AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... et la société X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Louis Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 avril 2001), que M. X... a fait construire, de 1981 à 1985, sept entrepôts frigorifiques, numérotés 2 à 8, sur un terrain lui appartenant ; qu'en 1989, il a donné en location-gérance à l'EURL X... son fonds de commerce d'entrepôts frigorifiques ; que les travaux ont été confiés à M. Z..., assuré par la compagnie Général Accident pour le gros-oeuvre, en particulier les dalles des sols, et les entrepôts ont été fournis ou posés par la société Carrosserie Sainte-Marie (CSM), pour les entrepôts 2 à 5, la société Construction isotherme Lamberet dite Plast'Europ, devenue Société financière et industrielle du Peloux pour l'entrepôt 6, la société Frimatec pour les entrepôts 7 et 8 ; que la société Muchico est intervenue pour la pose de tourelles ; que des désordres étant survenus, M. X... et la société X... ont assigné en réparation les constructeurs et installateurs, qui ont appelé en cause leurs assureurs ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... et la société X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes formées contre les sociétés Plast'Europ et CSM, alors, selon le moyen :
1 / que, sauf preuve d'une cause étrangère, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ;
qu'en retenant, pour exonérer la société Plast'Europ et l'entreprise Carrosserie Sainte-Marie de leur responsabilité de plein droit, que les désordres ne leur étaient pas imputables et qu'elles n'avaient pas manqué à leur obligation de conseil, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une cause étrangère, exonératoire de responsabilité des constructeurs, a violé l'article 1792 du Code civil ;
2 / subsidiairement, que tout constructeur est tenu, au titre de son devoir de conseil, d'apprécier les risques présentés par la réalisation de l'ouvrage envisagé, en vérifiant la qualité des parties de cet ouvrage sur lequel il intervient ; qu'en toute hypothèse, en considérant que la société Plast'Europ et l'entreprise Carrosserie Sainte-Marie étaient étrangères aux désordres en ce qu'on ne pouvait leur reprocher d'avoir manqué à leur obligation de conseil, dès lors qu'elles n'avaient pas à vérifier la qualité du gros-oeuvre sur lequel elles installaient les éléments de chambres froides qu'elles fournissaient, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les désordres affectant les ouvrages étaient dus à des malfaçons des radiers de béton construits par M. Z... et que les chambres froides proprement dites fournies par les trois "isoleurs" étaient exemptes de vices ou de malfaçons, que la société CSM avait précisé que les plans de radiers qu'elle avait fournis l'étaient à titre indicatif et qu'elle avait formellement demandé une étude de béton armé pour les longrines et les fondations, conseillant le recours à un architecte ou un bureau d'études, que la société Plast'Europ n'avait fourni aucun plan du socle de béton et que sa prestation concernant l'isolation thermique ne comprenait pas, aux termes de l'article 2.2 du cahier des clauses spéciales, le gros-oeuvre des sols, la cour d'appel a pu en déduire que les désordres n'étaient pas imputables à ces sociétés et que celles-ci n'avaient pas manqué à leur obligation de conseil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... et la société X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes formées contre la société Frimatec, alors, selon le moyen :
1 / que le contrat qui porte, non sur des choses déterminées à l'avance, mais sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d'ordre, constitue non pas un contrat de vente mais un contrat d'entreprise ; qu'en refusant d'admettre que la société Frimatec avait conclu un contrat d'entreprise avec M. X..., dès lors que cette société s'était bornée à livrer un "entrepôt frigorifique en panneaux démontables marque Siocab", sans autre spécification, notamment d'un monteur, tout en relevant, par ailleurs, qu'il résultait du rapport d'expertise que l'entreprise Carrosserie Sainte-Marie avait établi des plans de principe de la ventilation, fourni et posé des panneaux isolants, et assuré la direction du montage, que la société Plast'Europ avait fourni des prestations similaires pour l'entrepôt n° 6, "et à la société Frimatec, de même, pour les entrepôts n° 7 et 8", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1787 du Code civil ;
2 / subsidiairement, que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du Code civil à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré ; qu'en toute hypothèse, en retenant que M. X... ne démontrait pas, subsidiairement, que les biens livrés par la société Frimatec pouvaient constituer des EPERS dès lors qu'ils "ne répondaient (pas) à des exigences précises et déterminées à l'avance, sans modification par (ce) fabricant", quand il importait de savoir si les biens litigieux avaient été conçus et produits pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, et mis en oeuvre sans modification et conformément aux règles édictées par leur fabricant, la cour d'appel a violé l'article 1792-4 du Code civil ;
3 / subsidiairement, au demeurant, que s'agissant d'un "entrepôt frigorifique en panneaux démontables marque Siocab", sans autre spécification, notamment d'un monteur, la cour d'appel pouvait parfaitement en déduire qu'il constituait un EPERS, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a encore violé l'article 1792-4 du Code civil ;
4 / subsidiairement, que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en tout état de cause, en retenant la qualification de contrat de vente sans en tirer la moindre conséquence quant à la responsabilité de la société Frimatec en sa qualité de vendeur, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la société Frimatec, dont une seule facture était produite aux débats, avait livré un entrepôt frigorifique en panneaux démontables, notamment sans mise à disposition d'un monteur, et constaté qu'il n'était pas établi que ces biens répondaient à des exigences précises et déterminées à l'avance, la cour d'appel a pu en déduire que la société Frimatec devait être considérée comme un vendeur et que le maître de l'ouvrage ne pouvait prétendre à l'application de l'article 1792-4 du Code civil ;
Attendu, d'autre part, que l'article 12 du nouveau Code de procédure civile n'impose pas au juge de rechercher d'office les dispositions légales de nature à justifier une demande dont il est saisi sur le fondement d'un texte déterminé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que les constatations expertales opposables à la société Muchico permettaient d'affirmer que l'intervention de cette société avait été sans effet sur les défauts de ventilation du sous sol, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... et la société X... font grief à l'arrêt d'exonérer partiellement M. Z... de sa responsabilité, alors, selon le moyen, que le fait pour un maître de l'ouvrage de faire réaliser des travaux sans s'assurer les services d'un maître d'oeuvre ne constitue ni une immixtion fautive ni une acceptation de risques ; qu'en décidant que M. X..., en se dispensant des services de maîtres d'oeuvre et de bureaux d'études, avait accepté des risques exonérant partiellement M. Z..., entrepreneur, de sa responsabilité de plein droit, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que M. X..., bien que n'étant pas notoirement compétent en matière de construction, avait été suffisamment averti, dès le début du programme de construction, par les conseils de l'entreprise CSM, pour savoir que de la réalisation des socles en béton dans les régles de l'art, avec les conseils d'un architecte et de bureaux d'études spécialisés, dépendait la bonne qualité de l'isolation des chambres froides, qu'il avait préféré, par souci d'économie, se contenter des services de M. Z..., avec l'aide de simples plans de principe, et faire réaliser le travail par son personnel non qualifié en la matière, la cour d'appel a pu en déduire qu'il avait pris des risques qui exonéraient partiellement M. Z... de sa responsabilité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la compagnie CGU insurance, venant aux droits de la compagnie General Accident, fait grief à l'arrêt de décider qu'elle doit sa garantie au titre des dommages immatériels, alors, selon le moyen, que le maintien de la garantie facultative des préjudices immatériels, après résiliation de la police, peut légalement être subordonné au paiement d'une prime subséquente (violation des articles L. 241-1 et A. 243-1 du Code des assurances) ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que dès lors que les dommages trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant la période de validité du contrat, l'assureur n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence de prime subséquente pour éluder son obligation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la Société financière et industrielle du Peloux la somme de 1 900 euros, à l'entreprise Carrosserie Sainte-Marie la somme de 1 900 euros et à la société Frimatec la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes autres demandes de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille trois.