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08/07/2003 | FRANCE | N°01-10495

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2003, 01-10495


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er mars 2001), que, fabriquant des agrafes métalliques pour tapis et bandes transporteuses destinées notamment aux mines américaines, la société Goro, désireuse d'améliorer la qualité de son produit et en particulier sa durée de résistance à l'usure, s'est adressée en décembre 1993 à la société Hydromécanique et frottement (la société HEF), qui est spécialisée dans l'étude de la résistance au frot

tement et à l'usure des matériaux et des traitements de surface, et dont la filiale, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er mars 2001), que, fabriquant des agrafes métalliques pour tapis et bandes transporteuses destinées notamment aux mines américaines, la société Goro, désireuse d'améliorer la qualité de son produit et en particulier sa durée de résistance à l'usure, s'est adressée en décembre 1993 à la société Hydromécanique et frottement (la société HEF), qui est spécialisée dans l'étude de la résistance au frottement et à l'usure des matériaux et des traitements de surface, et dont la filiale, la société Techniques surfaces, est chargée d'appliquer les procédés de traitements de surface préconisés sur commande ; qu'entre janvier et juillet 1994, la société HEF a préconisé différentes solutions destinées à améliorer la résistance à l'usure des produits de la société Goro et a émis quatre factures pour un montant total de 123 106,80 francs ; que, dans le même temps, la société Goro a passé commande pour le traitement, par la société Techniques surfaces, de crampons en acier inoxydable également destinées à des mines américaines ; que la société Goro s'est plainte de la mauvaise qualité du traitement appliqué et a judiciairement demandé l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait

avoir subi ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société HEF fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Goro une somme en réparation de son préjudice financier, alors, selon le moyen :

1 / qu'il appartient au maître d'ouvrage d'informer l'entrepreneur des conditions d'utilisation inhabituelles dans lesquelles doit être utilisé le produit fabriqué ; qu'en l'espèce, il appartenait à la société Goro d'avertir la société HEF que certains de ses clients utilisaient les agrafes en milieu minier, particulièrement agressif ; que, faute d'avoir été avertie par sa cliente d'une telle utilisation, la société HEF n'a commis aucune faute en ne proposant pas à sa cliente une étude spécifique sur le risque de corrosion des agrafes dans un tel milieu ; qu'en imputant à la société HEF la responsabilité des désordres liés à la corrosion des agrafes en milieu minier, en énonçant qu'il lui incombait de se renseigner auprès de son client sur l'environnement dans lequel étaient utilisées ses agrafes, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

2 / que l'expert a expressément constaté que la société HEF ignorait que les agrafes de la société Goro étaient utilisées en milieu minier ; que, comme le faisait valoir la société HEF dans ses conclusions d'appel, ni la commande de la société Goro du 15 novembre 1993, ni les documents commerciaux fournis par celle-ci ne faisaient la moindre référence à une utilisation des agrafes dans les mines, et elle avait effectué tous ses essais à l'air ambiant sans protestation de son client ;

qu'elle n'avait donc pas à s'interroger d'elle-même du risque de corrosion des agrafes en milieu minier ; qu'en retenant qu'il lui appartenait de proposer une étude spécifique sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

3 / qu'il résulte des constatations de la cour d'appel et du rapport d'expertise que le traitement Arcor S avait donné toute satisfaction pour les agrafes utilisées à l'air ambiant, et n'avait engendré de problèmes de corrosion que pour celles utilisées dans les mines ; que la société HEF n'a donc pas commis de faute en n'avertissant pas son client du risque de fragilisation de l'acier inoxydable du fait du traitement, dès lors que le risque de corrosion n'était pas susceptible de se réaliser dans des conditions normales d'utilisation des agrafes ; qu'en retenant néanmoins une violation de son devoir de conseil à la charge de la société HEF, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

4 / qu'en toute hypothèse, l'expert relève expressément dans son rapport que les désordres en cause concernaient des commandes passées pour le plus grand nombre d'entre elles à partir du mois de mai 1994, c'est-à-dire après que la société HEF, informée par la première fois en avril 1994 de ce que les agrafes étaient destinées à être utilisées en milieu minier par certains des clients de la société Goro, lui ait fait une proposition d'étude de corrosion dans ce milieu, que celle-ci a refusée pour des raisons d'économie ; que la cour d'appel relève elle-même que les désordres sont apparus en juillet-août 1994 ; qu'en déclarant la société HEF fautive pour n'avoir fait cette proposition d'étude de corrosion "qu'en avril 1994", sans s'expliquer, comme elle y était expressément invitée, sur l'existence d'un lien de causalité entre le comportement de la société HEF et les désordres, tous afférents à des commandes passées postérieurement à l'accomplissement par celle-ci de son obligation d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'obligation de conseil à laquelle est tenu un professionnel à l'égard de son client lui impose de s'informer des besoins de celui-ci et des conditions d'utilisation du produit et d'adapter ce produit à l'utilisation qui en est prévue ; qu'ayant retenu que la société HEF, bureau d'études spécialisé dans le traitement de surface possédant à ce titre une très bonne connaissance des métaux, de leur propriété et de leur mise en oeuvre, se devait de proposer initialement à son client une étude globale comportant notamment une étude de résistance à la corrosion des pièces traitées, la cour d'appel, qui a constaté que, n'ignorant pas que tout dépendait des conditions d'utilisation et notamment du milieu environnant, la société HEF n'avait cependant posé aucune question sur ce point et avait réalisé ses essais à l'air libre, et que la société Goro, non-spécialiste de la métallurgie, s'en était remis à la compétence d'un spécialiste pour réaliser les études qui devaient améliorer la qualité et la longévité de ces produits, a justement décidé que la société HEF avait manqué à son devoir de conseil ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que la société Goro s'est adressée en décembre 1993 à la société HEF en vue de l'amélioration de la qualité de son produit et en particulier sa durée de résistance à l'usure, et que la société HEF n'a proposé une étude globale comportant notamment une étude de résistance à la corrosion des pièces traitées qu'en avril 1994 ; qu'en retenant que la responsabilité de la société HEF était engagée pour n'avoir pas proposé initialement à son client une étude globale comportant une étude de résistance à la corrosion des pièces traitées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société HEF fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a été dit, alors, selon le moyen :

1 / qu'en retenant, pour condamner la société HEF à payer à la société Goro une somme de 1 494 905 francs au titre de son prétendu préjudice financier, que la chute des ventes aux USA était imputable à la défectuosité des agrafes Titan traitées par la société HEF, sans répondre au moyen soulevé par celle-ci dans ses conclusions d'appel, faisant valoir que le rapport du commissaire aux comptes de la société Goro pour 1995 indiquait que la régression de l'activité cette année était due au déstockage réalisé par ses distributeurs pour des raisons financières, les ventes aux clients finaux n'ayant pas fléchi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que les frais de recherche et de développement exposés par la société Goro pour le lancement d'une nouvelle agrafe performante n'étaient nullement indispensables pour remplacer les agrafes ayant reçu le traitement Arco S ; qu'il suffisait en effet à la société Goro, comme le faisait valoir la société HEF dans ses conclusions d'appel, de fournir à ses clients les mêmes agrafes sans ce traitement ; qu'en condamnant la société HEF à payer à la société Goro une somme de 632 069 francs au titre de ces frais de recherche, qui n'avaient aucun lien de causalité avec la faute qui lui était imputée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

3 / qu'en condamnant la société HEF à payer à la société Goro une somme de 97 616 francs au titre de prétendus "frais financiers", sans expliquer en quoi consistaient ces frais et en quoi ils étaient imputables aux faits reprochés à la société HEF, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que l'expert-comptable choisi comme sapiteur par l'expert a bien évalué les préjudices subis par la société Goro ; qu'aux termes d'une étude complète et sérieuse, il a relevé que la chute des ventes aux USA était imputable à la défectuosité des agrafes avec crampons en acier inoxydable traitées Arcor S et qu'il existe un lien de causalité directe entre le sinistre et la baisse du chiffre d'affaires ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant repris à son compte les observations de l'expert selon lesquelles le préjudice commercial résultait de l'obligation de lancer une nouvelle agrafe performante, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'obligation dans laquelle s'était trouvée la société Goro de procéder à de nouvelles recherches, a justement retenu l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui était imputée à la société HEF et le préjudice subi par la société Goro ;

Et attendu, enfin, que l'arrêt mentionne qu'en ce qui concerne les frais financiers, il convient de retenir l'estimation de l'expert ;

qu'en adoptant le point de vue de l'expert, la cour d'appel a, par décision motivée, retenu que les pertes financières supportées par la société Goro correspondaient à la livraison de machines de pose et au délai de paiement correspondant et étaient liées au litige l'opposant à la société HEF ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, est mal fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société HEF fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Goro une somme au titre du remboursement partiel des études, alors, selon le moyen, que, comme l'ont relevé les premiers juges, l'expert a indiqué dans son rapport que les études réalisées par la société HEF étaient de qualité ; qu'en se bornant à énoncer qu'il était établi que certaines de ces études avaient été déficientes, sans indiquer sur quels éléments elle fondait son appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en relevant que la société HEF aurait dû s'interroger sur la résistance à la corrosion du traitement Arcor S et avait omis de prévenir son client sur les risques de dégradation des propriétés de l'acier inoxydable après traitement à 540 , la cour d'appel a motivé sa décision ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hydromécanique et frottement et la société Techniques surfaces aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Hydromécanique et frottement à payer à la société Goro la somme de 2 250 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-10495
Date de la décision : 08/07/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon (3e Chambre civile), 01 mars 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2003, pourvoi n°01-10495


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.10495
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