AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Nîmes, 13 octobre 1999), rendu en matière de référé, que M. X... a constitué en 1993 une société unipersonnelle à responsabilité limitée dénommée Centre international de protection et service (la société CIPS) au capital de 50 000 francs divisé en 500 parts ; que par acte notarié du 2 octobre 1995, M. X... a cédé 250 parts et une part du capital de cette société, respectivement à Mmes Denise et Jacqueline Y... ; que la société CIPS a été mise en liquidation judiciaire le 22 mai 1996 ; que soutenant que la cession de parts de la société lui avait été consentie sur la base du "bilan trompeur" de l'exercice 1994 et que M. X... aurait détourné l'actif de la société au profit d'une nouvelle société gérée par son épouse, Mme Denise Y... a fait assigner M. X... devant le président du tribunal de grande instance, statuant en matière de référé et a sollicité la désignation dun expert avec pour mission d'examiner tous documents comptables et financiers utiles à la manifestation de la vérité, décrire et analyser tous les mouvements de comptes et de dire si M. X... avait détourné l'actif de la société ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir reconnu la compétence du président du tribunal de grande instance, alors, selon le moyen :
1 / que la convention qui a pour objet l'organisation de la société commerciale en transférant son contrôle, est un acte commercial et relève de la compétence des tribunaux de commerce ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui avait retenu que le capital de la société CIPS était divisé en 500 parts et que par l'acte notarié du 2 octobre 1995, M. X... avait cédé 250 de ces parts à Mme Denise Y... et une part à Mme Jacqueline Y..., ce dont il résultait que X... avait cédé la majorité absolue des parts sociales, n'a pas tiré de ses constatations de fait les conséquences légales qui s'en déduisent ; qu'elle a ainsi violé l'article 631 du Code de commerce ;
2 / que devant les juges du fond M. X... soutenait précisément que " Mme Y... avait acquis la majorité des parts de la société CIPS et donc en avait acquis le contrôle" de sorte que "le litige lié à la cession de parts est devenu un litige "pour raison de société de commerce" la vente ayant eu une incidence sur le "pacte social" et "relève donc de la compétence commerciale" ; que la cour d'appel a qui a laissé ces conclusions sans réponses, a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est à juste titre que la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a relevé que la demande d'expertise présentée par Mme Denise Y... avait un caractère civil et que le juge des référés du tribunal de grande instance était compétent pour en connaître dès lors que, contrairement à ce que soutient le moyen, le litige soumis à la juridiction civile par Mme Denise Y..., laquelle n'était pas commerçante, ne portait ni sur l'organisation ou la gestion de la société CIPS ni sur des problèmes de majorité de parts sociales, majorité absolue qu'elle n'avait d'ailleurs pas acquise, mais sur l'organisation d'une mesure d'instruction dans la perspective d'obtenir l'annulation de la cession de ces parts ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance en ce qu'elle a ordonné une expertise, alors selon le moyen :
1 / que nul ne peut se constituer un titre à soi même ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur un prétendu "état de charges non réglées au 30 septembre 1995", document établi unilatéralement par Mme Y... et produit par elle au soutien de sa propre thèse, a violé l'article 1315 du Code civil ;
2 / que partant, elle a violé l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que pour ordonner l'expertise sollicitée, la cour d'appel ne s'est pas seulement fondée sur "l'état des charges non réglées au 30 septembre 1995 établi par Mme Y..." mais également sur les autres pièces versées aux débats tels que le bilan au 30 septembre 1995 faisant état de résultats déficitaires, la correspondance de M. X... reconnaissant que la société était sur le point de déposer son bilan, la mise en demeure des Assedic, le tableau d'amortissement d'un prêt et la lettre du Trésor public octroyant des délais de paiement ; qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 1 500 euros ;
Condamne M. X... à une amende civile de 1 000 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille trois.