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08/07/2003 | FRANCE | N°00-18714

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2003, 00-18714


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sept branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nancy, 13 juin 2000), qu'à partir de 1988, le Crédit mutuel des professions de santé (CMPS) a accordé à M. X..., pour ses besoins personnels et professionnels de chirurgien-dentiste, des autorisations de découverts sur chacun des deux comptes dont celui-ci était titulaire dans ses livres, ainsi que deux prêts de "restructuration" d'un montant respectif de

200 000 et 750 000 francs destinés à combler ces découverts ; qu'après avoir...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sept branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nancy, 13 juin 2000), qu'à partir de 1988, le Crédit mutuel des professions de santé (CMPS) a accordé à M. X..., pour ses besoins personnels et professionnels de chirurgien-dentiste, des autorisations de découverts sur chacun des deux comptes dont celui-ci était titulaire dans ses livres, ainsi que deux prêts de "restructuration" d'un montant respectif de 200 000 et 750 000 francs destinés à combler ces découverts ; qu'après avoir constaté qu'en dépit des accords intervenus entre eux à la fin de l'année 1993 pour en limiter l'importance, les soldes débiteurs des comptes ne cessaient de croître au-delà des seuils convenus jusqu'à dépasser la somme de 800 000 francs, l'organisme de crédit, après avoir vainement adressé à son client plusieurs courriers lui demandant de respecter les plafonds fixés, lui a notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 octobre 1994, la clôture de ses comptes avec effet immédiat, l'invitant à restituer ses moyens de paiement ; que M. X... ayant effectué, le 3 novembre 1994, un retrait d'espèces au moyen d'une carte bancaire qu'il n'avait pas restituée, le CMPS a fait inscrire le lendemain, 4 novembre 1994, un premier incident de paiement au fichier central de la Banque de France, puis un second, le 15 mars 1995, après avoir constaté que l'intéressé ne régularisait pas la situation débitrice de ses comptes ; que M. X..., prétendant qu'après lui avoir octroyé sans discernement des concours excessifs, le CMPS les avait abusivement dénoncés et qu'il avait encore commis des fautes en inscrivant au fichier central de la Banque de France les incidents de paiement, a mis en cause la responsabilité de l'établissement prêteur ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes, alors, selon le moyen :

1 / que le seul fait d'octroyer de nouveau à un débiteur en difficulté des ouvertures de crédit en compte courant après lui avoir consenti un prêt de restructuration rendu nécessaire pour combler les dépassements de découverts autorisés accumulés pendant plus de 6 ans dans le cadre d'ouvertures de crédit en compte courant constitue en soi un soutien abusif inadapté émanant du banquier en ce qu'il encourage et favorise l'aggravation de l'endettement de son client en recourant aux mêmes outils de crédit que ceux par lesquels les difficultés du débiteur sont survenues ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'à partir de 1988, le CMPS lui a accordé plusieurs ouvertures de crédit en compte courant pour lui permettre le développement de ses activités professionnelles, qui se sont trouvées, en 1993, largement dépassées par le débiteur, de sorte que le CMPS l'a informé par lettre du 29 octobre 1993 de son intention de ne plus accorder de concours bancaires ; que par acte du 22 novembre 1993, un prêt de restructuration de 750 000 francs a été conclu afin de combler les dépassements de découverts accumulés ; que toutefois, la banque lui a de nouveau consenti un découvert en compte courant pour un montant total de 800 000 francs ; qu'en décidant dès lors que le CMPS n'avait commis aucune faute en agissant de la sorte quand il s'évinçait de ses propres constatations que l'établissement financier, conscient dès 1993 de l'inadaptation des crédits qu'il lui avait consentis en compte courant, avait néanmoins favorisé le doublement de son endettement en lui accordant de nouvelles autorisations de découvert, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 / qu'en sa qualité de professionnel du crédit, l'établissement prêteur est tenu d'une obligation particulière d'information et de vigilance en vertu de laquelle il doit se maintenir informé de la situation financière et comptable de l'emprunteur afin de veiller à l'adaptation du crédit octroyé aux capacités financières de ce dernier ;

qu'en se bornant dès lors à relever que le montant des prêts et découverts n'étaient pas exorbitants au regard de la qualité professionnelle de son client et que ce dernier, qui était en mesure d'apprécier les perspectives économiques de ses entreprises et les risques qu'il prenait, avait adressé à la banque des courriers optimistes concernant sa situation financière, pour en déduire que le CMPS n'avait pas manqué à son obligation d'information et de vigilance, sans constater toutefois que l'établissement prêteur s'était maintenu informé de sa situation financière effective et de ses projets en lui réclamant des pièces comptables probantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

3 / qu'en outre, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le CMPS avait pris des sûretés douteuses en garantie du prêt de 750 000 francs consenti le 22 novembre 1993 en vue de combler les découverts en compte courant qu'il avait accumulés ; qu'en décidant néanmoins que l'organisme de crédit n'avait commis aucune faute à l'occasion de l'octroi des crédits qu'il lui avait consentis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il s'évinçait que le CMPS avait commis une faute indéniable d'imprudence en ne veillant pas à ce qu'il présente les garanties nécessaires pour le remboursement des sommes prêtées, en violation de l'article 1382 du Code civil ;

4 / que tout concours à durée indéterminée consenti par un établissement de crédit à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite par laquelle l'établissement informe l'emprunteur de sa volonté claire et non équivoque de mettre fin aux concours octroyés ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, qu'après l'avoir averti le 29 octobre 1993 de sa volonté de ne plus lui consentir de nouveaux crédits, puis par lettres des 20 avril et 13 juillet 1994 de la nécessité de respecter le plafond des autorisations de découvert de nouveau consenties le 20 décembre 1993, le CMPS a finalement toléré un découvert de plus de 800 000 francs sans limitation de durée puis lui a proposé de lui consentir un nouveau prêt de restructuration d'un montant de 800 000 francs destiné à apurer ses découverts en compte courant ; qu'en se fondant dès lors sur les courriers précités de la banque pour en déduire l'absence d'abus dans la rupture des crédits consentis, le 18 octobre 1994, lorsqu'eu égard à l'octroi par la banque d'autorisations de découvert plus élevées et la proposition d'un nouveau prêt, ces lettres ne valaient en aucun cas notification claire et non équivoque de la rupture des découverts octroyés, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 60 de la loi du 24 janvier 1984 et 1382 du Code civil ;

5 / que tout concours à durée indéterminée consenti par un établissement de crédit à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu qu'à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours, ou à défaut, d'un délai raisonnable à compter de la notification de la décision, fixé par les usages bancaires à 60 jours, à moins que la situation irrémédiablement compromise de l'emprunteur n'autorise une rupture immédiate par l'établissement de crédit ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le découvert finalement toléré par le CMPS, d'un montant de 800 000 francs sans détermination de durée, a été rompu par lettre du 18 octobre 1994 aux termes de laquelle il a été mis en demeure de régler une somme de 200 000 francs le 31 octobre 1994, puis une somme de 300 000 francs le 31 novembre 1994 puis à nouveau une somme de 300 000 francs le 31 décembre 1994 ; qu'en décidant dès lors que la banque n'avait commis aucun abus dans la rupture du découvert de 800 000 francs consenti lorsqu'il s'évinçait de ses propres constatations et des termes de la lettre du 18 octobre 1994 qu'il avait été contraint de rembourser un quart des sommes prêtées, soit 200 000 francs, en l'espace de 10 jours, et sans que n'ait été caractérisée sa situation irrémédiablement compromise ou la commission de faits gravement répréhensibles, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 60 de la loi du 24 janvier 1984 et 1382 du Code civil ;

6 / qu'il faisait valoir dans ses conclusions que le dépassement du découvert autorisé par la banque à hauteur de 800 000 francs à l'origine de la rupture, avait été causé par le refus de la banque de lui délivrer des formules de chèques correspondant à un nouveau compte qu'il avait ouvert, en dépit du solde créditeur de ce dernier, de sorte qu'il avait été contraint de tirer des chèques sur les comptes courants débiteurs et de dépasser ainsi le montant de l'autorisation de découvert fixé à 800 000 francs ; qu'en relevant dès lors qu'il avait encore dépassé la limite de 800 000 francs finalement tolérée par la banque jusqu'à la porter à 825 000 francs le 25 octobre 1994, pour en déduire le bien-fondé de la rupture immédiate des concours par lettre du 18 octobre 1994, sans répondre à ses conclusions péremptoires de nature à écarter sa responsabilité dans le dépassement du découvert consenti, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

7 / que la banque qui constate un incident de paiement par chèque ou carte bancaire pour défaut de provision est tenue d'adresser par lettre recommandée avec accusé de réception au titulaire du compte une injonction de restituer les moyens de paiement utilisés (formules de chèques et cartes de paiement) après l'avoir informé des incidents de paiement intervenus et des facultés de régularisation ; qu'en l'espèce, il contestait formellement dans ses conclusions d'appel avoir jamais reçu la moindre lettre d'injonction de la part du CMPS l'informant des incidents survenus, des facultés de régularisation et des sanctions encourues ;

qu'en se bornant dès lors à relever que le CMPS versait aux débats les mises en demeure et avis de l'inscription au fichier des incidents de paiement qui lui avaient été adressés pour en déduire que la banque n'avait commis aucune faute, sans vérifier comme elle y était pourtant invitée s'il avait effectivement reçu les injonctions litigieuses, la cour d'appel, qui n'a nullement constaté que la banque avait adressé les injonctions litigieuses en lettre recommandée avec accusé de réception, ni que cette dernière versait aux débats les accusés de réception permettant seuls de faire la preuve de l'envoi, a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 du décret du 22 mai 1992 et 65-3 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que M. X... avait lui-même sollicité les concours litigieux pour satisfaire ses besoins de trésorerie consécutifs à l'installation d'un nouveau cabinet dentaire en association avec des confrères ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, et M. X... n'ayant jamais prétendu que le CMPS aurait pu avoir, sur ses propres capacités de remboursement ou les perspectives de développement de sa nouvelle activité, des informations, que, par suite de circonstances exceptionnelles lui-même aurait pu ignorer, les juges du fond ont décidé exactement que l'établissement de crédit, qui n'était redevable envers lui d'aucun devoir d'information ou de conseil, n'avait commis aucune des fautes alléguées par les trois premières branches ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt rappelle qu'après avoir accordé à M. X..., le 22 novembre 1993, un prêt de 750 000 francs qui ne constituait pas un crédit nouveau mais tendait exclusivement à restructurer la dette existante, le CMPS s'était ensuite borné à consentir à son client, en attendant qu'il s'associe avec des confrères, des autorisations de découvert d'une durée limitée au 30 juin 1994, en l'avertissant, par lettres des 20 avril et 13 juillet 1994, qu'aucun nouveau prêt ne lui serait octroyé et qu'il devait impérativement respecter les plafonds respectivement fixés à 300.000 et 100.000 francs pour chacun de ses comptes ; qu'il ajoute que par courriers des 20 avril, 13 juillet et 14 octobre 1994, l'établissement de crédit avait encore invité l'intéressé à réduire le montant de ses découverts pour les ramener dans la limite des autorisations accordées, mais que finalement, bien que cette limite tolérée ait été portée à 800 000 francs, celle-ci avait encore été dépassée en octobre 1994 ; qu'ayant ainsi fait ressortir le caractère gravement répréhensible du comportement du bénéficiaire des crédits, qui malgré les avertissements clairs et répétés reçus du CMPS, avait laissé sa situation s'aggraver sans respecter ses engagements, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions évoquées par la sixième branche que ces constatations rendaient inopérantes, a pu décider que cet établissement n'avait pas commis de faute en interrompant sans préavis les concours qu'il lui consentait jusque-là ;

Et attendu, en troisième lieu, qu'usant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a, par motifs adoptés des premiers juges, constaté que le CMPS établissait avoir adressé à M. X..., le 15 février 1995, une lettre d'injonction l'informant qu'à défaut de régularisation de la situation débitrice de ses comptes dans le délai d'un mois, l'incident serait déclaré à la Banque de France, puis l'avoir averti, le 15 mars, que l'incident devait obligatoirement être déclaré ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont il résultait qu'ayant respecté les obligations qui ne s'imposaient à lui que pour les incidents de paiement de chèques, le CMPS n'avait pas commis la faute évoquée par la septième branche, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer au Crédit mutuel des professions de santé la somme de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-18714
Date de la décision : 08/07/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy (1re Chambre civile), 13 juin 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2003, pourvoi n°00-18714


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.18714
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