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29/10/2003 | FRANCE | N°00-17538

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 octobre 2003, 00-17538


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que par l'assemblée générale extraordinaire du 31 août 1987, les associés de la société en nom collectif Alma Atlantique (la société Alma), au capital réparti entre MM. X..., Y..., Z..., les sociétés Harpax et Ark Conseil, ont décidé à l'unanimité que jusqu'à 20 000 000 francs de chiffre d'affaires, les bénéfices seraient distribués à MM. X... et Y... et qu'au-delà, la répartition se ferait p

roportionnellement au nombre de parts sociales ; que par l'assemblée générale extraor...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que par l'assemblée générale extraordinaire du 31 août 1987, les associés de la société en nom collectif Alma Atlantique (la société Alma), au capital réparti entre MM. X..., Y..., Z..., les sociétés Harpax et Ark Conseil, ont décidé à l'unanimité que jusqu'à 20 000 000 francs de chiffre d'affaires, les bénéfices seraient distribués à MM. X... et Y... et qu'au-delà, la répartition se ferait proportionnellement au nombre de parts sociales ; que par l'assemblée générale extraordinaire du 6 mars 1989, la majorité des deux tiers des associés a décidé de répartir les bénéfices à la société Ark Conseils et M. Z... (10 %), à la société Harpax (2,5 %), MM. Y... et X... se partageant le reste ; que se prévalant de la nullité des délibérations adoptées les 31 août 1987 et 6 mars 1989, la société Harpax a fait assigner, le 23 juin 1995, la société Alma en vue d'obtenir le paiement d'une somme de 539 193 francs à titre de dividendes pour les exercices 1988 à 1993 et paiement de la part des dividendes évalués à 285 255 francs non réclamés par la société Ark Conseils avant sa mise en liquidation

judiciaire ; que la cour d'appel a condamné MM. X... et Y..., liquidateurs de la société Alma, à payer à la société Harpax la somme de 125 030,88 francs au titre des bénéfices lui revenant pour les exercices 1989 à 1993, a condamné la société Harpax à payer aux liquidateurs la somme de 41 326, 24 francs au titre des pertes afférentes aux exercices 1994, 1995 et 1996 et a rejeté la demande de la société Harpax au titre du partage des bénéfices non réclamés par la société Ark Conseil ;

Sur le premier moyen pris en ses six branches :

Attendu que la société Harpax fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de la somme de 539 193 francs au titre des dividendes des exercices 1989 à 1993, alors, selon le moyen :

1 ) que les juges sont tenus de motiver leur décision et d'analyser, ne serait-ce que sommairement les éléments avancés par les parties au soutien de leur moyen ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la SNC Alma Atlantique a été créée en décembre 1986 ; qu'afin d'établir que la clause insérée dans les statuts, écartant la société Harpax et deux autres associés, de la répartition des bénéfices réalisés par la SNC Alma Atlantique lorsque le chiffre d'affaires est inférieur à 20 000 000 francs, était léonine en ce qu'elle excluait ces associés, de leur droit aux bénéfices ; elle indiquait que le chiffre d'affaires de la société Alma Atlantique avait été pour l'exercice 1987 de 1 457 296 francs, pour l'exercice 1988 de 2 018 200,08 francs, et pour l'exercice de 1989 de 3 023 947, 62 francs ; que la société Harpax produisait les bilans indiquant pour les exercices de 90 à 93, un chiffre d'affaires de 5 154 596 francs et 653 158,61 francs, les résultats postérieurs à 93 étant déficitaires ; qu'ainsi la société Harpax établissait que le seuil de 20 000 000 francs de chiffre d'affaires était irréalisable par la société Alma Atlantique, laquelle n'a jamais dépassé les 5 millions tout au long de son existence juridique ; que, pour considérer néanmoins que ladite clause n'était pas léonine, la cour d'appel s'est pourtant contentée d'affirmer péremptoirement que la société Harpax ne démontrait pas que le plafond de 20 000 000 francs n'était pas susceptible d'être atteint dans le cadre d'une exploitation normale de la société Alma Atlantique ; qu'en statuant ainsi, sans nullement expliquer en quoi l'analyse de tous les résultats d'exploitation de la société Alma Atlantique depuis sa création en décembre 1986, ne permettait pas d'établir l'impossibilité d'atteindre le seuil de 20 000 000 francs dans le cadre d'une exploitation normale, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que la stipulation n'attribuant à un associé qu'une fraction dérisoire des bénéfices est une clause léonine réputée non écrite ; qu'en l'espèce, la troisième résolution de l'assemblée générale du 6 mars 1989 n'a attribué aux sociétés Harpax et Arl Conseils, détentrices respectivement de 10 % et 40 % du capital de la société Alma Atlantique, que 2,5 % et 10 % tandis que MM. Y... et X... représentant 18 % et 30 % se sont attribués ensemble 87,5 % des bénéfices ; qu'en affirmant néanmoins que cette clause n'était pas léonine, la cour d'appel a violé l'article 1844-1, alinéa 2 du Code civil ;

3 ) que les clauses léonines affectant le pacte social sont réputées non écrites ; que l'action en constatation de l'inexistence de ces clauses n'est enfermée dans aucun délai ; qu'à supposer qu'elle soit qualifiée d'action en nullité, elle relèverait des actions en nullité absolue d'ordre public soumises à une prescription trentenaire ; qu'en affirmant néanmoins que l'action intentée par la société Harpax afin de faire reconnaître le caractère inexistant de ces clauses léonines était soumise à la prescription triennale, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1844-1 alinéa 2 et 2262 du Code civil ainsi que l'article L. 235-9 du Code de commerce (anciennement 367 de la loi du 24 juillet 1966) ;

4 ) que si les actions en nullité des délibérations d'une société se prescrivent par trois ans, les exceptions de nullité de ces délibérations sont perpétuelles ; qu'en l'espèce, pour refuser de verser à la société Harpax sa part de dividendes, la société Alma Atlantique se fondait sur les délibérations des 31 août 1987 et 6 mars 1989 ; qu'en défense, la société Harpax invoquait à titre d'exception, le caractère nul et non écrit de ces délibérations ; que la société Harpax ne demandait nullement au dispositif de ses conclusions la nullité des assemblées générales des 31 août 1987 et 6 mars 1989, si bien qu'elle ne soulevait pas la nullité des assemblées générales par voie d'action, mais soulevaient seulement à titre d'exception la nullité de ces assemblées générales, afin de s'opposer à leur exécution et obtenir en conséquence distribution de bénéfices ; qu'en affirmant néanmoins que ce faisant la société Harpax avait soulevé la nullité des assemblées générales par voie d'action, la cour d'appel a violé l'article 367 de la loi du 24 juillet 1967 ;

5 ) qu'aux termes de l'article 22 II des statuts de la SNC Alma Atlantique, l'assemblée générale est convoquée par la gérance au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à chaque associé quinze jours francs au moins avant le jour de la réunion ;

qu'ainsi les statuts de la SNC ont imposé que les associés soient personnellement touchés afin que l'assemblée générale soit régulièrement convoquée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la convocation du 18 février 1989 est revenue avec la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée"; qu'en retenant néanmoins que l'assemblée générale avait été régulièrement convoquée, lorsqu'il résultait de ses propres constatations, que la société Harpax n'avait pas reçu convocation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 1134 du Code civil ;

6 ) que les statuts ne peuvent être modifiés, à défaut de clause contraire, que par l'accord unanime des associés ; qu'en l'espèce si les statuts stipulaient que les décisions extraordinaires seraient prises à la majorité des associés représentant les deux tiers du capital, ils ne stipulaient nullement que les modifications des statuts pourraient se faire à cette majorité ; que toute modification statutaire devait donc nécessairement se faire à l'unanimité des associés en application de l'article 1386 du Code civil ; qu'en affirmant néanmoins que les décisions extraordinaires comprenaient nécessairement les modifications statutaires lesquelles pouvaient en conséquence être votées à la majorité des deux tiers, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1134 et 1836 du Code civil ;

Mais attendu en premier lieu qu'en relevant que la société Harpax, pour demander qu'il lui soit allouée une somme représentant sa part des bénéfices réalisés par la société Alma, avait soulevé par voie d'action, le 14 décembre 1994, la nullité des délibérations prises par l'assemblée générale extraordinaire du 31 août 1987, lesquelles avaient décidé que les bénéfices réalisés par la société Alma au cours des exercices 1988 à 1993 inclus seraient répartis de façon inégalitaire, et en retenant que la société Harpax, présente lors de l'assemblée générale de 1987, avait voté avec les autres associés, à l'unanimité, le principe d'une répartition inégalitaire des bénéfices et ce jusqu'à un certain plafond sans démontrer que ce plafond n'était pas susceptible d'être atteint dans le cadre d'une exploitation normale de la société Alma, la cour d'appel qui a répondu en les écartant aux conlusions prétendument omises et constaté que la prescription triennale de l'action en nullité des délibérations était acquise à la date de l'assignation, a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu en deuxième lieu que par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que l'attribution de 2,5 % des bénéfices à la société Harpax décidée en 1989 apparait tout à fait normale, compte tenu de sa participation au capital et de son absence de toute contribution dans les activités de la société Alma ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu en troisième lieu que la cour d'appel qui a relevé que l'adresse figurant sur la lettre de convocation du 18 février 1989 était celle indiquée par la société Harpax dans ses courriers des 17 janvier et 22 février 1989, a, à bon droit, tenu pour régulière la convocation de la société Harpax à l'assemblée générale du 6 mars 1989 peu important que la lettre recommandée de convocation ait été retournée accompagnée de la mention "n'habite pas à l'adresse indiquée " ;

Attendu en quatrième lieu que l'arrêt retient que lors de l'assemblée générale du 31 août 1987, les associés de la société Alma ont décidé à l'unanimité que les décisions extraordinaires ne seraient plus prises à l'unanimité mais à la majorité des associés representant les 3/4 du capital et que le 6 mars 1989, étaient présents ou représentés les associés représentant 2 200 des 2 500 parts sociales qui ont décidé une nouvelle répartition des bénéfices ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a, à bon droit, sans encourir le grief de la sixième branche, pu décider qu'en raison des modifications statutaires, la majorité des associés représentant les 3/4 du capital avait pu modifier la répartition des bénéfices ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Harpax fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de paiement de la somme de 285 255 francs au titre de l'attribution de 10 % des dividendes non réclamés par la société Ark Conseil, alors, selon le moyen, que les juges sont tenus de répondre aux conclusions de parties ; qu'en l'espèce, la société Harpax soutenait en ses écritures que l'action en paiement de dividendes non réclamés dans un délai de cinq ans à compter de la date de leur mise en paiement étant prescrite, la demande faite en septembre 1998, par le liqudiateur de la société Ark Conseil, de distribution des dividendes de 1988 à 1992 est nécessairement prescrite, si bien que ces derniers devaient être distribués entre les autres associés ; qu'en affirmant néanmoins que ces sommes ne devaient revenir qu'à la liquidation judiciaire de la société Ark Conseil et que l'irrecevabilité de la demande de Me A... et l'absence de MM. B... et C..., ne lui permettaient pas de statuer sur la demande de la société Harpax d'attribution de 10 % de dividendes de la SARL Ark Conseil sans répondre au moyen pris de la prescription de la demande en paiement des dividendes de 1988 à 1992 effectuée par le liquidateur judiciaire de la société Ark conseil, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en relevant que le litige opposant la société Harpax à la société Alma se rapportait à la liquidation de la société Ark Conseil, spécialement réouverte sur ce point devant le tribunal de commerce de Grasse, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a légalement justifié sa décision dès lors que le moyen pris de la prescription de la demande en paiement des dividendes était pendant devant cette juridiction ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Attendu qu'après avoir relevé que les opérations de liquidation de la société Alma était encore en cours, la cour d'appel, pour condamner la société Harpax à payer aux liquidateurs de la société Alma la somme de 41 326,34 francs pour les pertes des exercices 1994, 1995 et 1996, retient que chaque associé doit supporter une partie des pertes des exercices échus ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les statuts de la société Alma prévoyaient une contribution annuelle aux pertes sociales alors que c'est seulement en cas de dissolution d'une société que celle-ci peut agir contre ses membres en paiement de ses pertes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Harpax à payer aux liquidateurs de la société Alma Atlantique la somme de 41 326,34 francs pour les pertes des exercices 1994, 1995 et 1996, l'arrêt rendu le 14 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-17538
Date de la décision : 29/10/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), 14 décembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 oct. 2003, pourvoi n°00-17538


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.17538
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