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24/09/2003 | FRANCE | N°01-11595

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 septembre 2003, 01-11595


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches et le second moyen, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 mars 2001), qu'à la suite de la parution de publicités relatives à l'activité développée par une société Europe Market office (société EMO), propriétaire de la marque Agenda et qui a mis au point un système de réalisation et de rédaction d'états des lieux en matière de baux, Mme X... a, le 20

septembre 1996, conclu un contrat avec cette société, lui accordant l'exclusivité de...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches et le second moyen, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 mars 2001), qu'à la suite de la parution de publicités relatives à l'activité développée par une société Europe Market office (société EMO), propriétaire de la marque Agenda et qui a mis au point un système de réalisation et de rédaction d'états des lieux en matière de baux, Mme X... a, le 20 septembre 1996, conclu un contrat avec cette société, lui accordant l'exclusivité de l'exploitation du système précité dans le département du Calvados pour cinq ans, moyennant un droit d'adhésion et une redevance mensuelle ; que par acte du 14 mai 1997, la société EMO a fait assigner Mme X... en résiliation anticipée du contrat à compter du 13 février 1997 pour manquement à ses obligations contractuelles ; qu'en défense, Mme X... a opposé la nullité du contrat, en faisant valoir que celui-ci, improprement qualifié de concession, était un contrat de franchise auquel s'applique la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, et qu'elle avait été trompée notamment par l'invocation d'un référencement de la société EMO auprès de professionnels de l'immobilier en réalité inexistant ;

Attendu que la société EMO fait grief à l'arrêt, d'avoir, selon ses termes, prononcé la résolution de la convention souscrite entre elle et Mme X..., d'avoir ordonné la restitution à Mme X... de la somme de 72 360 francs, retenu un préjudice complémentaire subi par cette dernière, rejeté ses demandes et de l'avoir condamnée aux dépens, alors, selon le moyen :

1 / que si les juges du fond apprécient souverainement la pertinence et la gravité des faits allégués comme constitutifs du dol, ainsi que leur influence sur le consentement de la partie qui s'est obligée, il appartient à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la qualification de moyens illicites qui leur est attribuée ; que le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée; qu'ainsi, pour que le dol puisse éventuellement être sanctionné par la nullité du contrat, les manoeuvres illicites qu'il faut prouver doivent être pratiquées par le cocontractant ayant l'intention avérée de tromper, à l'exclusion d'un tiers; que si les manoeuvres d'un tiers peuvent être exceptionnellement assimilées à celles du cocontractant, c'est à la condition que la partie qui se prétend victime du dol démontre que le tiers a agi pour le compte du contractant - un représentant - ou que le contractant a été complice ou a inspiré le dol du tiers ; que pour juger que la SARL EMO avait eu l'intention de tromper Mme X... en pratiquant des manoeuvres dolosives déterminantes du consentement de celle-ci, et décider de la nullité du contrat et de la responsabilité de la SARL EMO, l'arrêt a retenu qu'il n'était pas établi que la mention RBC Conseil figurant sur le dossier d'information et sur les publicités du concept Agenda recouvrait une personne morale distincte et en tout cas indépendante de la SARL EMO ; qu'en statuant ainsi, sans relever que Mme X... avait démontré que les prétendues manoeuvres de la société RBC Conseil pouvaient être assimilées à celle de la SARL EMO mais en imposant au contraire à celle-ci d'établir que la société RBC Conseil était un tiers au sens des dispositions relatives au dol, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et n'a pas caractérisé l'existence d'un dol, en violation de l'article 1315 du Code civil, ensemble les articles 1116 et 1382 du Code civil ;

2 / que lorsqu'une partie à un contrat prétend qu'existe une obligation résultant d'un document publicitaire, et que les parties n'ont pas expressément intégré ce document au contrat en le visant dans l'instrumentum qu'elles ont dressé pour constater leur accord, ou en l'y annexant, elle est tenue de rapporter la preuve de l'influence décisive de ce document sur son consentement, outre celle que le document comporte des informations suffisamment précises et détaillées sur les caractéristiques de l'objet du contrat et qu'il émane bien du contractant;

qu'en n'indiquant pas en quoi il pouvait être tenu pour acquis que les documents publicitaires litigieux avaient valeur contractuelle dans les rapports entre la SARL EMO et Mme X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles 1315 et 1134 du Code civil ;

3 / que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en se bornant à indiquer que la SARL EMO a, préalablement à la signature de la convention, communiqué à Mme X... des informations imprécises et erronées, constitutives de manoeuvres dolosives l'ayant trompée sur les possibilités de création et de développement de la clientèle, qui l'ont déterminée à contracter en se fondant notamment sur des documents publicitaires émanant de la société RBC Conseil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1109 et 1315 du Code civil ;

4 / que pour l'application de l'article 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, à défaut de contrat de franchise, il est nécessaire que les parties soient liées par des stipulations contractuelles prévoyant d'un côté la mise à disposition de l'enseigne, du nom commercial ou de la marque et d'un autre, un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de l'activité concernée, l'obligation d'information s'imposant avant la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des parties ; que, pour que ces dispositions s'appliquent, il faut non seulement que le contrat liant les parties impose une exclusivité ou une quasi-exclusivité d'activité du franchisé ou assimilé au profit du franchiseur ou assimilé, mais encore, qu'en fait, le franchisé ou assimilé, exerce effectivement presque exclusivement ladite activité au profit du franchiseur ou assimilé ; que, sans indiquer si le contrat avait été conclu dans l'intérêt commun des parties et sans rechercher si Mme X..., qui conservait contractuellement la possibilité de cumuler une activité professionnelle autre que celle de concessionnaire, avait en fait exercé une activité quasi-exclusive au profit de la SARL EMO, la cour d'appel s'est bornée à constater que la convention prévoyait un engagement de quasi-exclusivité de la part du concessionnaire ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 (article L. 330-3 du Code de commerce) ;

5 / que pour annuler un contrat soumis à l'article 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, il convient de rechercher si le défaut d'information dans le délai légal prévu a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé ou assimilé ; qu'à plus forte raison, il en va ainsi lorsque l'information a été communiquée, même de façon incomplète ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, devenu l'article L. 330-3 du Code de commerce, ensemble les articles 1109 à 1117 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que la convention prévoit un engagement de quasi-exclusivité de la part du concessionnaire qui s'interdit d'avoir "directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente ou susceptible de l'être", et relevé que la société EMO mettait à disposition de Mme X... un nom commercial, la cour d'appel, qui en a déduit que cette société avait l'obligation de respecter les dispositions de la loi du 31 décembre 1989 relatives à l'information précontractuelle, et qui n'avait pas, pour apprécier le caractère applicable de ces dispositions, à effectuer la recherche invoquée à la quatrième branche du moyen, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel a exactement retenu que l'obligation d'information incombait personnellement à la société EMO en qualité de cocontractant ; qu'en en déduisant que le caractère imprécis et erroné des informations communiquées préalablement à la signature du contrat à Mme X... était imputable à la société EMO, la cour d'appel n'encourt pas le grief de la première branche du moyen ;

Attendu, en troisième lieu, que l'arrêt relève que les publicités créées par la société EMO mettent en avant, au titre des principaux avantages présentés par le réseau, "leur référencement national par les organisations professionnelles" ; que l'arrêt constate que certaines des mentions figurant dans le dossier remis préalablement à la signature du contrat faisant état "des relations régulières" entretenues par la société EMO avec les principaux groupements de professionnels" et "l'appartenance à un réseau référencé", permettaient au concessionnaire de se convaincre qu'en faisant partie du réseau Agenda, il bénéficierait d'un accès à une clientèle de professionnels de l'immobilier, connaissant la marque et la méthodologie de travail à la mise en forme de laquelle ils avaient participé ; que l'arrêt observe qu'il résulte des courriers établis par les plus importants de ces professionnels que ceux-ci n'avaient pas été sensibilisés à la méthodologie "Agenda", qu'ils n'avaient pas effectué de recommandation aux agences immobilières et que la société EMO s'est bornée à établir qu'elle faisait insérer des encarts publicitaires dans les revues éditées par les groupements de professionnels de l'immobilier ; que l'arrêt relève que dès janvier 1997, Mme X... a sollicité auprès de la société EMO la liste des organisations professionnelles référencées en faisant précisément état des indications figurant à cet égard dans le dossier

d'information et les encarts publicitaires ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que la société EMO a, préalablement à la signature du contrat, communiqué à Mme X... des informations imprécises et erronées l'ayant trompée sur les possibilités de création et de développement de la clientèle qui l'ont déterminée à contracter, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société EMO aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société EMO à payer à Mme X... la somme de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-11595
Date de la décision : 24/09/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen (1re Chambre civile), 06 mars 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 sep. 2003, pourvoi n°01-11595


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.11595
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