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03/12/2003 | FRANCE | N°02-86551

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 décembre 2003, 02-86551


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en d

ate du 19 septembre 2002, qui, pour fausses déclarations en vue d'obtenir des prestation...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Thierry,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 19 septembre 2002, qui, pour fausses déclarations en vue d'obtenir des prestations indues, l'a condamné à 2 290 euros d'amende et, prononçant sur les intérêts civils, a ordonné la publication et l'affichage de la décision ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 554-1, L. 554-3 du Code de la sécurité sociale, L. 725-13 du Code rural, L. 831-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif a dit le demandeur coupable de fraude en matière d'allocation logement et d'allocation de parent isolé et l'a condamné au profit de la partie civile ;

"aux motifs que le tribunal a tiré des circonstances de la cause les conséquences légitimes qui s'imposaient retenant par des motifs pertinents que la Cour adopte, la culpabilité du prévenu pour les infractions ainsi constatées ; qu'il résulte du dossier et des débats que, pour bénéficier de l'allocation logement, le prévenu a fait en juillet 1993 une fausse déclaration se présentant comme titulaire du bail alors qu'en fait celui-ci était au nom de sa fille ; que le fait de jouer sur les mots en déclarant que la prévention fait état "de prestation familiales" indue et que l'allocation logement n'est pas une prestation familiale, ne change pas la matérialité des faits, le terme de prestation familiale ayant une portée générale et caractérisant une prestation à caractère familiale, dont l'allocation logement fait partie ; qu'en tout état de cause il n'y a aucune maîtrise de la part du prévenu, ni aucun grief, celui-ci ayant déclaré que la notion de loyer fiscal pouvait aisément se substituer à celle de locataire pour permettre à un membre de ce foyer fiscal de bénéficier de l'allocation en cause ;

"et aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier que pour obtenir le bénéfice de l'allocation logement le prévenu a rempli en juillet 1993 les imprimés de la CAF en mentionnant qu'il était depuis le 1er octobre 1992 le locataire du logement situé à Forges à Champagné et qu'il avait signé le contrat de location, c'est à dire, qu'il était le titulaire du bail, le bénéfice de cette allocation étant réservé au titulaire du bail ; qu'à la suite du dépôt par le nouveau tuteur, l'UDAF, d'une demande pour bénéficier de cette allocation, il s'est révélé que le prévenu n'était pas le titulaire du bail qui, en réalité, est au nom de sa fille Estelle ; que le prévenu a fait valoir "qu'il constituait le même foyer fiscal avec sa fille" ; qu'en l'espèce les textes concernant cette prestation ne sont pas liés au foyer fiscal mais au titulaire du bail ; qu'il existe une fausse déclaration qui a permis au prévenu de bénéficier d'une allocation qu'il n'aurait pu obtenir lui-même compte tenu de sa situation ; qu'il n'est pas précisé par la CAF si cette allocation aurait dû bénéficier directement à sa fille ; que dans ces conditions, si la culpabilité existe bien, il sera fait quant à la peine une appréciation bienveillante ; qu'en ce qui concerne les règles de prescription, la prescription de l'action publique, ne commençant à courir qu'à compter de la perception de la dernière prestation indûment perçue (cf. chambre criminelle du 23 février 1994), les faits commis depuis décembre 1992 jusqu'à mars 1998 peuvent être retenus à l'encontre du prévenu ;

"alors, d'une part, qu'en retenant par motifs adoptés que pour obtenir le bénéfice de l'allocation logement le prévenu a rempli en juillet 1993 les imprimés de la Caisse d'allocation familiales en mentionnant qu'il était depuis le 1er octobre 1992 le locataire et qu'il avait signé le contrat de location, qu'il s'est révélé que le titulaire du bail était sa fille, qu'il existe une fausse déclaration qui a permis à Thierry X... de bénéficier de l'allocation qu'il n'aurait pu obtenir compte tenu de sa situation, les juges du fond qui décident que la prescription de l'action publique ne commençait à courir qu'à compter de la perception de la dernière prestation, sans relever aucune manoeuvre ou fausses déclarations postérieures à 1993, ont violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'il résulte des articles L. 554-1 et suivants du Code de la sécurité sociale que seules les manoeuvres ou les fausses déclarations sont visées ; qu'en retenant par motifs adoptés que, pour obtenir le bénéfice de l'allocation logement, le prévenu a rempli en juillet 1993 les imprimés de la Caisse d'allocation familiales en mentionnant qu'il était depuis le 1er octobre 1992 le locataire et qu'il avait signé le contrat de location, qu'il s'est révélé que le titulaire du bail était sa fille, qu'il existe une fausse déclaration qui a permis à Thierry X... de bénéficier de l'allocation qu'il n'aurait pu obtenir compte tenu de sa situation, les juges du fond qui décident que la prescription de l'action publique ne commençait à courir qu'à compter de la perception de la dernière prestation, cependant que la perception ne constitue pas un fait actif, les juges du fond n'ont pas caractérisé des manoeuvres ou fausses déclarations postérieures à 1993 et ont violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer non prescrite l'action de la Caisse d'allocations familiales, la cour d'appel se détermine par les motifs propres et adoptés reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, elle a justifié sa décision, dès lors que la prescription de l'action publique relative au délit prévu par l'article L. 554-1 du Code de la sécurité sociale, ne commence à courir qu'à compter de la perception de la dernière prestation indûment obtenue ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation articles L. 554-1, L. 554-3 du Code de la sécurité sociale, L. 725-13 du Code rural, L. 831-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif a dit le demandeur coupable de fraude en matière d'allocation logement et d'allocation de parent isolé ;

"aux motifs qu'il concerne l'allocation de parent isolé le prévenu a sciemment omis de déclarer certains de ses revenus pour bénéficier de ladite allocation ainsi que l'établissent les différentes déclarations semestrielles versées aux débats et où la rubrique "revenus au cours des trois derniers mois" est systématiquement rayée ; que cette attitude constante pendant trois ans n'est pas le résultat d'une simple omission ; que ses revenus d'alors étant supérieurs aux ressources définies par les articles L. 524-1 et L. 524-5 du Code de la sécurité sociale, il n'aurait pu sans cette fraude, percevoir l'allocation litigieuse ;

"et aux motifs adoptés que le prévenu a bénéficié de cette prestation après avoir rayé sur les imprimés de "déclarations trimestrielles" la rubrique concernant ses revenus et ce de 1995 à 1998 alors qu'il a perçu depuis février 1996 une rémunération mensuelle de 6 480 francs en qualité de tierce personne de sa fille ;

que ses propres ressources étant supérieures au revenu familial défini aux articles L. 524-1 et R. 524-5 du Code de la sécurité sociale, il n'aurait jamais dû percevoir cette prestation s'il avait effectivement chaque trimestre déclaré ses ressources ; que le prévenu a fait valoir que cette allocation n'est pas déclarée pour sa fille ; qu'en l'espèce, il ne saurait exister d'assimilation entre la situation fiscale d'Estelle et celle de Thierry X... et en tout état de cause la déclaration de ressources de la CAF ne concerne pas les revenus imposables mais l'ensemble des revenus quel que soit le régime fiscal applicable ; qu'en agissant de la sorte et en renouvelant cette déclaration tous les trimestres, le prévenu a bien commis des manoeuvres frauduleuses constitutives du délit reproché et ce de façon intentionnelle ;

"alors, d'une part, qu'en affirmant péremptoirement que les revenus du demandeur étaient supérieurs au plafond de ressources défini par les articles L. 524-1 et L. 524-5 du Code de la sécurité sociale sans nullement préciser quels étaient les revenus du demandeur permettant d'affirmer qu'ils étaient supérieurs au plafond des ressources, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, que le demandeur faisait valoir que l'allocation de 6 480 francs par mois au titre de la tierce personne avait constitué l'une des bases ayant permis l'allocation de dommages et intérêts à l'enfant Estelle, aucune obligation n'étant faite à l'enfant de rémunérer son père ; qu'en retenant par motifs adoptés que le prévenu a bénéficié de l'allocation parent isolé après avoir rayé sur les imprimés de déclaration trimestrielle la rubrique concernant ses revenus alors qu'il a perçu depuis février 1996 une rémunération mensuelle de 6 480 francs en qualité de tierce personne de sa fille, pour en déduire que ses propres ressources étant supérieures au revenu familial, il n'aurait jamais dû percevoir cette prestation s'il avait effectivement chaque trimestre déclaré ses ressources sans préciser d'où il ressortait que cette somme avait été versée au demandeur et non, comme il le faisait valoir, seulement été l'un des éléments pris en compte pour établir les dommages et intérêts alloués à sa fille victime d'un accident de la circulation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer Thierry X... coupable de fausses déclarations en vue d'obtenir des prestations indues, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, retient qu'il n'a déclaré, sur les formulaires de demande d'allocation de parent isolé, aucun revenu de 1995 à 1998, alors qu'il percevait, depuis février 1996, une rémunération mensuelle de 6 480 francs, en qualité de tierce personne de sa fille ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, elle a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 554-1, L. 554-3 du Code de la sécurité sociale, L. 725-13 du Code rural, L. 831-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, 132-10 et suivants du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif a dit le demandeur coupable de fraude en matière d'allocation logement et d'allocation de parent isolé ;

"aux motifs que le jugement confirmé a ordonné l'insertion par extrait du jugement dans les journaux Ouest France et le Maine Libre aux frais de Thierry X... et ordonner l'affichage par extrait dans les locaux de la Caisse d'allocation familiale de la Sarthe pendant deux mois ;

"alors, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 554-3 qu'en cas de condamnation le tribunal pourra ordonner l'insertion du jugement dans un ou plusieurs journaux de la localité, le tout aux frais du condamné, sans que le coût de l'insertion puisse dépasser 150 euros ; qu'en ordonnant l'insertion par extrait du jugement dans les journaux Ouest France et Maine Libre aux frais de Thierry X... sans préciser que le montant de l'insertion ne pouvait dépasser 150 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, qu'en ordonnant l'affichage par extrait du jugement dans les locaux de la Caisse d'allocations familiales de la Sarthe pendant deux mois sans préciser le fondement légal de cette condamnation, les juges du fond ont violé l'article 131-10 du Code pénal" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que l'article L. 554-3 du Code de la sécurité sociale n'exige pas que le tribunal mentionne, lorsqu'il ordonne l'insertion du jugement dans un ou plusieurs journaux, le coût maximum de celle-ci ;

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche ;

Vu l'article 111-3, alinéa 2, du Code pénal ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable du délit prévu par l'article L. 554-1 du Code susmentionné, la cour d'appel a ordonné, notamment, l'affichage de la décision dans les locaux de la Caisse d'allocations familiales de la Sarthe pendant deux mois ;

Mais attendu que, si l'article L. 554-3 du même Code prévoit la publication du jugement, il n'en autorise pas l'affichage ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 19 septembre 2002, en ses seules dispositions concernant l'affichage de la condamnation, toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la partie civile, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roger conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-86551
Date de la décision : 03/12/2003
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 19 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 déc. 2003, pourvoi n°02-86551


Composition du Tribunal
Président : Président : M. PIBOULEAU conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.86551
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