AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., employé par la société Cogema, exerçait les fonctions d'ouvrier de fabrication, 2ème catégorie, coefficient 140 au sein du service des effluents liquides de l'établissement de Marcoule ; qu'il a été détaché, le 1er juillet 1979, auprès de la compagnie minière Cominak, filiale de la société Cogema au Niger ; que son détachement a pris fin le 1er septembre 1986 et qu'il a été réintégré, à cette date, au sein de la société Cogema à l'établissement de Marcoule dans un emploi d'agent technique 1, coefficient 180-2.2. avec un salaire de base de 7 000 francs ; que le 22 septembre 1986, la société Cogema lui a notifié que sa qualification était celle d'OP2- niveau II - échelon 3 - coefficient 190 avec un salaire de base de 7 400 francs ; que soutenant notamment que l'emploi, dans lequel il a été réintégré à l'expiration de son détachement n'était pas conforme aux dispositions conventionnelles applicables dans l'entreprise ni à celle de l'article L. 122-14-8 du Code du travail, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Cogema fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 13 février 2001) de l'avoir condamnée au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 / que l'entrée en vigueur d'un accord collectif de substitution a pour effet de mettre fin immédiatement à l'application de celui qu'il remplace, a fortiori quand la substitution intervient à la date d'expiration de la durée déterminée pour laquelle le précédent avait été conclu ; qu'en l'espèce, il est constant que les accords d'entreprise fixant les conditions d'emploi et de travail des salariés de la société Cogema sont conclus pour une durée de cinq années et que l'accord d'entreprise du 28 mai 1979, qui était applicable lors du détachement de M. X... auprès de la société Cominak intervenu le 1er juillet suivant, a été remplacé par un nouvel accord qui est entré en vigueur le 28 mai 1984 ;
que, dès lors, en retenant que la société Cogema avait contrevenu aux dispositions d'un article 56-2 de l'accord d'entreprise du 28 mai 1979, tandis que le salarié avait été réintégré dans l'entreprise le 1er septembre 1986 et qu'à cette date, l'accord en cause, qui avait été remplacé par celui du 28 mai 1994, n'était plus applicable, la cour d'appel a violé par fausse application les accords d'entreprise susvisés, ensemble l'article L. 132-8 du Code du travail ;
2 / que l'article 76-4 de l'accord d'entreprise du 28 mai 1979 dispose que "dans le cas où le détachement intervient à la demande de l'intéressé, il est réintégré dans toute la mesure du possible" et qu'"en cas d'impossibilité, il est fait application des articles 79 et 81" ; qu'il est constant qu'en l'espèce, c'est M. X... qui a demandé par lettre du 9 avril 1979 à la société Cogema d'être détaché auprès de sa filiale de droit nigérien, la société Cominak ; que, dès lors, en retenant que la société Cogema avait procédé au reclassement du salarié à l'issue de son détachement sans respecter les dispositions de l'accord du 28 mai 1979 qui lui auraient imposé de tenir compte de la qualification et de la rémunération qu'il avait acquises lors de son détachement, tandis que, à supposer cet accord applicable au litige, elle n'était tenue que de réintégrer l'intéressé "dans toute la mesure du possible" et qu'elle s'était conformée à cette obligation, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé les dispositions conventionnelles susvisées, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
3 / que le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'au soutien de sa décision, la cour d'appel a affirmé que la société Cogema avait procédé au reclassement de M. X... à l'issue de son détachement auprès de la société Cominak sans respecter les dispositions d'un article 56-2 de l'accord d'entreprise du 28 mai 1979 qui lui auraient imposé de tenir compte de la qualification et de la rémunération acquises par le salarié lors de son détachement à l'étranger, alors que cet accord, à le supposer même applicable au litige, ne comporte aucun article numéroté 56-2, ni aucun autre ayant un tel contenu ; que si l'accord d'entreprise ultérieur du 28 mai 1984 comporte bien un article 56-2, celui-ci a un tout autre objet ;
que l'article 56-2 des accords d'entreprise des 27 juin 1989 et 7 juin 1994 ne concerne que l'hypothèse, étrangère à l'espèce, où le détachement est intervenu à la demande de l'employeur, lesdits accords étant au surplus inapplicables au litige ratione temporis ; que, dès lors, en se déterminant de la sorte en considération d'un soi-disant article 56-2 de l'accord d'entreprise du 28 mai 1979, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'accord d'entreprise auquel elle a entendu se référer, quel qu'il soit, ensemble les articles 12 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ;
4 / que l'article L. 122-14-8 du Code du travail n'impose à la société mère qui réintègre un salarié à l'issue de son détachement auprès d'une filiale étrangère que de lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance des fonctions qu'il occupait avant son détachement ;
que, dès lors, la cour d'appel a ajouté à cette disposition en affirmant que son respect imposait de revaloriser la condition de M. X... lors de sa réintégration à Marcoule ; que, ce faisant, elle a violé le texte susvisé par fausse interprétation ;
5 / que l'article L. 122-14-8 du Code du travail n'impose à la société mère qui réintègre un salarié à l'issue de son détachement auprès d'une filiale étrangère que de lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance des fonctions qu'il occupait avant son détachement ;
que, dès lors, la cour d'appel a ajouté à cette disposition en affirmant que la société Cogema y avait contrevenu en privant M. X... de la possibilité de donner son opinion sur la validité des conditions de sa réintégration ; que, ce faisant, elle a derechef violé le texte susvisé par fausse interprétation ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la société n'avait pas informé le salarié dans un temps suffisant, des modalités de sa nouvelle affectation à la suite d'un détachement de plus de six ans, a pu décider qu'il avait subi un préjudice dont elle a évalué souverainement le montant ; que, par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cogema aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Cogema à payer à M. X... la somme de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille trois.