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10/12/2003 | FRANCE | N°00-11201

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 décembre 2003, 00-11201


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Brayne, anciennement dénommée MBGR, que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés SAPEC, Domaxel, Maison conseil et Bricosphère ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 5 novembre 1999), que la société Brayne, anciennement dénommée "Magasins de bricolage gournaysiens réunis" MBGR (la société MBGR) que dirigeait M. X..., exploitait deux magasins, sous les ense

ignes "Bricosphère" et "Maison conseil" ; qu'adhérente de la société coopérative de ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Brayne, anciennement dénommée MBGR, que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés SAPEC, Domaxel, Maison conseil et Bricosphère ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 5 novembre 1999), que la société Brayne, anciennement dénommée "Magasins de bricolage gournaysiens réunis" MBGR (la société MBGR) que dirigeait M. X..., exploitait deux magasins, sous les enseignes "Bricosphère" et "Maison conseil" ; qu'adhérente de la société coopérative de commerçants détaillants SAPEC (la société SAPEC), elle avait pour fournisseur et prestataire de services la société Domaxel achats et services (la société Domaxel) créée par la société SAPEC ; que la société SAPEC a assigné la société MBGR en paiement de factures impayées ;

que sa créance sur la société MBGR a été fixée à la somme globale de 620 827,29 francs, 603 891,21 francs correspondant, après expertise, aux factures impayées et 16 936,08 francs au montant de la cotisation de la société MBGR du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1995 ; que la cour d'appel, après avoir déduit la part de capital de la société MBGR de 37 000 francs, a confirmé le jugement condamnant la société MBGR à payer à la société SAPEC la somme en principal de 583 827,29 francs tout en précisant que la société MBGR restait créancière de la société SAPEC d'une somme de 215 683,85 francs au titre du fonds permanent de participation, du remboursement de l'emprunt obligataire et de l'excédent de blocage ; qu'elle a cependant rejeté la demande de la société MBGR concernant les bonifications de fin d'année de 1994 et celles en paiement de dommages-intérêts sollicitées par les sociétés MBGR et SAPEC ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société MBGR et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société MBGR à payer à la société SAPEC la somme de 583 827,29 francs, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 12, alinéa 2, de la loi 72-652 du 11 juillet 1972, le conseil d'administration peut, pendant cinq ans au plus, conserver tout ou partie des sommes dues à l'ancien associé dans la limite du montant nécessaire à la garantie des obligations dont celui-ci est tenu tant à l'égard de la société qu'à l'égard des tiers et à moins que l'intéressé ne fournisse des sûretés suffisantes ; que la faculté de conserver les sommes dues à l'associé ne peut donc être exercée qu'afin de garantir le paiement des obligations de l'associé envers la société et les tiers, ce qui implique qu'elles doivent être affectées à ce paiement ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la délibération de l'assemblée générale ordinaire de la société SAPEC du 22 juin 1987 ainsi que les articles 1er, alinéa 3, et 2, alinéa 7, de son Règlement intérieur autorisent la société à conserver pendant cinq ans les sommes dues à l'associé indépendamment des obligations pesant sur lui ;

que dès lors, en tenant pour valables la délibération du 22 juin 1987 et les deux premiers articles du Règlement intérieur sur le fondement de l'article 12 de la loi du 11 juillet 1972 et en refusant d'affecter, par le jeu de la compensation, toutes les sommes dont la société SAPEC était débitrice envers la société MBGR au paiement des sommes dont cette dernière était débitrice envers la SAPEC, la cour d'appel a violé l'article 12 de la loi du 11 juillet 1972 ensemble l'article 1290 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la renonciation au jeu de la compensation résulte d'une délibération de l'assemblée générale du 22 juin 1987 de la société SAPEC selon laquelle "le remboursement du capital social et des comptes courants bloqués n'interviendra qu'après l'assemblée qui statuera sur les comptes du cinquième exercice qui suit l'année de la démission, retrait ou exclusion de l'associé", des statuts et du règlement intérieur de la société SAPEC en ses articles 2 et 3, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait dès lors que les parties ont décidé d'un commun accord de recourir au mécanisme de la rétention institué par l'article 12 de la loi du 11 juillet 1972 et que la créance de la société SAPEC était supérieure à celle de la société MBGR ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de reconnaître le droit de la société MBGR à percevoir les bonifications de fin d'année 1994, alors, selon le moyen :

1 / que la société Brayne avait soutenu que la non-distribution de la part des bonifications n'était visée que par l'article 4 du Règlement intérieur en cas de manquement par l'adhérent à son obligation d'information comptable, et non par l'article 5 du Règlement intérieur concernant l'inexécution de ses obligations financières ; que la société Brayne en déduisait l'irrégularité de toute décision du conseil d'administration de la SAPEC tendant à supprimer la distribution des bonifications en cas d'incident de paiement, de sorte que la créance de la société MBGR de ce chef était préservée, dans son existence et dans son exigibilité ; que l'arrêt, en n'examinant pas ce moyen, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la société Brayne avait soutenu, subsidiairement, que la décision du Conseil d'administration en date du 22 mai 1995 privait de la distribution des bonifications les adhérents ayant "commis des incidents de paiement réitérés au cours de l'année 1994" ; que la société Brayne en déduisait que la décision en date du 22 mai 1995 ne pouvait concerner la société MBGR qui n'avait connu en 1994 qu'un seul impayé, de sorte que la créance de la société MBGR de ce chef était préservée, dans son existence et dans son exigibilité ; que l'arrêt, en n'examinant pas ce moyen, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le conseil d'administration de la société SAPEC a pris le 22 mai 1989, à la majorité, la décision de "supprimer la distribution des bonifications de fin d'année à tout adhérent qui provoque un incident de paiement", la cour d'appel qui, sans référence à la décision du 22 mai 1995 dont fait état la seconde branche, a constaté que le 25 août 1994, la société MBGR avait commis un grave incident de paiement pour un montant de 368 836,20 francs, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu que la société MBGR et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en paiement de dommages et intérêts alors, selon le moyen :

1 / que l'article 11 de la loi du 11 juillet 1972 a un caractère impératif ; qu'en vertu de cet article, la suspension de l'exercice des droits que l'associé tient de sa qualité de coopérateur n'a lieu qu'à condition que l'associé soit frappé d'une mesure d'exclusion par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance, que cet associé ait fait appel de cette mesure devant l'assemblée générale, que l'intérêt de la société exige une telle suspension et que celle-ci émane du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ; que l'article 56 du Règlement intérieur autorisant, en cas de récidive dans l'inexécution des obligations financières ou de notification sans résultat, "la Direction (à prononcer la) suspension de tous les services du Groupement sans qu'il soit besoin d'attendre la procédure d'exclusion (conforme à l'article 11 de la loi du 11 juillet 1972), à l'encontre d'un adhérent qui n'est pas frappé d'une mesure d'exclusion, est donc nul car contraire à l'article 11 de la loi du 11 juillet 1972 ; que la cour d'appel, en jugeant, par motifs propres et adoptés, que la suspension provisoire des approvisionnements décidée par un simple mandataire, le 19 janvier 1995, et en dehors de toute procédure d'exclusion, était licite, a violé l'article 11 de la loi 72-652 du 11 juillet 1972 et l'article 6 du Code civil ;

2 / qu'à titre subsidiaire, qu'en vertu de l'article 56 du Règlement intérieur SAPEC, seule la "Direction du Groupement" a reçu du Conseil d'administration le pouvoir de suspendre tous les services au profit de l'adhérent qui n'exécute pas de manière caractérisée ses obligations financières ; qu'une telle clause est ambiguë puisqu'elle peut désigner la direction de la société SAPEC mais aussi les dirigeants des sociétés apparentées à celle-ci ; que la cour d'appel, en se fondant tantôt sur la qualité de M. Y..., "directeur général du groupe SAPEC DOMAXEL, tantôt sur l'apparence d'un mandat donné à celui-ci par la société SAPEC n'a pas procédé à l'interprétation nécessaire et à laquelle la société Brayne l'invitait ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que la suspension des approvisionnements prévue, au règlement intérieur de la société SAPEC en cas de "récidive" d'incidents de paiement par l'article 56, dernier alinéa et 5e alinéa, ne va pas à l'encontre des dispositions de la loi n° 72-652 du 11 juillet 1972 mais en est un complément contractuel accepté par la société MBGR ; qu'il retient également que la référence que fait la société MBGR à l'alinéa 3 de l'article 11 de la loi n'est pas fondée dans la mesure où elle concerne la suspension d'un associé "exclu", ce qui, en l'espèce, n'était pas le cas, la société SAPEC n'ayant jamais notifié d'exclusion à son adhérent ; qu'en l'état de ses constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait dès lors que la sanction a été décidé par "la direction du groupement", le comité de crédit dont faisait partie M. Y... constituant une entité constitutive de la direction dudit groupement ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société MBGR et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société à verser aux sociétés "Bricosphère" et "Maison Conseil" les sommes respectives de 189 656,60 francs et 19 568, 94 francs alors, selon le moyen, que la société Brayne avait soutenu que les sociétés Bricosphère et Maison Conseil avaient elles-mêmes cessé d'exécuter leurs obligations dès le 19 janvier 1995, de sorte qu'elle pouvait leur opposer l'exception d'inexécution ; que la cour d'appel s'est seulement fondée sur la durée normale des conventions et sur les conséquences d'un retrait effectué de plein gré ou d'une exclusion licite ; qu'en statuant ainsi, sans examiner le moyen présenté par la société Brayne, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en faisant référence aux statuts de la société SAPEC et en rappelant le principe de l'obligation au paiement des cotisations jusqu'à la fin de l'exercice du retrait, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses quatre branches :

Attendu que les sociétés SAPEC, Domaxel, Maison conseil et Bricosphère font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'indemnisation de la société Sapec au titre du préjudice résultant du retrait de la société MBGR, alors, selon le moyen :

1 / qu'en matière contractuelle, le dommage est impliqué dans l'inexécution de l'obligation et se trouve constitué et suffisamment caractérisé par cette seule circonstance ; qu'en outre, si l'obligation est de ne pas faire, celui y contrevenant doit réparation par le seul fait de la contravention ; que le juge d'appel a constaté qu'en rompant de façon brutale et impromptue toute relation avec la société SAPEC, la société MBGR a engagé sa responsabilité ; que cette responsabilité est d'autant plus encourue que M. X... est passé immédiatement au service de la concurrence et qu'aucun délai de prévenance n'a été observé ; qu'eu égard à l'obligation essentielle de coopération et de respect de la procédure de retrait, l'attitude de la société MBGR constitue une inexécution contractuelle causant nécessairement et en soi un préjudice à la SAPEC ; qu'en déboutant néanmoins celle-ci au motif que son préjudice n'est pas avéré, le juge d'appel a violé les articles 1142, 1143, 1145, 1147 et 1732 du Code Civil ;

2 / qu'au demeurant, le juge doit motiver sa décision et recourir à des constatations de fait pertinentes ; qu'à le supposer réduit du fait des difficultés financières de la société MBGR, le courant d'affaires résultant de l'adhésion de cette société n'était pas inexistant ; qu'en conséquence, la société SAPEC a nécessairement été privée d'un courant d'affaires suite au brusque départ de la société MBGR ; qu'en refusant d'allouer la moindre indemnité à la société SAPEC au motif que celle-ci ne pouvait espérer pouvoir maintenir le courant d'affaires initial, le juge a déduit un motif dépourvu de valeur et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

3 / que la société MBGR a manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant de faire état de ses difficultés financières et de collaborer avec la société SAPEC ; que cette absence d'information a mis la coopérative devant le fait accompli brusquement privée de la perspective d'un courant d'affaires initial et constant ; que, de ce fait, la société SAPEC a subi un préjudice ; qu'en déboutant la société SAPEC au motif que les difficultés financières de la société MBGR ne pouvaient permettre un maintien de l'encours initial, le juge a déduit un motif dépourvu de valeur et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

4 / qu'appréciant la responsabilité contractuelle du débiteur défaillant, le juge du fond doit examiner l'ensemble des manquements invoqués à titre d'inexécution contractuelle ; que la société SAPEC faisait non seulement état du manquement aux statuts et au règlement intérieur mais également de la violation manifeste de l'accord-cadre conclu le 11 avril 1995 ; qu'à la demande même de M. X..., l'exécution de cet accord était différée d'un mois, soit au 11 mai 1995 ; qu'avant cette échéance, M. X... a décidé de quitter le groupement SAPEC et est entré, avec sa société, au sein d'un groupement concurrent ; que du seul fait de cette inexécution contractuelle, M. X... et la société MBGR ont nécessairement engagé leur responsabilité et causé un préjudice à la SAPEC ; qu'en s'abstenant d'apprécier l'inexécution de ce protocole d'accord et la mauvaise foi manifeste dont a fait preuve M. X... et en se bornant à prendre acte de l'absence de préjudice résultant d'une privation d'un courant d'affaires, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir retenu le principe de la responsabilité de la société MBGR dans la rupture des relations contractuelles, c'est souverainement et par une décision motivée que la cour d'appel a décidé que la société SAPEC ne démontrait pas l'existence du préjudice qu'elle invoquait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette tant le pourvoi principal que le pourvoi incident ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des sociétés SAPEC, Domaxel, Maison conseil et Bricosphère ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-11201
Date de la décision : 10/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (2e chambre civile), 25 novembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 déc. 2003, pourvoi n°00-11201


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.11201
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