AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X..., engagé le 23 avril 1970 comme ouvrier boulanger professionnel par la société Sogara France Carrefour, a été licencié pour faute grave le 18 août 1997 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave, alors, selon le moyen, que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs précis du licenciement dans la lettre de licenciement ; que ladite lettre fixe les limites du litige et interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs ; qu'en l'espèce, en fondant l'existence d'une faute grave commise par M. X... sur la "réalité d'une dispute persistante évoluant vers une rixe au cours de laquelle M. Y... (autre salarié) a été légèrement secoué physiquement" et ayant perturbé le déroulement normal de l'entreprise quand la lettre de licenciement ne reprochait à M. X... que, de façon vague, un comportement très agressif et énervé et, de façon précise, l'administration d'une gifle, sans nullement faire état d'une rixe ayant perturbé le fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a pas méconnu les limites du litige fixées par la lettre de licenciement qui invoquait un comportement agressif du salarié ayant dégénéré en violences physiques en dépit d'un rappel à l'ordre de son supérieur hiérarchique, en retenant, pour en déduire que les faits qu'elle reprochait à M. X... étaient établis, qu'il s'était disputé avec M. Y... et que, malgré l'intervention de tiers, l'altercation s'était transformée en une rixe au cours de laquelle il avait exercé des violences légères sur la personne de son antagoniste ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
Attendu que, pour dire que le licenciement reposait sur une faute grave, l'arrêt retient qu'il ne peut être accepté que des salariés se livrent à des règlements de compte sur leur lieu de travail et que le comportement de M. X... était d'autant plus inexcusable qu'il comptait vingt ans d'ancienneté ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le comportement fautif présentait un caractère exceptionnel, ce dont il découlait que l'impossibilité de maintenir le salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis n'étaient pas caractérisée, la cour d'appel, a, en retenant la faute grave, violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Sogara France Carrefour aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille trois.