AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été arrêté et transféré, le 15 juin 1944, en Allemagne où l'administration allemande l'a affecté dans une usine dans laquelle il a travaillé en qualité de manutentionnaire jusqu'au 30 avril 1945 ; qu'il a fait citer la République Fédérale d'Allemagne (la RFA) devant le conseil de prud'hommes de Fontainebleau pour faire établir l'existence d'un contrat de travail forcé lui ouvrant droit au paiement de salaires et de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 2002) d'avoir, pour déclarer irrecevables ses demandes, examiné le fond de l'affaire en violation de l'article 122 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'immunité de juridiction des Etats étrangers, bien qu'étant de principe, n'est que relative et connait des exceptions ; qu'il en résulte que la juridiction devant laquelle elle est invoquée est dans la nécessité d'en apprécier le bien-fondé au regard du fond du litige pour décider s'il y a lieu d'accueillir ou non cette fin de non-recevoir d'une nature particulière ; que le moyen est dépourvu de pertinence ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il reproche à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la RFA bénéficiait de l'immunité de juridiction alors, selon le moyen, que celle-ci ne peut être invoquée dans une instance se rapportant à un contrat de travail avec l'Etat en cause accompli sur le territoire de ce dernier, de sorte que la cour d'appel a violé "les principes en vigueur et notamment l'article 11 du rapport de la Commission du Droit International sur les travaux de la 43ème session" ;
Mais attendu que c'est à juste titre que la cour d'appel a décidé que les faits qu'elle énonce et consistant à contraindre des personnes requises au titre du service du travail obligatoire, à travailler en pays ennemi, avaient été accomplis à titre de puissance publique occupante par le Troisième Reich, dont la RFA est successeur, et qu'en l'absence de traité auquel la France est partie, ils n'étaient pas de nature à faire échec au principe de l'immunité juridictionnelle de la RFA selon la pratique judiciaire française ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille trois.