AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la Fédération de Russie a été condamnée à payer à la compagnie suisse Noga d'importation et d'exportation ( la compagnie Noga ) la somme de 27 294 500 USD par deux sentences arbitrales rendues à Stockholm (Suède), les 1er février et 15 mai 1997, pour lesquelles les recours en annulation ont été rejetés par deux décisions des juridictions suédoises ; que l'exequatur en a été demandé au tribunal de grande instance de Paris qui l'a accordé ; que l'arrêt attaqué a déclaré exécutoires en France les sentences ainsi que ces deux décisions judiciaires ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir violé l'article 1er de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 en écartant l'application de cette convention à la demande d'exequatur des décisions des juridictions suédoises ;
Mais attendu que l'article 1er de cette Convention exclut de son champ d'application l'arbitrage en tant que matière dans son ensemble, de sorte qu'en sont écartées non seulement les sentences arbitrales, mais aussi les décisions des tribunaux étatiques statuant sur des recours contre la sentence ou sur une demande en exequatur ; que ce grief n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et le troisième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1477, 1478, 1498,1500 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 311-11, alinéa 1, du Code de l'organisation judiciaire ;
Attendu qu'en application des dispositions susvisées, le président du tribunal de grande instance, statuant à juge unique, par ordonnance sur requête non contradictoire, a seul compétence pour connaître d'une demande d'exequatur en France d'une sentence arbitrale ou d'une décision judiciaire étrangère statuant sur un recours contre la sentence ;
Attendu que pour ordonner l'exequatur en France des sentences arbitrales rendues à l'étranger les 1er février et 15 mai 1997 et des deux décisions des juridictions suédoises susvisées, l'arrêt attaqué retient, d'une part, que l'alinéa 3 de l'article L. 311-11 du Code de l'organisation judiciaire permet toujours au juge de renvoyer une affaire en état à la formation collégiale, et, d'autre part, que le tribunal de grande instance de Paris, quoique saisi directement dans sa formation collégiale par la société Noga selon la procédure de droit commun, a statué dans le cadre de sa compétence, l'aptitude de la formation à juger, collégiale ou à juge unique, étant étrangère à la méconnaissance par le juge de ses attributions, susceptible de fonder un excès de pouvoir ;
Qu'en se déterminant par ces motifs, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que le tribunal de grande instance de Paris, saisi selon la procédure de droit commun, était incompétent pour connaître des demandes d'exequatur des sentences arbitrales rendues les 1er février et 15 mai 1997 par l'Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm et des décisions rendues par le tribunal de première instance de Stockholm et de la cour d'appel de Svéa en date des 17 juin 1998 et 24 mars 1999 ;
Condamne la société Noga d'importation et d'exportation aux dépens afférents aux instances devant les juges du fond ainsi qu'aux dépens de la présente instance ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Noga d'importation et d'exportation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille trois.