la Caisse a informé la société venderesse Daf de son acceptation de financement seulement sous condition, qu'il retient que la demande d'autorisation du conseil d'administration de la société-mère Egetra n'avait pas pour effet de modifier mais seulement de préciser la nature, la portée et l'étendue de l'engagement contenu dans la lettre d'intention requise dès l'origine sans qu'elle fut néanmoins assimilée à un cautionnement proprement dit, s'agissant toujours d'une garantie avec obligation de résultat au sens de l'article 98 précité de la loi du 24 juillet 1966, qu'il retient encore que la société TIP ne saurait faire grief à la Caisse de ne pas lui avoir rapidement transmis son modèle de lettre d'intention ou celui de la société Champex devant finalement consentir le crédit, dès lors qu'elle a persisté à souscrire une lettre d'intention non conforme au modèle lorsque celui-ci lui a été communiqué et que force est de constater qu'elle a contre toute prudence commandé des tracteurs et remorques avant d'avoir "bouclé" son financement ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Trans Inter Pickup aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatre.