AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'à compter du 14 mai 1991, M. Gilles Le X... a exercé les fonctions d'agent général des Associations Mutuelles Le Conservateur et des Assurances Mutuelles Le Conservateur ; qu'ayant été poursuivi et écroué en juin 1994 pour complicité de délits d'escroquerie, notamment, les compagnies mandantes lui ont fait connaître le 10 octobre 1994 qu'elles se trouvaient "dans l'obligation de suspendre temporairement" son mandat à compter du 20 octobre 1994 dans l'attente d'une décision de justice définitive ; qu'ayant été relaxé de tous les chefs de poursuite, il a assigné ces compagnies en réparation du dommage causé par cette mesure qu'il analysait comme une rupture unilatérale du contrat imputable à celles-ci ; que l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2002) l'a débouté de ses demandes en le condamnant à verser une certaine somme aux Associations Mutuelles Le Conservateur en réparation de leur perte de chance faute, pour celui-ci, de leur avoir réservé l'exclusivité de sa production ;
Attendu que pour statuer ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a relevé que compte tenu des responsabilités de M. Le X... dans le domaine des placements d'argent, et de son rôle d'intermédiaire entre le principal suspect et les épargnants victimes tel que mentionné dans la presse locale, ces circonstances de nature à entraver la bonne marche de la compagnie mandante justifiaient la décision prise au mois d'octobre de suspendre le mandat ; qu'en omettant de répondre aux conclusions de M. Le X..., faisant valoir que pendant toute la période de détention provisoire de ce dernier, le mandat s'était poursuivi et que ce n'est qu'un mois et demi après la remise en liberté de ce dernier, intervenue en août 1994, qu'était intervenue la décision contestée laquelle méconnaissait la présomption d'innocence, la cour d'appel a violé le texte sus-visé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Le X... ainsi que Mme Y..., épouse Le X... et Mlle Emilie Le X..., parties intervenantes, de leurs demandes de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 27 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne les Association Mutuelles Le Conservateur aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les Association Mutuelles Le Conservateur à payer aux consorts Le X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille trois.