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14/10/2003 | FRANCE | N°02-30257

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 octobre 2003, 02-30257


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Lucien X... a été employé par la société Everite, fabricant de produit en amiante ciment du 27 juillet 1964 au 31 mars 1984 ; qu'il a été reconnu atteint d'un mésothéliome d'origine professionnelle, avec un taux d'incapacité fixé en dernier lieu à 100% ;

qu'après son décès survenu le 1er août 1998 des suites de cette maladie, sa veuve et ses enfants ont engagé le 9 juillet 1999, une procédure en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de

son employeur ; que l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2001) a dit que la maladie é...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Lucien X... a été employé par la société Everite, fabricant de produit en amiante ciment du 27 juillet 1964 au 31 mars 1984 ; qu'il a été reconnu atteint d'un mésothéliome d'origine professionnelle, avec un taux d'incapacité fixé en dernier lieu à 100% ;

qu'après son décès survenu le 1er août 1998 des suites de cette maladie, sa veuve et ses enfants ont engagé le 9 juillet 1999, une procédure en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur ; que l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2001) a dit que la maladie était due à la faute inexcusable de son employeur, fixé la majoration de rente au maximum, fixé le montant de l'indemnité due au titre du préjudice personnellement subi par Lucien X... et celles dues au titre du préjudice moral des consorts X... ;

Sur le premier et le second moyen du pourvoi principal, pris en leur diverses branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le premier moyen, que l'arrêt qui n'analyse pas les "débats scientifiques" qui auraient pu, depuis le début du siècle, donner conscience à l'employeur du danger particulier résultant des fibres microscopiques d'amiante en suspension dans l'atmosphère et qui ne précise pas comment ces "débats scientifiques", non autrement identifiés, auraient pu parvenir à la connaissance du dirigeant de l'entreprise, prive sa décision de base légale au regard des articles L.452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ; que, de même, faute d'analyser les conclusions du congrès de Caen en 1964, l'arrêt attaqué n'explique nullement en quoi la société exposante aurait été informée des mesures spécifiques à prendre pour conjurer le risque et ne caractérise donc pas la conscience du danger à l'époque considérée ; que l'utilisation de l'amiante n'ayant été interdite qu'à compter du 1er janvier 1998, le simple fait que la victime ait été exposée au risque d'une maladie professionnelle connue et répertoriée à un tableau des maladies professionnelles ne suffit pas à constituer en faute l'employeur qui poursuivait des activités visées audit tableau, de sorte que ne caractérise pas une faute inexcusable et viole les articles L.452-1 et suivants du Code de la sécurité

sociale, l'arrêt attaqué qui déduit du visa de l'amiante, au tableau n° 25 d'abord et au tableau n° 30 ensuite, la conscience que devait avoir ladite société d'un danger particulier auquel elle soumettait le défendeur au pourvoi en poursuivant légalement ses activités classiques de fabrication de produits en amiante ciment après la parution desdits tableaux ;

qu'il en est d'autant plus ainsi, que l'arrêt lui même relève que la réglementation ultérieure résultant du décret n° 77-949 du 17 août 1977 ne porte pas interdiction d'exposer des salariés aux poussières d'amiante ; que méconnaît la notion de faute inexcusable et viole en conséquence l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, l'arrêt qui considère que la responsabilité de l'employeur serait acquise du seul fait que les travaux entrepris par Everite, dès 1956 n'avaient pas été entièrement efficaces pour prévenir les risques découlant de l'usage autorisé à l'époque de l'amiante, substituant ainsi une obligation de sécurité à la notion de faute, sans indiquer comment un tel objectif de sécurité pouvait être satisfait à l'époque de l'exposition ; que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui laisse sans réponse les moyens des conclusions d'appel de la société Everite qui établissait notamment par les rapports annuels des CHSCT, les rapports du Service médical du travail de l'usine et les procès verbaux du Comité d'établissement, établis contradictoirement à toutes les époques, le caractère efficient des installations mises en place et constamment renouvelées en application de l'évolution de la réglementation ; que viole l'article 6 de la CEDH l'arrêt qui, refusant d'analyser les documents établis à l'époque litigieuse, se réfère exclusivement aux attestations actuelles collectées en vue des débats et qui met ainsi, sans respecter l'égalité des armes, le défendeur à l'action dans l'obligation d'apporter la preuve d'un fait négatif, à savoir le défaut d'empoussièrement dans les années 1950-1990 ; qu'en faisant reproche à la société Everite d'avoir réalisé des prélèvements "en application du Décret du 17 août 1977, pendant trois mois et ce de façon continue ne peut en aucun cas refléter la réalité d'une exposition massive durant une journée de travail qui se limite à 8H00", la cour de Paris ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la nature du grief, ainsi formulé, ni sur les dispositions du texte qui aurait été violées ;

qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel prive sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; que l'arrêt attaqué qui fait reproche à la société exposante d'avoir seulement produit "la moyenne" des prélèvements réalisés pendant trois mois, dénature en violation de l'article 1134 du Code civil, les conclusions de l'exposante qui, au contraire, versait aux débats, non seulement un tableau concernant les mois de décembre 1980, janvier 1981 et février 1981, pendant lesquels des relevés spécifiques avaient été exceptionnellement établis au moyen de compteurs individuels ,mais aussi, à titre principal, les taux d'empoussièrement, nettement inférieurs aux seuils réglementaires, qui avaient été relevés, selon les prescriptions réglementaires, et à toutes époques aux postes occupés par chacun des anciens salariés ; que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt qui laisse dépourvu de toute réponse les conclusions de l'exposante, qui faisaient valoir que, indépendamment de toute autre considération inopérante relative au courrier de l'inspecteur du travail en date du 25 février 1981 et au lessivage des vêtements de travail, la preuve que le taux de fibres d'amiante était demeuré très inférieur à la norme légale au poste de chaque salarié était formellement rapportée par les relevés de prélèvement d'air réglementaires, ce qui excluait nécessairement la faute inexcusable ; et alors, selon le second moyen, que la carence des pouvoirs publics, responsables de la prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles, qui a été constatée à l'occasion des maladies de l'amiante par des décisions administratives ayant autorité de la chose jugée, caractérise une cause justificative exclusive d'une faute inexcusable de l'employeur au sens de l'article L.451-2 du Code de la sécurité sociale et que, en sabstenant de s'expliquer sur le rôle des autorités chargées de la prévention des maladies professionnelles, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ; et que toute faute concomitante à celle de l'employeur est pour le moins de nature à atténuer la gravité de celle-ci, de sorte que l'arrêt qui constate qu'en raison de son inefficacité la réglementation mise en place par les pouvoirs publics en 1913, a laissé place à une réglementation spécifique en 1977, laquelle a du, à son tour, être abandonnée en 1998 pour faire intervenir une interdiction d'utilisation de l'amiante, ne justifie aucunement l'octroi d'une majoration de rente au taux maximum et le plein des indemnités complémentaires, ce qui implique une faute exclusive de l'employeur, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait ,la cour d'appel a violé les articles L.452-3 et L.452-2 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a, le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que, la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Everite avait commis une faute inexcusable ;

Et attendu que, dès lors qu'elle a retenu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, c'est à bon droit, que la cour d'appel a fixé au maximum la majoration de la rente versée à Mme X... ; que les moyens ne peuvent être accueilli en aucune de leurs branches ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est également fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, que l'exposante demandait à titre subsidiaire, qu'en raison de la fermeture de l'établissement ou travaillait la victime les conséquences de la prise en charge de la maladie professionnelle de celle-ci soient affectée au compte spécial en vertu de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995, puis par application de l'article D.242-6-3 du Code de la sécurité sociale, et qu'une telle demande n'était nullement "inutile, contraire ou mal fondée", en l'absence de décisions figurant au dispositif pour régler l'imputation finale des dépenses correspondant aux sommes allouées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; et que, au surplus, elle a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, en prenant une décision de rejet non motivée ;

Mais attendu qu'en utilisant dans son dispositif les termes "déboute les parties de toutes autres demandes fins ou conclusions déclarées contraires inutiles ou mal fondées " qui constituent une formule de style dépourvue de portée dès lors qu'elle n'est justifiée par aucune motivation en ce sens, la cour d'appel a en réalité, omis de statuer sur cette demande ; que cette omission pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Everite fait également grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser une certaine somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile alors, selon le moyen, que l'article 700 du nouveau Code de procédure civile dispose que : "le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; qu'en l'occurrence aucune condamnation d'Everite n'est prononcée ni quant aux dépens, ni quant aux demandes que le salarié avait dirigées contre son ancien employeur, de sorte que viole le texte susvisé la cour qui met cependant à la charge de la société exposante une condamnation au titre dudit article 700 ;

Mais attendu que la société Everite, partie aux débats, dont la faute inexcusable a été reconnue être à l'origine de la maladie professionnelle de son salarié, est une partie perdante au sens de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, peu important qu'aucune condamnation pécuniaire n'ait été prononcée à son encontre ;

que, dès lors, la cour d'appel a pu la condamner à verser aux demandeurs une somme au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ;

Sur le pourvoi incident et la requête en rectification d'erreur matérielle, tel qu'ils figurent en annexe :

Attendu qu'à l'appui de son pourvoi incident, la Caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire sollicite qu'il soit procédé, par la voie de la procédure prévue à l'article 462 du nouveau Code de procédure civile, à la rectification de l'arrêt déféré, en ce qu'il résulte de ses motifs que la cour d'appel de Paris a décidé d'affecter les dépenses d'indemnisations découlant de la prise en charge de la maladie professionnelle de M. X... au compte spécial visé à l'article D.246-6-3 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'omission ainsi constatée, constituant une omission de statuer, ne peut donner lieu à pourvoi en cassation et relève de la procédure prévue par l'article 463 du nouveau Code de procédure civile ;

D'où il suit que la requête est mal fondée et le pourvoi irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par la CPAM d'Indre-et-Loire ;

REJETTE le pourvoi principal de la société Everite, et déclare irrecevable le pourvoi incident de la CPAM d'Indre-et-Loire ;

Condamne la société Everit et la CPAM d'Indre et Loire aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire, condamne la société Everit à payer aux consorts X... la somme de 150 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-30257
Date de la décision : 14/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (18e chambre, section B), 17 décembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 oct. 2003, pourvoi n°02-30257


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ANCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.30257
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