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03/12/2003 | FRANCE | N°02-80041

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 décembre 2003, 02-80041


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Alexis,

- Y... Anne-Marie,

1 - contre l'arrêt de la

chambre d'accusation de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 15 décembre 1999, qui, dans l...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Alexis,

- Y... Anne-Marie,

1 - contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 15 décembre 1999, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'abus de confiance aggravé, complicité et prise illégale d'intérêts, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure ;

2 - contre l'arrêt de la même cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 2001, qui les a condamnés, le premier, pour abus de confiance aggravé et faux et la seconde, pour complicité d'abus de confiance aggravé et prise illégale d'intérêts, chacun à 3 ans d'emprisonnement avec sursis et 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, a prononcé à l'encontre du premier l'interdiction d'exercer les fonctions de gérant de tutelle pendant 5 ans, et a statué sur la recevabilité des constitutions de partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur les pourvois contre l'arrêt de la chambre d'accusation du 15 décembre 1999 :

- Sur le pourvoi formé par Alexis X... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

- Sur le pourvoi formé par Anne-Marie Y... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 593, 662, 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, excès de pouvoir ;

"en ce que le premier arrêt attaqué, prononcé le 15 décembre 1999 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance de restitution rendue par le juge d'instruction le 19 février 1997 ainsi que de la procédure subséquente ;

"aux motifs que, le 19 février 1997, le juge d'instruction a ordonné la restitution des dossiers en sa possession alors qu'il était dessaisi ; cette restitution est intervenue le 19 février 1997 alors que l'arrêt de la Cour de Cassation le dessaisissant avait été porté à la connaissance du magistrat instructeur ; toutefois, ceci ne fait pas grief aux intérêts des parties ;

"alors que les règles de compétence en matière répressive sont d'ordre public, de sorte que les actes pris en leur violation encourent la nullité sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'une atteinte portée aux intérêts des parties ; qu'en prononçant le rejet de la demande en nullité d'une ordonnance prise par un juge d'instruction ayant été dessaisi par un arrêt de renvoi de la Cour de Cassation, au motif que cette violation ne faisait pas grief aux intérêts des parties, la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Attendu que la demanderesse est sans intérêt à critiquer les motifs par lesquels la chambre d'accusation a refusé d'annuler l'ordonnance de restitution des dossiers des incapables majeurs au tribunal d'instance de Belley, dès lors que l'arrêt relève que le juge d'instruction a pris copie de toutes les pièces utiles à l'information avant d'en ordonner la restitution ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 152, 593, 662, 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, excès de pouvoirs ;

"en ce que le premier arrêt attaqué, prononcé le 15 décembre 1999 par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, a dit n'y avoir lieu à annulation du procès-verbal établi le 20 février 1997 ainsi que de la procédure subséquente ;

"aux motifs qu'il est demandé l'annulation du procès-verbal de synthèse établi le 20 févier 1997 et donc postérieurement au dessaisissement ; qu'en l'état du dessaisissement, les délégués du juge d'instruction devaient mettre fin à leurs investigations ; qu'ils étaient tenus en outre de clore leur procédure et de transmettre celle-ci au magistrat ; que le procès-verbal de synthèse est l'acte de clôture de la procédure et qu'il ne pouvait être pris, obligatoirement, avant le dessaisissement ;

"alors que les officiers de police judiciaire commis pour l'exécution exercent tous les pouvoirs du juge d'instruction ayant procédé à leur désignation, de sorte que le dessaisissement du second emporte incompétence des premiers, quelle que soit la nature de l'acte accompli ; qu'en rejetant la nullité du procès-verbal de synthèse établi par les officiers de police judiciaire postérieurement au dessaisissement du juge d'instruction, la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du procès-verbal de synthèse établi le 20 février 1997 par les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, soit postérieurement au dessaisissement de ce dernier par la chambre criminelle de la Cour de Cassation, l'arrêt énonce que les délégués du juge d'instruction étaient tenus de clore leur procédure et de la transmettre à ce magistrat ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;

II - Sur les pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel du 28 novembre 2001 :

- Sur le pourvoi formé par Alexis X... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

- Sur le pourvoi formé par Anne-Marie Y... :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 31, 32, 175, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué, prononcé le 28 novembre 2001 par la cour d'appel de Grenoble, statuant au fond, a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi et de la procédure subséquente ;

"aux motifs qu'en application de l'article 175 du Code de procédure pénale, le vice-président chargé de l'instruction a avisé les parties, le 15 novembre 1999, que l'information lui paraissait terminée et que la procédure serait communiquée au procureur de la République à l'expiration d'un délai de 20 jours ; le 6 décembre 1999, le procureur de la République faisait, parvenir son réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est intervenue le 20 décembre 1990 ; s'il est exact que le délai de 20 jours prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale expirait le 6 décembre 1999 à 0 heure et que le réquisitoire est intervenu avant l'expiration de ce délai, cette irrégularité n'a en aucune manière porté atteinte aux intérêts des prévenus, qui n'avaient pas saisi le 6 décembre 1999 le magistrat instructeur de demandes ou requêtes sur le fondement de l'article 81 du Code de procédure pénale, alinéa 9, 82-1, 156, alinéa 1, et 173, alinéa 3 ;

"alors que l'article 175 du Code de procédure pénale, pris en ses deuxième et troisième alinéas, dont les dispositions participent de la bonne administration de la justice et constituent des règles d'ordre public, impose au juge d'instruction d'attendre les réquisitions du procureur de la République communiquées après expiration du délai de 20 jours ou, en l'absence de ces réquisitions, de respecter le délai de trois mois avant de rendre une ordonnance de règlement ; qu'en l'espèce, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de règlement le 20 décembre 1999, avant l'expiration du délai de trois mois et sans que des réquisitions du procureur de la République postérieures à l'expiration du délai de 20 jours lui aient été communiquées ; la cour d'appel ne pouvait ainsi refuser de prononcer la nullité de l'ordonnance de règlement sans violer les textes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi et de la procédure subséquente, prise de ce que le procureur de la République a adressé son réquisitoire définitif au juge d'instruction le 6 décembre 1999, soit avant l'expiration du délai de vingt jours prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale, l'arrêt énonce que cette irrégularité n'a pas porté atteinte aux intérêts des prévenus qui n'avaient pas saisi, dans ce délai, le magistrat instructeur de demandes ou requêtes sur le fondement des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156, alinéa 1, et 173 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 459, 506, 507, 593 et 662 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué, prononcé le 28 novembre 2001 par la cour d'appel de Grenoble, statuant au fond, a rejeté l'exception de nullité du jugement du tribunal correctionnel de Grenoble ayant statué alors qu'une demande d'effet suspensif, accessoire à une requête en suspicion légitime, était encore pendante devant la Cour de Cassation ;

"aux motifs que, la requête en suspicion légitime n'étant pas suspensive, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de renvoi ;

"alors que la demande d'effet suspensif formulée accessoirement à la requête en suspicion légitime emporte nécessairement suspension, jusqu'à la décision de la Cour de Cassation sur cette demande, des poursuites devant la juridiction visée par la requête ; qu'en se bornant à constater que, "la requête en suspicion légitime n'ayant pas d'effet suspensif, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de renvoi", la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que la demanderesse ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir refuser d'annuler le jugement, dès lors qu'en application de l'article 520 du Code de procédure pénale, elle devait en tout état de cause, après évocation, statuer au fond ;

Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 3 du décret du 15 février 1969 pour l'application de l'article 499 du Code civil, 12 du décret du 6 novembre 1974 portant organisation de la tutelle d'Etat et de la curatelle d'Etat, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué, prononcé le 28 novembre 2001 par la cour d'appel de Grenoble, statuant au fond, a déclaré Anne-Marie Y... coupable de complicité d'abus de confiance aggravé, l'a condamnée à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé à son encontre la privation des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans ;

"aux motifs que, se prévalant d'une autorisation donnée par le juge des tutelles (en 1995, 1996, 1997), Alexis X... prélevait à titre d'avance sur émoluments, avance irrégulière et totalement inconnue des pupilles, la somme forfaitaire de ( ....) ; contrairement à ce que soutient Alexis X..., le fait en sa qualité de mandataire de justice d'opérer des prélèvements avant que ne soient connus les revenus annuels des majeurs protégés constitue un détournement, et cela, au surplus, alors que le prélèvement est effectué à l'insu de la personne protégée ; il importe peu qu'une régularisation ait pu intervenir a posteriori ; que les prélèvements illicites anticipés d'émoluments reprochés à Alexis X... faisaient l'objet d'autorisations données par écrit par Anne-Marie Y... ;

l'enquête et l'information permettaient de retrouver de multiples autorisations (...) ; en donnant à Alexis X... ces autorisations de prélèvements anticipés, Anne-Marie Y... en sa qualité ne pouvait en ignorer le caractère illicite (...) ;

"alors, d'une part, que la complicité nécessite la constatation d'une infraction principale, et le détournement caractérisant l'abus de confiance suppose la modification de la destination des biens confiés à l'auteur de l'infraction ; que la réglementation précitée prévoit qu'un pourcentage fixé par arrêté ministériel pourra être prélevé par le gérant de tutelle sur les ressources des majeurs protégés, si bien que les revenus des personnes protégées ont vocation à subir des prélèvements au titre d'émoluments de gestion ; que, dès lors, le fait pour un gérant de tutelles de prélever, sur les ressources des pupilles, des avances sur les émoluments qu'il est légalement en droit de percevoir n'entraîne aucune modification de la destination des sommes qui lui sont ainsi confiées, de sorte que la cour d'appel ne pouvait, sans violer les textes précités, qualifier d'abus de confiance le simple fait pour Alexis X... d'avoir prélevé des avances sur émoluments ;

"alors, d'autre part, que la complicité suppose la constatation d'une infraction principale ; que l'abus de confiance suppose un détournement au préjudice d'autrui ; qu'en se bornant à relever "qu'il importe peu qu'une régularisation ait pu intervenir a posteriori", et en s'abstenant d'établir un préjudice éventuel tiré de ce que, lors de ces prélèvements, Alexis X... n'était pas en mesure d'en effectuer si nécessaire la régularisation, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-7, 314-1 du Code pénal, 3 du décret du 15 février 1969 pour l'application de l'article 499 du Code civil, 12 du décret du 6 novembre 1974 portant organisation de la tutelle d'Etat et de la curatelle d'Etat, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué, prononcé le 28 novembre 2001 par la cour d'appel de Grenoble, statuant au fond, a déclaré Anne-Marie Y... coupable de complicité d'abus de confiance aggravé, l'a condamnée à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé à son encontre la privation des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans ;

"aux motifs que l'enquête et l'information faisaient apparaître que les émoluments supplémentaires perçus par Alexis X... dans le cadre de la tutelle de gérance n'étaient pas justifiés par leur caractère exceptionnel et l'exercice par le gérant de tutelle d'attributions excédant ses pouvoirs ordinaires ; de la même manière il apparaissait, en ce qui concerne les curatelles et les tutelles d'Etat, qu'Alexis X... avait prélevé, sur les revenus des majeurs protégés inférieurs à 75% du SMIC, des émoluments supplémentaires, ce qui était contraire au décret du 6 novembre 1974 et à l'arrêté du 15 janvier 1990 (...) ; que les prélèvements supplémentaires injustifiés (...) constituent également des détournements, dès lors qu'Alexis X... s'est approprié les sommes indues ; Alexis X... n'apporte pas la preuve que ces sommes perçues au titre de divers majeurs protégés soient justifiées (...) ; Anne-Marie Y... donnait à Alexis X... l'autorisation de prélever, dans la quasi-totalité des dossiers traités par Alexis X..., des émoluments supplémentaires ;

"alors, d'une part, que la complicité suppose la constatation d'une infraction principale ; qu'en retenant, pour qualifier de détournement les prélèvements supplémentaires autorisés par le juge des tutelles, "qu'Alexis X... n'apporte pas la preuve que les sommes perçues au titre de divers majeurs protégés soient justifiées", la cour d'appel a procédé à un renversement de la charge de la preuve, en violation avec le principe de la présomption d'innocence garanti par les textes précités ;

"alors, d'autre part, que la complicité suppose la constatation d'une infraction principale ; que, en matière de tutelle d'Etat, l'article 12, alinéa 2, du décret du 6 novembre 1974 prévoit que le juge des tutelles peut autoriser des prélèvements d'émoluments supplémentaires si l'importance des biens à gérer le justifie ou lorsque les ressources du majeur protégé sont supérieures à un montant fixé par cet arrêté ; que, en matière de la tutelle en gérance, l'article 3 du décret du 15 février 1969 dispose qu'une rémunération en supplément des émoluments dus à la gérance de tutelle peut être allouée à titre exceptionnel par le juge des tutelles, lorsque celui-ci a confié au gérant de la tutelle des attributions excédant ses pouvoirs ordinaires, soit en application de l'article 500, alinéa 2, soit en application de l'article 501 du Code civil ; qu'en se bornant, d'une part, au regard des tutelles d'Etat, à relever qu'il "apparaissait, en ce qui concerne les curatelles et les tutelles d'Etat qu'Alexis X... avait prélevé, sur les revenus des majeurs protégés inférieurs à 75% du SMIC, des émoluments supplémentaires, ce qui était contraire au décret du 6/11/1974 et à l'arrêté du 15/1/1990" et en s'abstenant de démontrer l'absence de justification tirée de l'importance des biens à gérer,

et en se bornant, d'autre part, à l'égard des tutelles en gérance, à constater que "les émoluments supplémentaires perçus par Alexis X... dans le cadre de tutelles en gérance n'étaient pas justifiés par leur caractère exceptionnel et l'exercice par le gérant de tutelle d'attributions excédant ses pouvoirs ordinaires", sans énoncer ce qu'elle entendait par "pouvoirs ordinaires" et sans préciser les attributions effectivement exercées par Alexis X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 3 du décret du 15 février 1969 pour l'application de l'article 499 du Code civil, 12 du décret du 6 novembre 1974 portant organisation de la tutelle d'Etat et de la curatelle d'Etat, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué, prononcé le 28 novembre 2001 par la cour d'appel de Grenoble, statuant au fond, a déclaré Anne-Marie Y... coupable de complicité d'abus de confiance aggravé, l'a condamnée à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé à son encontre la privation des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans ;

"aux motifs que les prélèvements ne tenant pas compte du coefficient de minoration de 2,5 constituent également des détournements, dès lors qu'Alexis X... s'est approprié les sommes indues (...) ; que par divers actes Anne-Marie Y... donnait à Alexis X... l'autorisation de procéder à des prélèvements excessifs - comme ne tenant pas compte du coefficient de minoration de 2,5 ; ces autorisations résultaient de 10 ordonnances (...), de plusieurs courriers collectifs, et de nombreux courriers concernant des majeurs protégés décédés (...) ; qu'Anne-Marie Y..., eu égard à sa qualité, ne pouvait ignorer le caractère illicite des autorisations données et, par l'ampleur et le caractère systématique desdites autorisations, fournissait, en connaissance de cause, à Alexis X... les moyens lui permettant d'opérer ses prélèvements illicites ;

"alors que la complicité par aide ou assistance n'est punissable que si cette aide ou assistance a été portée à l'auteur principal dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé son action ; que le coefficient de minoration de 2,5 s'applique au taux de prélèvement de droit fixé par arrêté ministériel, et non pas aux prélèvements supplémentaires autorisés par le juge des tutelles, de sorte que, en autorisant des prélèvements supplémentaires, le juge des tutelles n'accorde aucune autorisation de ne pas prendre en compte le coefficient de minoration ; qu'en se bornant à relever à l'encontre d'Anne-Marie Y... le prononcé d'autorisation de prélèvements d'émoluments supplémentaires, la cour d'appel n'a pas procédé aux constatations de nature à établir qu'une aide ou une assistance avait été apportée au gérant de tutelle lorsque ce dernier omettait de prendre en compte, lors des prélèvements des émoluments fixés par le règlement, le coefficient de minoration ;

qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-7, 314-1 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué, prononcé le 28 novembre 2001 par la cour d'appel de Grenoble, statuant au fond, a déclaré Anne-Marie Y... coupable de complicité d'abus de confiance aggravé, l'a condamnée à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis et a prononcé à son encontre la privation des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans ;

"aux motifs que l'information faisait apparaître la conversion massive de tutelles ou curatelles en gérance en tutelles ou curatelles d'Etat : 45 à la date du 2 février 1994, 18 à la date du 3 février 1994 ; ces transformations, opérées en un temps très rapproché et sans que soit caractérisée la vacance de la tutelle ou de la curatelle, répondent au souhait d'Alexis X... de se procurer des fonds ; au regard des liens existant entre Alexis X... et Anne-Marie Y..., liens qui ont permis au premier nommé de bénéficier de multiples avantages illicites, la pratique de conversion massive, injustifiée, qu'Anne-Marie Y... ne pouvait à l'évidence ignorer, constitue la complicité, par aide ou assistance, du délit d'abus de confiance commis par Alexis X... ;

"alors que la complicité par aide ou assistance n'est punissable que si cette aide ou assistance a été portée à l'auteur principal dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé son action ; qu'en se bornant à constater les "liens existant entre Alexis X... et Anne-Marie Y..., liens qui ont permis au premier nommé de bénéficier de multiples avantages illicites", et en s'abstenant d'établir en quoi la conversion de ces tutelles constituait une aide ou une assistance dans l'accomplissement, par Alexis X..., de détournements portant indifféremment sur les tutelles en gérance et sur les tutelles d'Etat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Alexis X... a exercé les fonctions de gérant de tutelle à compter de 1990, en qualité de salarié de l'association tutélaire des majeurs protégés de l'Ain, puis, à partir de février 1993, à titre de profession libérale, sur proposition d'Anne-Marie Y..., alors juge d'instance à Belley, et avec l'accord du procureur de la République ; qu'à compter de cette date et jusqu'en janvier 1997, Alexis X..., qui entretenait une liaison avec l'intéressée, a bénéficié d'une augmentation importante du nombre des saisines et des conversions en tutelles et curatelles d'Etat, des tutelles et curatelles en gérance ;

que, dans le même temps, il a été autorisé par Anne-Marie Y... à effectuer des prélèvements anticipés d'émoluments sur les revenus des majeurs protégés ainsi qu'à percevoir des émoluments supplémentaires injustifiés ou qui ne tenaient pas compte du coefficient de minoration prévu par l'article 2 de l'arrêté du 15 janvier 1990 ;

Attendu que, pour déclarer Alexis X... et Anne-Marie Y... coupables, le premier, d'abus de confiance aggravé et, la seconde, de complicité de ce délit, les juges énoncent que le fait de prélever, à titre d'avances sur émoluments, des sommes forfaitaires avant que ne soient connus les revenus des majeurs protégés constitue un détournement, peu important qu'une régularisation ait pu intervenir postérieurement ;

Qu'ils relèvent qu'Anne-Marie Y... a alloué à Alexis X..., au titre des tutelles en gérance, des rémunérations supplémentaires qui n'étaient pas justifiées par leur caractère exceptionnel et l'exercice par le gérant de tutelle d'attributions excédant ses pouvoirs ordinaires, et qu'elle lui a accordé, au titre des tutelles et curatelles d'Etat, des émoluments supplémentaires contraires à l'article 3 de l'arrêté précité qui prévoit que ceux-ci sont subordonnés soit à l'importance des biens du majeur protégé, soit à des ressources mensuelles supérieures au montant brut mensuel du SMIC majoré de 75% ;

Que les juges retiennent qu'Anne-Marie Y... a autorisé Alexis X..., par dix ordonnances datées de 1993 et 1994 et de nombreux courriers concernant des majeurs décédés, à procéder à des prélèvements excessifs, comme ne tenant pas compte du coefficient de minoration prévu par l'article 2 du même arrêté lorsque le majeur protégé est accueilli de manière permanente dans un établissement d'hospitalisation ;

Qu'ils ajoutent que la pratique de la conversion massive et injustifiée de tutelles en gérance, en tutelles ou curatelles d'Etat, répondant au souhait d'Alexis X... de se procurer des fonds, caractérise la complicité, par aide et assistance, du délit d'abus de confiance commis par ce dernier ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a, sans insuffisance et sans renverser la charge de la preuve, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

Qu'en effet, constitue le délit d'abus de confiance le fait pour une personne désignée afin d'exercer la tutelle et la curatelle d'Etat d'effectuer des prélèvements forfaitaires sur les revenus des majeurs protégés avant que ne soient connues leurs ressources, dès lors que ces prélèvements sont réalisés en dehors des prévisions des textes réglementaires portant organisation de la tutelle et de la curatelle d'Etat et que l'existence d'un préjudice, qui peut être seulement éventuel, se trouve incluse dans la constatation du détournement de sommes appartenant aux majeurs protégés ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le neuvième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du Code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation du principe d'individualisation des peines, manque de base légale ;

"en ce que le second arrêt attaqué, de la cour d'appel de Grenoble, en date du 28 novembre 2001, a prononcé une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis et une peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans, en application des infractions de prise illégale d'intérêt et d'abus de confiance aggravé ;

"alors, d'une part, que, selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ;

que, en vertu de l'article 132-24 du Code pénal, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur, de sorte que, en vertu de leur pouvoir d'individualisation, les juges du fond apprécient le montant de la peine en fonction de toutes les qualifications en présence ; que la conjugaison de ces deux textes implique que l'illégalité de la qualification la plus sévère entraîne inéluctablement la nécessité de procéder à un réexamen du prononcé de la peine ; qu'en l'espèce, la peine a été prononcée sur le fondement de l'infraction d'abus de confiance aggravé, punie de 10 ans d'emprisonnement et de 10 millions de francs d'amende, et de prise illégale d'intérêt, punie de 5 ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende ; que, la qualification des faits en abus de confiance aggravé ayant déterminé les juges dans l'évaluation de la peine nécessaire, son illégalité doit entraîner la cassation de l'arrêt en son ensemble ;

"alors, d'autre part, que, selon l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal ; que les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme impliquent que la personne accusée d'une infraction puisse discuter du bien-fondé et de la nécessité de la peine susceptible de lui être appliquée en fonction des accusations qui sont formulées à son encontre ; que, en cas de poursuite et de condamnation sur le fondement de plusieurs qualifications, l'annulation de la qualification la plus grave modifie nécessairement la teneur de l'accusation, de sorte que la peine prononcée ne saurait être appliquée sans que la personne accusée soit en mesure d'en rediscuter la nécessité et le bien-fondé ; qu'en l'espèce, l'illégalité de la qualification d'abus de confiance aggravé entraîne la modification des charges pesant sur la prévenue, de sorte que cette dernière est en droit d'exercer de nouveau son droit à un tribunal et ses droits de la défense quant à la détermination de la peine susceptible de lui être appliquée ; que, par conséquent, l'illégalité de la qualification des faits en abus de confiance aggravé entraîne inéluctablement la cassation de

l'arrêt en son entier" ;

Attendu que le moyen est devenu inopérant par suite du rejet des cinquième, sixième, septième et huitième moyens ;

Mais sur le dixième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 473 et 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables les actions civiles des pupilles et de leurs représentants ;

"alors que l'Etat est seul responsable à l'égard du pupille du dommage résultant d'une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles ; qu'en déclarant recevables les actions des pupilles ou de leurs représentants en réparation du dommage causé par les infractions imputées à Anne-Marie Y... dans le fonctionnement des tutelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;

Vu l'article 473 du Code civil ;

Attendu que, selon ce texte, applicable à la tutelle des majeurs, l'Etat est seul responsable à l'égard du pupille, sauf son recours s'il y a lieu, du dommage résultant d'une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles ;

Attendu qu'en déclarant recevables les constitutions de partie civile de plusieurs majeurs protégés ou de leurs ayants droit ainsi que de deux associations représentants des majeurs protégés, susceptibles d'avoir subi un préjudice du fait, notamment, des agissements d'Anne-Marie Y..., la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

I - Sur les pourvois formés par Alexis X... et Anne-Marie Y... contre l'arrêt de la chambre d'accusation :

Les REJETTE ;

II - Sur le pourvoi formé par Alexis X... contre l'arrêt de le cour d'appel :

Le REJETTE ;

Et sur le pourvoi formé par Anne-Marie Y... :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 28 novembre 2001, en ses seules dispositions ayant déclaré recevables les constitutions de partie civile des majeurs protégés ou de leurs ayants droit et représentants à l'encontre d'Anne-Marie Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Roger, Dulin, Mme Thin, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-80041
Date de la décision : 03/12/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ABUS DE CONFIANCE - Détournement - Chose détournée - Prélèvement d'émoluments sur les revenus de majeurs protégés - Condition.

ABUS DE CONFIANCE - Action civile - Majeurs protégés ou leurs ayants-droit - Action contre le juge des tutelles (non).

1° Constitue le délit d'abus de confiance le fait pour une personne désignée afin d'exercer la tutelle et la curatelle d'Etat d'effectuer des prélèvements forfaitaires sur les revenus des majeurs protégés avant que ne soient connues leurs ressources, dès lors que ces prélèvements sont réalisés en dehors des prévisions des textes réglementaires portant organisation de la tutelle et de la curatelle d'Etat (1).

2° ABUS DE CONFIANCE - Préjudice - Définition - Constatation du détournement.

2° L'existence d'un préjudice, qui peut être seulement éventuel, se trouve incluse dans la constatation du détournement de sommes appartenant aux majeurs protégés.

3° ACTION CIVILE - Recevabilité - Abus de confiance - Majeurs protégés ou leurs ayants droit - Action contre le juge des tutelles (non).

3° Il résulte de l'article 473 du Code civil, applicable à la tutelle des majeurs, que l'Etat est seul responsable à l'égard du pupille, sauf son recours s'il y a lieu, du dommage résultant d'une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles. Encourt, dès lors la cassation, l'arrêt qui déclare recevables les constitutions de partie civile de majeurs protégés ou de leurs ayants droit ainsi que d'associations les représentant, susceptibles d'avoir subi un préjudice du fait des agissements du juge des tutelles.


Références :

1° :
1° :
Code civil 473
Code de procédure pénale 2
Code pénal 314-1
Code pénal 314-1 N3
Décret 74-930 du 06 novembre 1974 art. 12

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre d'accusation) 1999-12-15, Cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle) 2001-11-28

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1980-03-05, Bulletin criminel 1980, n° 81 (3), p. 192 (rejet) et l'arrêt cité ; Chambre criminelle, 1994-10-26, Bulletin criminel 1994, n° 340, p. 832 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 déc. 2003, pourvoi n°02-80041, Bull. crim. criminel 2003 N° 232 p. 935
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 232 p. 935

Composition du Tribunal
Président : M. Pibouleau, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: M. Challe.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.80041
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