AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 octobre 2000), qu'en vertu d'un acte notarié du 8 juin 1989, le Crédit lyonnais (la banque) a consenti une ouverture de crédit de 900 000 francs pour une durée de sept années au profit de M. X... avec affectation hypothécaire de biens immobiliers lui appartenant ; qu'en septembre 1998 la banque, demeurée créancière, a engagé la saisie immobilière de ces biens ; que, par dire, M. X... a soulevé la nullité du prêt et subsidiairement la responsabilité de la banque au motif que le prêt serait notamment hors de proportion avec ses revenus ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir constater la faute commise par la banque et, en réparation du préjudice en résultant, à le voir déchargé de toute somme due au titre de l'ouverture de crédit consentie le 8 juin 1989, ainsi qu'à voir condamner la banque lui payer la somme de 1 000 000 francs de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1 / que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, M. X... soutenait expressément, sans être contredit sur ce point par la banque qui se bornait à objecter qu'il n'avait à sans prendre qu'à lui-même du chef des difficultés de remboursement rencontrées, que l'ouverture de crédit de 900 000 francs par an accordée, prétendument à titre personnel, était disproportionnée par rapport à ses revenus d'un montant de 8 040 francs net mensuels, les intérêts annuels du crédit étant supérieurs auxdits revenus ; que, dès lors, en relevant d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations à ce titre, le moyen tiré de l'existence d'autres ressources que celles dont justifiait M. X... devant elle par la production des bulletins de paye reçus au moment de la conclusion du crédit, comme gérant de la société ADM, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que commet une faute de nature à engager sa responsabilité, le banquier qui consent, maintient et accroît un prêt dont les charges sont excessives au regard des ressources du client, sans l'avoir mis en garde sur l'importance de l'endettement en résultant pour lui ; qu'en l'espèce, M. X... soutenait expressément dans ses conclusions d'appel que la banque avait prorogé plusieurs reprises l'ouverture de crédit annuelle de 900 000 francs accordés, pour la porter à une somme de plus de 1 250 000 francs alors qu'elle savait que cette ouverture de crédit servait au financement de la société ADM en difficultés, qui seule était susceptible d'assurer le remboursement des sommes dues ; que, dès lors, en se bornant, pour rejeter l'action en responsabilité de l'appelant l'encontre de la banque, à se déclarer insuffisamment informée sur les capacités de remboursement de M. X... au jour de la signature du prêt, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'octroi de prorogations successives aboutissant l'augmentation de la dette de l'appelant plus de 1 250 000 francs, en parfaite connaissance de ce que ces ouvertures de crédit servaient, en réalité, à financer les opérations de la société ADM en difficultés, laquelle en assurait, en contrepartie, le remboursement, ne caractérisait pas la faute de la banque, ayant ainsi sciemment provoqué l'aggravation de la situation de son client, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que M. X... s'est contenté de produire, au soutien de ses prétentions, ses bulletins de salaire en sa qualité de gérant de la société ADM et n'a produit ni sa feuille d'imposition ni un état précis de son patrimoine immobilier ; qu'en l'état de ces constatations dont elle a déduit que ces seules allégations ne sauraient suffire à établir le caractère disproportionné du crédit consenti par rapport aux capacités de remboursement, la cour d'appel a souverainement apprécié les éléments et la portée des preuves qui lui étaient soumis, sans méconnaître le principe de la contradiction, et a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant écarté, par ces seuls motifs, le caractére fautif du crédit consenti, le grief tiré de la prorogation du crédit et de son augmentation est inopérant ;
D'où il suit, qu'irrecevable dans sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé dans sa première branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer au Crédit lyonnais la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille trois.