AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... que sur le pourvoi incident relevé par le receveur principal des impôts d'Annecy Le Vieux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., redevable auprès de la recette principale des impôts d'Annecy de droits de mutation à titre gratuit mis en recouvrement en septembre 1986 et avril 1987, a achevé le règlement du principal des sommes dues le 2 août 1990, mais est resté redevable de pénalités pour le paiement desquelles un commandement aux fins de saisie immobilière lui a été délivré le 19 juillet 1991 ; que ces pénalités ayant été intégralement payées le 2 décembre 1992, par l'intermédiaire du notaire de M. X..., à la suite de la vente amiable d'un immeuble, le comptable des impôts a, dans les jours qui ont suivi, donné mainlevée de la saisie immobilière et des inscriptions hypothécaires ; qu'après avoir vainement saisi le directeur des services fiscaux d'une opposition au commandement aux fins de saisie immobilière, M. X... a saisi le tribunal de grande instance aux mêmes fins, lequel, par jugement du 14 février 1996, a déclaré nul ledit commandement ainsi que l'ensemble de la procédure de saisie immobilière et a condamné le comptable des impôts à restituer à M. X... la somme payée après délivrance de celui-ci ; que le receveur des Impôts a fait appel de cette décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la nullité du commandement à fin de saisie immobilière ne pouvait entraîner celle du paiement, alors, selon le moyen, que le jugement dont M. X... avait sollicité la confirmation avait retenu que le paiement du 2 décembre 1992 portait sur une somme supérieure, au moins pour moitié, à ce qui pouvait être dû puisque le principal visé au commandement et correspondant aux droits simples avait été entièrement réglé par M. X... au moyen d'un chèque de 240 000 francs encaissé le 2 août 1990 ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans se prononcer sur ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a statué au vu des éléments de preuve produits par les parties, et non au vu des appréciations portées par le premier juge, a pu statuer comme elle a fait sans avoir à se prononcer sur ces dernières ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de prescription, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions devant la cour d'appel, il avait fait valoir que seules restant en cause les pénalités de retard, puisque les droits avaient été intégralement réglés, les dispositions des articles R. 275-1 et L.. 275 du Livre des procédures fiscales étaient applicables à l'exclusion de l'article L. 274 du même Livre, et qu'en conséquence, faute pour l'administration fiscale d'avoir effectué après la mise en demeure du 11 mai 1987 un acte interruptif de prescription à son encontre, concernant les pénalités de retard, et ce jusqu'au commandement à fin de saisie immobilière du 19 juillet 1991, la prescription était acquise ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel en se fondant sur les dispositions de l'article L. 274 du Livre des procédures fiscales pour rejeter l'exception de prescription soulevée par M. X... a, par là-même, répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 ;
Attendu, selon ce texte, que tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements ;
Attendu que pour déclarer irrégulière la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a retenu qu'il était acquis que la documentation de base de l'administration fiscale entrait dans le champ d'application du décret du 28 novembre 1983 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la documentation de base de l'administration fiscale n'est pas assimilable à une instruction, directive ou circulaire publiée dans les conditions précitées, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
Et sur le moyen relevé d'office après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles 1er du décret du 28 novembre 1983 et L. 252 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements ;
Attendu que pour déclarer irrégulière la procédure de saisie immobilière, la cour d'appel a retenu qu'il était acquis que la documentation de base de l'administration fiscale entrait dans le champ d'application du décret du 28 novembre 1983, et qu'en violation des dispositions de celle-ci le "pouvoir" à fin de saisie immobilière avait été signé par le receveur principal des Impôts d'Annecy Est, qui ne pouvait présenter une autorisation du directeur des Services fiscaux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la documentation de base 12 C 2213 dans sa rédaction à l'époque de la délivrance du commandement aux fins de saisie immobilière imposait la signature du pouvoir à fin de saisie immobilière par le directeur des services fiscaux, en contradiction avec les dispositions de l'article L. 252 du Livre des procédures fiscales donnant compétence aux comptables chargés du recouvrement pour exercer les actions liées à celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé l'annulation du commandement de payer à fin de saisie immobilière délivré le 19 juillet 1991 et la procédure de saisie immobilière subséquente, l'arrêt rendu le 6 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille trois.