AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale financière et économique, 8 juin 1999, Bull. n° 123), que par bordereau du 16 juin 1989, la Société Corapro a cédé, selon les modalités de la loi du 2 juillet 1981 aujourd'hui codifiée sous les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, des créances professionnelles pour un montant de 9 616 465,40 francs à la Caisse régionale de Crédit agricole centre France (la Caisse) ; que la société Corapro ayant été mise en redressement judiciaire le 6 juillet 1989, la Caisse a déclaré ses créances mais que sa production a été rejetée à concurrence du montant de la cession intervenue, le juge commissaire ayant relevé que, n'ayant eu aucune contrepartie financière, cette cession avait constitué en réalité un paiement par compensation de concours antérieurs ; que M. X..., commissaire à l'exécution du plan bénéficiant à la société Corapro, a poursuivi la nullité de la cession en raison de l'irrégularité formelle du bordereau et sur le fondement des articles 107 et 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1er de la loi du 2 janvier 1981 devenu l'article L. 313-23 du Code monétaire et financier ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., ès qualités, l'arrêt retient qu'en prévoyant la cession de la totalité du compte client, aucune erreur d'identification n'était, en fait, possible quant aux créances transférées et en déduit que le bordereau est régulier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans relever que le bordereau litigieux comportait, outre le montant global de la cession, les indications nécessaires à l'identification et à l'individualisation précises des créances cédées ou les éléments de référence de nature à permettre cette identification et cette individualisation, alors que le titre dans lequel une des mentions exigées fait défaut ne vaut pas comme acte de cession au sens de la loi du 2 janvier 1981, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties :
Vu l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-68 du Code de commerce ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore qu'à supposer le bordereau irrégulier, la sanction encourue ne serait qu'une inopposabilité aux tiers, qualité à laquelle ne peut prétendre M. X... qui agit aux droits de la société Corapro ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le commissaire à l'exécution du plan ne représente pas le débiteur en redressement judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la Caisse Régionale de Crédit agricole mutuel Centre France aux dépens ;
Vu les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel centre France ; la condamne à payer la somme de 1 800 euros à M. X... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Corapro ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille trois.