AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° B 03-13.353 et n° K 03-14.649, en raison de leur connexité ;
Attendu que, statuant sur les recours formés par M. X... à l'encontre de trois décisions rendues, en matière disciplinaire, par le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris à la suite de plaintes ou sur demandes du procureur général, l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de procédure invoquées par l'appelant, déclaré non fondées un certain nombre de poursuites exercées à son encontre, dit que les autres faits étaient constitutifs de manquement à l'honneur et prononcé la sanction de l'interdiction temporaire pour une durée de deux ans dont une année assortie du sursis ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° B 03-13.353 formé par M. X... :
Vu l'article 197 du décret du 27 novembre 1991 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, si, dans les deux mois d'une demande de poursuite disciplinaire émanant du procureur général, le conseil de l'Ordre n'a pas statué, la demande est réputée rejetée et le procureur général peut saisir la cour d'appel ; qu'il en résulte que le conseil de l'Ordre qui ne statue pas dans le délai ainsi imparti se trouve dessaisi par sa décision implicite de rejet ;
Attendu qu'en statuant sur les poursuites engagées par le procureur général alors que celui-ci n'avait pas usé de la faculté que lui offrait le texte susvisé, la cour d'appel, qui ne pouvait que constater le caractère non avenu de la décision rendue hors délai par le conseil de l'Ordre, a violé ce texte ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure de mettre fin au litige du chef concerné ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° K 03-14.649, formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris, contestée en défense :
Attendu que devant la cour d'appel, statuant sur recours d'une décision rendue en matière disciplinaire par un conseil de l'Ordre, le procureur général a la qualité de partie principale à l'instance ; que le pourvoi est, dès lors, recevable ;
Sur le premier moyen de ce pourvoi :
Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble, les articles 17, 3 , de la loi du 31 décembre 1971 et 183 du décret du 27 novembre 1991 ;
Attendu que, pour décider que ne pouvaient donner lieu à sanction disciplinaire les faits poursuivis et instruits par le conseil de l'Ordre sous les n° 985018 et 985240, la cour d'appel a considéré que, s'agissant d'écrits produits devant des juridictions, ils devaient bénéficier de l'immunité judiciaire prévue par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que les dispositions du premier de ces textes ne sont pas applicables en matière disciplinaire, la cour d'appel a violé celui-ci par fausse application et les suivants par refus d'application ;
Et, sur le deuxième moyen :
Vu l'article 17, 3 , de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 ;
Attendu que pour déclarer non fondée la poursuite disciplinaire engagée et instruite par le conseil de l'Ordre sous le n° 983319 sur la plainte de M. Y..., l'arrêt attaqué a considéré que ce dernier s'étant désisté de sa plainte il n'y avait pas lieu de maintenir une sanction disciplinaire alors que le principal intéressé, administrateur judiciaire, avait lui-même souhaité une mesure d'apaisement ; qu'en se déterminant par ce motif inopérant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le surplus des griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Constate l'extinction des poursuites disciplinaires engagées par le procureur général ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles pour qu'il soit à nouveau statué sur les poursuites disciplinaires n° 983319, 985018, 985240 et 219259 ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille trois.