La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2003 | FRANCE | N°01-42575

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2003, 01-42575


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 01-42.575, Z 01-42.576, A 01-42.577, B 01-42.578, C 01-42.579, D 01-42.580, E 01-42.581, F 01-42.582, H 01-42.583 et G 01-42.584 ;

Attendu qu'en application de l'article L. 322-4-7 du Code du travail, alors en vigueur, M. X... et neuf autres salariés ont été engagés par diverses associations selon des contrats emploi-solidarité (CES) puis des contrats emploi-consolidé (CEC) et ont été mis, dans le cadre d'une opération dite "inte

rlignes" à la disposition de la Régie des transports de Marseille (RTM) pour ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 01-42.575, Z 01-42.576, A 01-42.577, B 01-42.578, C 01-42.579, D 01-42.580, E 01-42.581, F 01-42.582, H 01-42.583 et G 01-42.584 ;

Attendu qu'en application de l'article L. 322-4-7 du Code du travail, alors en vigueur, M. X... et neuf autres salariés ont été engagés par diverses associations selon des contrats emploi-solidarité (CES) puis des contrats emploi-consolidé (CEC) et ont été mis, dans le cadre d'une opération dite "interlignes" à la disposition de la Régie des transports de Marseille (RTM) pour exercer, en qualité "d'assistant de paix urbaine", notamment des missions d'animation socio-éducative et d'assistance aux voyageurs sur les "lignes RTM" ; que les salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes formées à l'encontre de la RTM ;

Sur le premier moyen commun aux pourvois :

Attendu que la RTM fait grief aux arrêt attaqués (Aix-en-Provence, 1er février 2001) d'avoir rejeté leur demande d'annulation des jugements rendus le 6 juillet 1999 par le conseil de prud'hommes de Marseille sans mise en oeuvre de la procédure de conciliation devant le bureau de conciliation, alors, selon le moyen :

1 / que, dans ses conclusions d'appel sur ce point délaissées, la Régie des transports de Marseille (RTM) faisait valoir qu'en sollicitant sa réintégration en son sein, la véritable question soumise par le salarié au conseil de prud'hommes n'était pas celle de la requalification d'un contrat de travail mais celle de l'existence même de ce contrat ;

qu'ainsi le débat, qui concernait l'existence d'un lien de subordination entre le salarié intéressé et la RTM, devait relever de la procédure prud'homale de droit commun, impliquant le préliminaire de conciliation, et non de la procédure accélérée devant le bureau de jugement qui ne concerne que la demande de requalification du contrat de travail proprement dite ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef pertinent des conclusions de la RTM, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le préliminaire de conciliation constitue une formalité substantielle de la procédure prud'homale à laquelle il ne peut être dérogé ; que si l'article L. 122-3-13 du Code du travail prévoit une procédure accélérée devant le conseil de prud'hommes pour obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, supprimant ainsi le préliminaire de conciliation, cette saisine directe du bureau de jugement ne saurait s'étendre à la demande de réintégration présentée par le salarié visant à obtenir la reconnaissance de la RTM en tant que véritable employeur, aux lieu et place de l'association Impact ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1, R. 516-13 et L. 122-3 du Code du travail ;

3 / que le préliminaire de conciliation constitue une formalité substantielle de la procédure prud'homale à laquelle il ne peut être dérogé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir pourtant constaté que le salarié avait saisi le conseil de prud'hommes de demandes tendant "en second lieu" à sa réintégration au sein de la RTM, ce dont il résultait que sa demande dépassait le cadre d'une simple demande de requalification du contrat de travail et devait être soumise à la procédure prud'homale de droit commun, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 511-1, R. 516-13 et L. 122-3-13 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la demande, dont les salariés avaient saisi le conseil de prud'hommes, avait pour objet, en premier lieu, de requalifier les contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée ; qu'elle a, dès lors, exactement décidé qu'en application de l'article L. 122-3-13 du Code du travail, cette demande devait être portée directement devant le bureau de jugement et que la demande formée, en second lieu, tendant à "prononcer la réintégration des salariés au sein de la RTM" et dérivant du même contrat de travail, pouvait être présentée devant cette formation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu que la RTM fait, encore, grief aux arrêts d'avoir jugé qu'elle était employeur des salariés, que le contrat de travail de la RTM avec chacun d'eux étant oral, était, en conséquence, à durée indéterminée, que la rupture de leur contrat s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à payer à chacun d'eux des sommes à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, alors, selon le deuxième moyen :

1 / que s'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture des contrats emploi-consolidé, contrats de droit privé, en revanche dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en l'espèce, pour considérer que les liens entre la RTM et le salarié mis à sa disposition par l'association employeur devaient être régis par l'article L. 121-1 du Code du travail, la cour d'appel, après avoir pourtant constaté que la RTM faisait valoir que la convention conclue entre l'association Impact et l'Etat prévoyait expressément que l'association mettrait à disposition de la RTM des personnes qui participeraient, aux côtés d'agents assermentés, aux actions de lutte contre la fraude, la cour d'appel a considéré que les articles L. 322-4-7 à L. 322-4-12 du Code du travail ne prévoyaient aucune mise à disposition des bénéficiaires de ces dispositions légales par les employeurs visés à l'article L. 322-4-7 du Code du travail ; qu'en écartant les dispositions de la convention de droit public passée entre l'Etat et l'association employeur en se fondant sur les articles L. 322-4-7 à L. 322-4-12 du Code du travail, la cour d'appel s'est nécessairement fait juge de la légalité de cet acte administratif, violant ainsi le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives, ensemble l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

2 / que, dans les circonstances de l'espèce, la requalification des contrats emploi-consolidé en contrats de droit commun, qui rentrait dans la compétence de la cour d'appel, impliquait, au préalable, de rechercher si la convention conclue entre l'Etat et l'association Impact et prévoyant une mise à disposition des salariés engagés par l'association au sein de la RTM n'avait pas pour but de réaliser une application illégale des dispositions régissant les contrats emploi-consolidé, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que sur l'appréciation de la légalité de cette convention de droit public, la juridiction judiciaire devait renvoyer les parties devant le juge administratif, seul compétent pour trancher cette question préjudicielle, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives, ensemble l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

3 / que s'il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture des contrats emploi-consolidé, contrats de droit privé, en revanche, dans le cas où la contestation met en cause la légalité de la convention passée entre l'Etat et l'employeur, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur la question préjudicielle ainsi soulevée ; qu'en requalifiant les contrats emploi-consolidé en contrats de droit commun et en conférant à la RTM la qualité d'employeur, aux motifs que l'association Impact n'avait pas la qualité d'association intermédiaire au sens de l'article L. 128 du Code du travail, la cour d'appel, qui a considéré qu'aucune mise à disposition de salariés sous contrats emploi-consolidé ne pouvait être opérée en dehors des dispositions de l'article L. 128 du Code du travail, a écarté l'application et les effets de la convention de droit public passée entre l'Etat et l'association Impact prévoyant expressément une mise à disposition des salariés engagés par l'association au sein de la RTM afin d'appliquer purement et simplement les dispositions du Code du travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel s'est nécessairement fait juge de la légalité de cette convention de droit public et a violé le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives, ensemble l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Et alors, selon le troisième moyen :

1 / que, dans ses conclusions d'appel sur ce point délaissées, la RTM faisait valoir qu'elle n'était pas le partenaire exclusif d'Impact dans cette opération, puisque deux établissements scolaires y étaient impliqués en 1994, puis 35 collèges et lycées en 1995, et que, conformément aux indications contenues à l'article 2 de leur contrat de travail, la mission des animateurs interlignes s'exerçait soit sur le réseau d'exploitation de la RTM, soit dans les établissements scolaires, soit dans les centres sociaux de Marseille ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs pertinents de conclusions de la RTM, qui étaient pourtant de nature à influer sur la solution du litige, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que, dans ses conclusions d'appel sur ce point délaissées, la RTM faisait valoir qu'une convention générale du 5 juillet 1991, passée entre Impact et la RTM, prévoyait que l'association "mettra à disposition de la RTM qui les agréera des personnes qui participeront aux côtés des agents assermentés aux actions de lutte contre la fraude ou à toutes autres missions dont les conditions feraient l'objet d'un avenant particulier", que les interlignes n'avaient jamais assuré les missions et fonctions d'un agent RTM, et a fortiori celles de service public confiées à ces agents, et n'avaient jamais été assermentés, qu'ils n'avaient jamais contesté n'avoir fait que participer aux missions de lutte contre la fraude aux côtés d'agents assermentés, que c'était à l'association Impact et non à la RTM que les interlignes adressaient leur demande de congé ; que l'association Impact assurait la rétribution de leur salaire et qu'il ne s'agissait ainsi que d'un tutorat d'entreprise conformément aux dispositions d'application des contrats emploi-solidarité et des contrats emploi-consolidé ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs pertinents des conclusions de la RTM, qui étaient pourtant de nature à influer sur la solution du litige, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le juge doit examiner tous les éléments de preuve fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la RTM avait régulièrement versé aux débats les contrats emploi-consolidé conclus entre chaque salarié et l'association Impact, des témoignages, des lettres de missions, des descriptions de poste, ainsi que des demandes de congés formulées par les agents auprès de l'association Impact, qui étaient de nature à démontrer la réalité du simple tutorat d'entreprise exercé par les agents RTM auprès du personnel Interligne ;

qu'en refusant d'examiner ces éléments de preuve, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / que la lettre de mission adressée à un assistant de paix urbaine par M. Y..., visée par la cour d'appel, prévoyait expressément que "conformément à l'article 8 du protocole d'accord, l'association Impact, sur la proposition du chef de ligne et en concertation avec l'établissement scolaire concerné et la RTM, peut mettre fin au contrat ; la proposition du chef de ligne, faite conjointement ou non avec le correspondant de l'établissement scolaire concerné, doit invoquer une faute grave imputable au salarié ou une cause extérieure" ; qu'il résultait des termes clairs et précis de cette lettre que seule l'association Impact avait compétence pour prononcer une action à l'égard d'un interligne et que la RTM ne disposait à cet égard que d'un pouvoir de proposition ;

qu'en affirmant que la RTM "pourra mettre fin au contrat en raison soit d'une faute grave imputable au salarié, soit d'un cas de force majeure", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de mission et violé l'article 1134 du Code civil ;

5 / que le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération ;

qu'en l'espèce, il était constant qu'aucun contrat de travail n'avait été conclu entre M. X... et la Régie des transports de Marseille, que son travail au sein de cette régie ne résultait que d'une mise à disposition contractuellement prévue entre la RTM et l'association Impact pour l'exercice d'un tutorat d'entreprise, que l'association Impact continuait à exercer le pouvoir disciplinaire et le pouvoir de direction sur les Interlignes et leur versait leur rémunération et que la RTM n'exerçait aucun pouvoir disciplinaire sur les Interlignes ; qu'en décidant néanmoins que le salarié se trouvait dans un lien de subordination avec la RTM, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi-consolidé sont des contrats de droit privé et qu'il incombe aux juridictions judiciaires de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de tels contrats ; que la cour d'appel, qui, sans se prononcer sur la légalité de la convention de droit public conclue entre les associations et l'Etat, s'est bornée à déterminer, en application de l'article L. 121-1 du Code du travail, le véritable employeur des salariés mis à disposition de la RTM, n'a pas méconnu le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté qu'il était établi que l'ensemble des salariés exécutaient leurs prestations de travail sous la direction et le contrôle des agents de la RTM qui notamment procédaient à leur affectation en fonction des besoins de l'entreprise, fixaient leurs horaires de travail, décidaient du recours à des heures supplémentaires et portaient une appréciation sur la qualité des prestations de travail de chacun d'eux ; qu'en l'état de ces constatations et abstraction faite du motif surabondant argué de dénaturation par le troisième moyen en sa quatrième branche, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, a caractérisé l'existence d'un état de subordination des salariés à l'égard de la RTM et a, en conséquence, exactement décidé que cette dernière était l'employeur desdits salariés ;

Que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la Régie des transports de Marseille (RTM) aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Régie des transports de Marseille (RTM) à payer à Mme Z... la somme de 150 euros ;

Vu les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la Régie des transports de Marseille (RTM) à verser à l'avocat de M. X..., Mme A..., Mlle Ben B..., Mme C..., Mme D..., Mme E..., Mme F..., Mme G... et M. H..., la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la somme de 2 500 euros, à charge pour lui de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Brissier, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du trente septembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-42575
Date de la décision : 30/09/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre A sociale), 01 février 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2003, pourvoi n°01-42575


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BRISSIER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.42575
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award