AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que par acte notarié du 8 décembre 1986, la société Marseillaise de crédit (la banque) a conclu avec la société Alleins-pneus une convention de compte courant destinée à englober l'ensemble de leurs rapports d'obligations présents et futurs ;
que dans le même acte, M. X..., gérant de la société, s'est constitué caution solidaire et hypothécaire en garantie des obligations souscrites à concurrence de 400 000 francs, plus intérêts conventionnels, commissions frais et autres accessoires ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société, la banque a déclaré sa créance ;
que le 18 septembre 1992, elle a fait délivrer à M. X... un commandement aux fins de saisie immobilière pour avoir paiement des sommes de 265 969,73 francs correspondant au solde du compte courant n° 253177, 4 868,69 francs, au solde du compte "avances sur marchandises", 216 600 francs et 44 501,04 francs au solde du crédit consenti le 28 janvier 1987 ; que M. X... a opposé la nullité du cautionnement et, subsidiairement, en a contesté la portée ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation à paiement alors, selon le moyen :
1 / que dans son assignation et ses conclusions déposées devant la cour d'appel, M. X... demandait la nullité pure et simple de l'engagement de caution qu'il avait souscrit au motif que l'acte n'indiquait pas le numéro du compte courant, objet de la garantie, et n'identifiait pas l'agence dans les livres de laquelle ce compte avait été ouvert ; qu'en déboutant M. X... de cette demande, tout en relevant d'office le moyen tiré d'une prétendue ambiguïté des termes de l'acte quant aux créances que le cautionnement garantissait et en limitant à certaines d'entre elles seulement la condamnation de la caution, la cour d'appel a méconnu les termes les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que dans ses conclusions d'appel du 13 octobre 1995, M. X... reconnaissait que l'acte de cautionnement, sous réserve que sa validité soit reconnue, portait bien sur le solde du compte "avances sur marchandises" ainsi que sur le solde du crédit de 100 000 francs dont la société Alleins-pneus était redevable ; qu'en déclarant le cautionnement valable, tout en retenant qu'il ne devait s'interpréter comme ne portant que sur le solde débiteur du compte courant n° 2000253117 B, la cour d'appel a méconnu derechef les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en relevant d'office le moyen tiré d'une ambiguïté des termes de l'acte quant aux créances garanties, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé les articles 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que M. X... ayant soutenu dans ses conclusions, que pour le cas où le cautionnement serait déclaré valable, la banque ne pourrait s'en prévaloir que s'il était établi que les sommes réclamées par elle, tant en ce qui concerne le solde du compte avances sur marchandises que le solde du crédit, bénéficiaient de cette garantie, la cour d'appel qui a recherché dans la convention de compte courant sur laquelle les parties ont été mises à même de débattre contradictoirement, quelles étaient les créances bénéficiant du cautionnement n'a pas méconnu les termes du litige ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour condamner M. X... à payer à la banque la somme de 4 868,69 francs seulement et pour rejeter la demande de celle-ci en remboursement du solde du compte "avances sur marchandises" et du solde du crédit, l'arrêt retient que la convention contient une ambiguïté portant sur les termes "compte" et opérations" qui peuvent s'entendre en deux sens, soit que la garantie s'étende à l'ensemble des relations contractuelles et à leurs résultats, peu important l'absence d'écriture comptable, soit que le débit résultant de la balance des mouvements du compte bancaire au moment de sa clôture sera garanti, de sorte que la convention devant s'interpréter en faveur de la caution qui s'oblige, seul le solde débiteur du compte n° 2000253 117 B bénéficie de la garantie à l'exception des deux autres créances distinctes pour lesquelles le cautionnement n'a pas été spécialement sollicité et qui procèdent d'opérations particulières dont les résultats n'ont pas été portés au compte du débiteur principal ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la convention stipule que le compte courant, en raison de son caractère de généralité, englobe et continuera à englober tous les rapports d'obligations qui existent et existeront entre le client et la banque, les remises effectuées en compte se traduisant en simples articles de crédit et de débit, destinés à se balancer à la clôture du compte en un seul solde exigible et qu'il en sera ainsi lors même que les opérations seraient comptabilisées dans des comptes différents, tous les comptes ouverts au client par la banque devant être considérés comme des chapitres d'un compte courant unique, la cour d'appel, qui a écarté du bénéfice du cautionnement certaines créances qui étaient entrées en compte courant, en a dénaturé les termes clairs et précis ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille trois.