AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et le second moyen, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 septembre 2001), que le 30 novembre 1988, la SCI de la vallée de Quincampoix (la SCI) a donné à bail à la société Cotentin organisation (la société) un hall d'exposition ; que par acte du 10 janvier 1989, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Manche (la banque) a consenti un prêt à la société pour financer des travaux de mise aux normes de sécurité ; que le remboursement de ce prêt était notamment garanti par la caution hypothécaire de la SCI et la caution solidaire de M. et Mme X... ;
que la SCI puis la société ayant été chacune mises en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. X... en exécution de son engagement de caution ; que par arrêt du 24 mai 1994, la cour d'appel a confirmé le jugement du 22 mars 1993 condamnant M. X... à payer une certaine somme à la banque en exécution de son cautionnement ; que M. et Mme X... ont assigné la banque pour être déchargés de leurs engagements de caution en application de l'article 2037 du Code civil en reprochant à l'établissement de crédit d'avoir renoncé au bénéfice de sa caution hypothécaire sur l'immeuble de la SCI ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande alors selon le moyen :
1 / que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'en déduisant la renonciation des époux X... à se prévaloir de leurs droits hypothécaires, en tant que cautions subrogées dans les droits de leur créancier, de ce qu'ils n'avaient pas formé d'opposition ou de tierce opposition contre la décision du juge commissaire ayant autorisé la vente de gré à gré de l'immeuble ainsi qu'ils y auraient eu intérêt, en vertu d'ailleurs d'une qualité différente de celle qui fondait leur action, et en déclarant en conséquence irrecevables leurs demandes tendant au bénéfice de l'article 2037 du Code civil, la cour d'appel qui n'a pas constaté, en relevant cette inaction, d'actes impliquant de leur part une volonté non équivoque d'accepter la vente dans les conditions où elle s'est fait, a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / qu'en relevant d'elle-même, sans provoquer à ce sujet les explications des parties, qu'en leur qualité de cautions de la SCI, subrogées dans les droits de leur créancier, du fait de leur condamnation prononcée au profit de celui-ci, qualité qui n'était pas celle dont ils se prévalaient pour fonder leur demande au titre de l'article 2037 du Code civil, les époux X... auraient justifié d'un intérêt pour contester l'ordonnance du juge commissaire ayant autorisé la cession de l'immeuble de gré à gré, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en retenant, pour affirmer leur intérêt à contester cette autorisation, qu'ils étaient au courant de la cession envisagée sans constater qu'ils en connaissaient le prix, qui seul préjudiciait à leurs droits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 2037 du Code civil ;
4 / qu'il revient au créancier, pour ne pas encourir, en vertu de l'article 2037 du Code civil, la déchéance de ses droits contre la caution, d'établir que la subrogation qui est devenue impossible par son inaction ou son fait n'aurait pas été efficace ; qu'ainsi, ayant constaté que la banque avait donné mainlevée de l'hypothèque dont il disposait en vue d'une cession de gré à gré consentie à un prix ne permettant pas de le désintéresser, ce dont il résultait que, nonobstant l'absence de faute de sa part, il encourait la déchéance de son recours contre la caution à concurrence de la valeur des droits dont ce fait l'avait privée, la cour d'appel, en se bornant à relever qu'il n'existait qu'une seule offre d'achat et qu'il n'était pas établi qu'une licitation aurait permis d'obtenir un prix suffisant sans s'expliquer sur la circonstance, invoquée par les cautions, qu'une partie de l'immeuble avait été revendue quelques années après pour un prix de quatre fois supérieur au prix de cession de sa totalité, ni rechercher quelle était la valeur vénale du bien sur son marché à la date de cette cession, a inversé la charge de la preuve et a violé ledit texte ;
Mais attendu que, selon l'article 2037 du Code civil, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que la cour d'appel qui a retenu, par un motif non critiqué, que la banque n'avait commis aucune faute en acceptant la vente de gré à gré de l'immeuble de la SCI autorisée par ordonnance du juge commissaire et en donnant mainlevée amiable de son hypothèque, a par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne solidairement M. et Mme X... à payer à la CRCAM Normand une somme de 1 800 euro ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quatre.