AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 novembre 2000), que M. et Mme X..., seuls associés de la société Imprimerie BMS (la société), se sont portés cautions solidaires du remboursement de deux prêts consentis à cette société par la Banque nationale de Paris (la banque) le 28 mars 1997, alors que la société était en cours de formation, et le 12 novembre 1997 ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 16 décembre 1997, la banque a déclaré sa créance et assigné M. et Mme X... en exécution de leurs engagements de caution ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la banque alors, selon le moyen, que la défaillance de la condition suspensive à laquelle la caution a subordonné son engagement empêche l'obligation de prendre naissance et, partant, libère la caution ; qu'aux termes de l'acte sous seing privé du 28 mars 1997, la cautionnements solidaires des époux X... sont subordonnés à la reprise par la société en formation des engagements contractés en son nom aux termes des présentes, après avoir acquis la jouissance de la personnalité morale par son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; que la cour d'appel, constatant que cette reprise d'engagement n'a pas été faite dans les formes prévues par la loi, a néanmoins déclaré que c'est en vain que les époux X... se prévalent de l'inexistence de leur cautionnement pour absence de levée de la condition suspensive du cautionnement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé, par refus d'application, les articles 1181 et 2012 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le prêt du 28 mars 1997 avait été contracté pour le compte de la société et que celle-ci, après son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, assumait la charge de son remboursement, la cour d'appel a décidé à bon droit que les cautions restaient tenues des engagements qu'elles avaient pris ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action en responsabilité contre la banque alors, selon le moyen :
1 / que manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est compromise ou, à tout le moins, lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution, l'incitant ainsi à se dégager ; que les époux X... faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que la Banque nationale de Paris, banque du vendeur, Mme Y..., qui n'ignorait pas la faible rentabilité du commerce d'imprimerie et la baisse, mois après mois, des performances économiques du fonds de commerce, a cependant laissé croire aux cautions que les chiffres erronés de l'exploitation du fonds de commerce correspondaient à la réalité des chiffres de l'exploitation déficitaire du fonds ; que Mme Z..., chargée de la clientèle et conseillère des époux Y... personnellement et des établissements Y..., leur a d'ailleurs avoué postérieurement à la conclusion de leur engagement de caution, que pendant les derniers mois de leur activité, ils n'avaient plus de rentrée d'argent et avaient même été obligés de faire des prélèvements sur leur compte personnel pour payer leurs salariés ; qu'en se bornant à affirmer que rien ne prouve que la situation du fonds de commerce créé en 1960 par Mme Y... et cédé pour cause de départ à la retraite était déficitaire au moment de la vente, voir irrémédiablement compromise, sans rechercher comme elle y était
invitée, si la banque, qui disposait nécessairement en tant que banque de Mme Y... d'informations sur la situation déficitaire des établissements Y..., n'a pas omis d'en informer les cautions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1147 du Code civil ;
2 / que manque à son obligation de conseil et de diligence, le banquier qui fait souscrire un cautionnement dont le montant est disproportionné par rapport au patrimoine et aux ressources de la caution ; que les époux X... exposaient dans leurs conclusions d'appel qu'au moment de la signature de leurs engagements, leur revenu imposable était de 108 650 francs pour une famille de six personnes avec quatre enfants mineurs, les avis d'imposition 1996, 1997, 1998 versés aux débats montrant que leur foyer fiscal n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu et que leur taux d'endettement atteignait déjà à cette époque 45 % de leurs revenus ; qu'en se bornant à affirmer que la banque n'a commis aucune faute ou aucun abus fautif ou encore manqué à ses obligations professionnelles dont celles de diligence et de prudence, sans rechercher comme elle y était invitée, si, eu égard à la situation financière des époux X..., leur engagement de cautionnement n'était pas disproportionné par rapport à leurs ressources, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que, sous couvert du grief non fondé de manque de base légale, la première branche ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel, qui a relevé qu'il n'était pas établi que la banque ait eu un comportement dolosif ;
Attendu, d'autre part, que Mme X..., gérante de la société, et son mari, lui-même associé, qui n'ont jamais prétendu que la banque aurait eu sur leurs revenus, leur patrimoine et leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération commerciale financée, des informations qu'eux-mêmes auraient ignorées, ne sont pas fondés à reprocher à l'arrêt d'avoir écarté la responsabilité de la banque ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la banque alors, selon le moyen, qu'en affirmant que leur demande tendant à ce que les sommes dues s'imputent d'abord sur le capital et portent intérêt au taux réduit n'était pas justifiée, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision et, partant, a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant rejeté, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la demande de M. et Mme X... tendant à l'octroi de délais de paiement, elle ne pouvait que rejeter la demande visée au moyen, qui lui était liée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la BNP Paribas la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille trois.